été du financier Bernard Madoff, le 15 décembre 2008 à New York (Photo : Don Emmert) |
[21/12/2008 08:52:33] PARIS (AFP) Fraude Madoff, affaire Kerviel, pratiques anticoncurrentielles, la triche est au coeur du monde économique, n’épargnant aucun secteur, mais reste difficile à chiffrer et à prévenir.
Ces dernières semaines, de nombreux exemples de triche ont fait l’actualité économique, de l’escroquerie du gérant américain Bernard Madoff, qui aurait fait perdre 50 milliards de dollars à ses clients, à l’amende record de 575,4 millions d’euros infligée par le Conseil français de la concurrence à onze entreprises de la sidérurgie pour entente sur les prix.
En période de crise, “il n’y a pas nécessairement plus de triche mais le contexte permet de la démonter”, estime Marc Lenglet, docteur à Paris-Dauphine.
Dans le cas Madoff par exemple, “c’est parce que les clients ont eu besoin de leurs liquidités, qu’ils ont voulu les retirer, et c’est là que la pyramide s’est effondrée”, explique Philippe Broda, professeur à l’Istec (école supérieure de commerce et marketing) de Paris et organisateur d’un colloque sur “La +triche+ au sein du monde économique”.
M. Madoff est accusé d’une escroquerie pyramidale qui consistait à payer les intérêts de ses clients existants grâce au capital apporté par de nouveaux.
Le problème pour étudier ce phénomène est “justement que le tricheur doit être pris pour qu’on ait des informations”, indique Philippe Broda.
Mais, bien qu’elle soit difficile à appréhender, la triche doit être considérée comme une réalité du monde économique, selon les chercheurs.
été générale Jérôme Kerviel, le 13 octobre 20008 à Paris (Photo : Joël Saget) |
“Des gestionnaires embellissent leurs prévisions économiques ou les états financiers de leurs entreprises pour mieux séduire les investisseurs”, notent Henda El Gharbi et Ali Smida dans un article publié en marge du colloque.
“La loi de sécurité financière porte en son sein les germes de la triche avec la récurrence de publications de résultats qu’elle impose aux entreprises”, a relevé de son côté un intervenant à ce colloque.
De fait, les sociétés cotées doivent publier un certain nombre de rapports financiers et de déclarations dans l’année sous le contrôle de l’Autorité des marchés financiers (AMF).
Mais ces actes ne sont “jamais le fait de personnes morales: à leur origine figurent toujours un comportement, une personne physique”, estime Marc Lenglet.
En 2007, l’AMF a prononcé des sanctions contre 65 personnes et parmi elles, seules 26 sont des personnes morales. Parmi les infractions constatées, l’autorité cite des opérations d’initiés, des manipulations de cours ou la diffusion de fausses informations.
La triche cependant n’est pas le propre des marchés financiers et se retrouve sous différentes formes dans tous les domaines, même dans le commerce équitable.
Sylvie Hupton, enseignant-chercheur à l’ESDES Lyon (école de commerce et management), se demande même s’il n’y a pas “une illusion sur le commerce équitable”. “La DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) n’a pas les moyens de remonter jusqu’aux pays du Sud” pour vérifier que les petits producteurs sont rémunérés équitablement, note-elle.
Il y a donc “une asymétrie” de l’information, qui est même parfois de l’ignorance et qui peut concerner les producteurs comme les consommateurs, explique-t-elle.
Cette “asymétrie” se retrouve ainsi à tous les niveaux du monde économique. “Les marchés fonctionnent souvent grâce à une ignorance, une illusion”, regrette Sylvie Hupton.