Prenant en main la destinée de la Tunisie avec la fin du
tutorat français, l’élite politique de l’époque, issue du Néo-Destour dans sa
majorité, a fermement ancré le pays dans le camp occidental dans un contexte de
Guerre froide exacerbée, de rivalités idéologiques sanglantes et de rapports de
force internationaux fondés sur la primauté de la conviction sur le droit, ce
qui a permis, plus tard, à la fin des années soixante, la signature, avec
énormément de célérité, des premiers accords de coopération commerciale entre
l’Union Européenne et la Tunisie, permettant ainsi à une économie, encore
naissante, étatisée dans ses secteurs les plus importants au cours de
l’expérience bensalhiste, de bénéficier des avantages des concours financiers de
Bruxelles dont la politique volontariste d’ouverture tendait à récompenser les
choix géopolitiques du vieux leader qui ne cachait pas ses sympathies pour
l’initiative privée et son aversion pour le modèle communiste aussi stérile, à
ses yeux, en biens qu’en libertés.
En 1969, la Communauté européenne, limitée alors à six pays membres, a passé,
pour la première fois, avec notre pays, un protocole d’entente, censé raffermir
les liens commerciaux établis déjà, à la fin du protectorat, avec les différents
Etats du Vieux continent, amarrés, à l’époque, au couple franco-allemand,
véritable locomotive du processus unioniste entamé à l’ouest de l’Europe. Un
autre accord de coopération a été conclu en 1976 à la faveur d’une
libéralisation de l’économie nationale, ce qui a permis aux pouvoirs publics de
passer, en 1995, à un palier supérieur en s’engageant dans une dimension
associative avec la façade nord de la Méditerranée, forte désormais de 15 pays
adhérents. Le plan d’action voisinage concocté en 2005 a renforcé, nous dit un
membre de la Mission Economique de l’Ambassade de France, les capacités de la
Tunisie à respecter l’échéance tarifaire, avec deux ans d’avance, en mettant en
place, dès le 1er janvier 2008, la Zone de Libre-éhange avec l’Europe pour les
produits industriels.
«Depuis 1995, ce sont annuellement près de 100 millions d’euros de dons et
250 à 300 millions d’euros de prêts qui sont apportés à la Tunisie pour soutenir
ses efforts de mise à niveau de son tissu industriel, ses priorités en termes
d’emploi, de formation et de développement durable», note Monsieur Serge
Degallaix, l’ambassadeur de France, lors du séminaire organisé au siège de
l’UTICA sur le thème de l’apprentissage dans les structures professionnelles
relevant du ministère de l’Education et de la Formation, pour qui, notre pays,
un partenaire de qualité, à la tête des Etats du sud dans ses rapports avec
l’Europe, peut postuler, dans ses pourparlers avec l’Union européenne, entamés
depuis novembre 2008, à un statut de «partenariat renforcé», à une accélération
des négociations sur le droit d’établissement, les services et les produits
agricoles en vue d’une finalisation d’ici 2010 tout en tenant compte, conclut le
diplomate français, des éventuels griefs ou appréhensions des uns et des autres.
Cela dit, pour les responsables tunisiens, soucieux de réduire les incidences
négatives de la bulle spéculative mondiale et de se préparer au mieux au
redémarrage inéluctable des échanges internationaux, les transferts d’argent et
de technologies en provenance de Bruxelles sont en deçà des attentes d’un pays,
respectueux de ses engagements financiers, pionnier dans ses démarches
d’ouverture économique et juridique vis-à-vis de la façade nord de la
Méditerranée, jouant à fond le jeu de la libéralisation et de la compétition.
D’ailleurs, Monsieur Hédi Djilani, patron de l’UTICA, a exprimé, à plusieurs
reprises, dans ses différentes interventions publiques, le souhait de voir la
Communauté européenne s’engager en faveur de la Tunisie à l’instar de son élan
généreux constaté, au début des années quatre-vingt-dix, envers les ex-pays
communistes de l’Europe de l’Est qui ont bénéficié, de l’avis des analystes
avertis, d’un véritable «plan Marshall» pour rejoindre le niveau fonctionnel des
économies occidentales.