Un Pulitzer pour le web tunisien !

«Notre République et sa presse graviront ensemble les sommets
ou bien elles iront ensemble à leur perte. Une presse compétente, désintéressée,
peut protéger cette morale collective de la vertu sans laquelle un gouvernement
populaire n’est qu’une escroquerie et une mascarade». Cette citation, un
tantinet pompeux, est de Joseph Pulitzer. L’homme de presse qui a donné son nom
à l’un des prix les plus prestigieux, récompensant les meilleures oeuvres
journalistiques.

La nouveauté, c’est que les journalistes du web pourront voir leurs meilleurs
articles récompensés, et reconnus par la profession. Le Pulitzer pourra donc
être attribué, depuis cette décision du 8 décembre 2008, à un journaliste
exclusivement dédié à la presse en ligne. En 2006, déjà, les responsables du
prix tenaient compte des articles publiés sur le web. A condition, toutefois,
que le journaliste primé travaille aussi sur support traditionnel, le
sempiternel papier. Plus aujourd’hui.

Un ajustement dans l’air du temps, à une époque où le web a totalement
chamboulé la presse traditionnelle. Un raz de marée dont les autorités
tunisiennes semblent conscientes. Si l’on en croit, en tout cas, les échos d’une
certaine réunion du 2 décembre 2008. Rafâa Dekhil, ministre de la Communication
et des Relations avec la Chambre des Députés et la Chambre des Conseillers et
les directeurs des journaux électroniques tunisiens étaient ainsi réunis autour
d’une même table. Une concomitance qui ne peut être uniquement due au hasard.

Objectivement, la presse Internet s’est mise à jouer les premiers rôles, même
en Tunisie. A l’heure actuelle, et particulièrement dans un pays comme le nôtre,
le web est une source d’inspiration pour la presse imprimée. Et pour cause.
Certains portails d’information ont recruté la fine fleur des journalistes du
pays. Des plumes prestigieuses ont quitté l’imprimé pour rejoindre les rangs du
web tunisien. L’audience (et l’influence) de certains portails dépasse
allégrement celle de la presse classique.

Dans des pays comme la France, on ne compte plus les reporters passés au net.
Edwy Plenel, ex-directeur du quotidien Le Monde, a fondé son portail. Pierre
Haski, un ancien de Libération, a lancé rue89.com, un support désormais cité
même par les télés de France et de Navarre. Le mouvement est d’autant plus
perceptible en Tunisie que l’espace médiatique est relativement restreint.
L’impact du journalisme en ligne n’en est que plus grand.

Et avec un nouvel opérateur des télécoms qui point à l’horizon 2010, et donc
un nouveau fournisseur primaire d’infrastructure d’accès à Internet, les
positions du web tunisien ne pourront qu’être renforcées. Reste que pour
participer au concours du Pulitzer, il faut travailler pour un support
américain. Nous attendons donc des structures professionnelles du journalisme
tunisien qu’elles fassent aussi leur (petite) révolution. Pour qu’elles
reconnaissent à part entière le professionnalisme de leurs collègues du web.