Traditionnellement liée à l’Europe sur le plan économique, la
Tunisie a été pendant longtemps une destination privilégiée pour les
investissements européens. Une situation qui est en train de changer puisque les
pays du Golfe ont commencé à lorgner dans sa direction et y investissent de plus
en plus, en particulier dans les secteurs de l’immobilier, du tourisme et des
services. A la différence des Européens qui, pour leur part, s’intéressent aux
industries des textiles, aux composantes automobiles et centres d’appels.
Soucieux d’investir dans un pays proche de l’Europe, doté d’une main-d’œuvre
qualifiée bon marché, des groupes d’affaires moyen-orientaux n’hésitent plus à
s’implanter en Tunisie. Encouragés par les différentes incitations à
l’investissement mises en place par le gouvernement tunisien telles la
simplification des procédures administratives et l’accord d’avantages fiscaux et
qui visent la relance des investissements extérieurs et la suppression de la
dépendance tunisienne en matière d’investissements envers certains pays.
Nous avons également assisté, ces dernières années, à une dynamique des
communautés tunisiennes à l’extérieur de nos frontières pour développer les
relations économiques entre leurs lieux de résidences et leur pays d’origine.
Parmi elles, celle installée en Arabie Saoudite. Un Club des Hommes d’Affaires
tunisiens a été constitué l’année dernière à Riadh. M. Abdelmajid Khemakhem,
Secrétaire général du Club, ainsi que M. Faouzi Ben Hammouda, secrétaire général
adjoint, homme d’affaires travaillant sur l’Arabie Saoudite et Qatar, oeuvrent
depuis quelques mois à développer les échanges économiques entre les deux pays
et en premier lieu augmenter les exportations en direction de l’Arabie Saoudite.
«Nous avons commencé par lancer des actions pour toucher les jeunes évoluant
dans le monde d’affaires saoudien et les pousser à s’intéresser à la Tunisie,
nous avons trouvé une structure similaire au CJD et à la jeune chambre
économique, ce qui nous a incité à organiser une journée de partenariat à Tunis
pour faire connaître aux jeunes promoteurs saoudiens le marché tunisien», a
précisé M. Khemakhem parlant des journées de partenariat et B to B qui ont lieu
aujourd’hui et demain entre des jeunes dirigeants saoudiens et tunisiens.
Intéressés par les secteurs à forte valeur ajoutée
Les responsables du Club ont tout d’abord organisé, au mois de juin dernier,
à Riadh une journée d’information sur la Tunisie avec le soutien les organismes
d’appui comme l’API, l’APIA, le CEPEX et sous l’égide de l’ambassade tunisienne
sur place. «Le succès de cette journée a dépassé nos espérances, les volontaires
tunisiens s’y sont mis et les différents intervenants ont expliqué à
l’assistance composée d’un grand nombre d’hommes d’affaires saoudiens, les
facilités accordées par le gouvernement tunisien aux investisseurs étrangers,
les résultats ont été concluants puisque la première délégation est aujourd’hui
ici à Tunis», a affirmé M. Khemakhem.
Les participants tunisiens avaient, lors de la journée d’information, insisté
sur l’importance d’investir dans les secteurs non conventionnels, et se tourner
vers des secteurs porteurs tels l’agroalimentaire et les nouvelles technologies.
Ils ont tenu à orienter les investisseurs potentiels vers des secteurs actifs et
bénéfiques pour le pays, des projets créateurs d’emploi et qui ont de la valeur
ajoutée, ce qui implique des industries de pointe à l’export. Les Saoudiens ont
montré également leur disposition à investir différemment. Parmi eux, il y en a
qui s’intéressent de plus en plus aux secteurs innovateurs et de haute portée
technologique. Ce sont particulièrement les selfs made men qui sont attirés par
les nouveaux créneaux.
L’Arabie Saoudite peut représenter un marché très intéressant pour les
exportations tunisiennes. A elle seule, elle atteint près de 80% de la capacité
de consommation des pays du Golfe.
Les entraves aux relations commerciales entre les deux pays résident selon M.
Khemakhem dans la réticence des Tunisiens à pénétrer ce marché où on peut
écouler tous les produits même à des prix élevés sous réserve qu’ils soient de
bonne qualité, que les délais de livraison soient respectés et que la régularité
soit garantie. «Le Tunisien n’a pas assez de souffle et de patience pour mettre
en place une stratégie visant à conquérir le marché saoudien qui peut offrir des
opportunités intéressantes», déplore le secrétaire général du Club des Hommes
d’Affaires tunisiens à Riadh.
Un handicap : le transport
Mais il y a un autre grand handicap, précise M. Faouzi Ben Hammouda, c’est
celui du transport. En effet, les moyens de transport constituent une entrave de
taille pour le développement des échanges avec l’Arabie Saoudite, car pour
s’imposer sur ce marché, il faut se donner des moyens humains et logistiques, ce
qui n’est malheureusement pas le cas à ce jour, regrette l’homme d’affaires. Il
paraît qu’il n’existe aucune ligne aérienne directe sur Riadh, la ville qui
consomme le plus. «La rentabilité est un faux prétexte, affirme M. Khemakhem,
Qatarian Airways, Emirats Airways ont développé des dessertes qui marchent à
merveille, on peut même envisager des vols triangulaires qui pourraient être
tout aussi valables et développer le fret». Ceux qui s’intéressent à la Tunisie
pourraient même avoir le sentiment, vu notre mollesse, que nous ne sommes pas
favorables aux échanges commerciaux avec l’Arabie Saoudite, ajoute-t-il.
Ce qui serait intéressant, c’est peut-être d’explorer toutes les possibilités
du marché saoudien et d’envisager les programmes promotionnels qui s’imposent.
Les possibilités du transport par le fret et l’exploitation de vols
triangulaires pourraient faire l’objet d’une étude de rentabilité de la part des
autorités compétentes. Il faudrait cependant être vigilants, recommande M.
Abdelmajid Khemakhem, tout peut intéresser les Saoudiens, l’Arabie Saoudite est
un marché ouvert mais il faut que les exportateurs potentiels sachent bien
étudier les niches et mettre en place un bon plan de commercialisation et de
marketing pour leurs produits, une mauvaise introduction, et tout est à refaire.
Mais au-delà de tous les facteurs cités plus haut, un problème de taille
réside dans une certaine méconnaissance des potentiels des deux pays concernés.
L’image des Tunisiens en Arabie Saoudite est à leur avantage mais ils doivent
être plus présents, se montrer plus intéressés et développer des opérations
promotionnelles ciblées et efficaces. La présence d’investisseurs saoudiens
aujourd’hui à Tunis prouve leur intérêt pour le pays.
«Avec le Centre des Jeunes dirigeants, nous avons voulu faire de cette
opération une opération de qualité, a affirmé M. Khemakhem, nous n’avons pas
voulu viser le nombre, juste une douzaine d’hommes d’affaires décidés à investir
dans notre pays, parmi eux deux ou trois représentent une force financière assez
importante. Les Saoudiens sont intéressés par l’export, ils veulent accéder à
toute l’Afrique du Nord par le biais de la Tunisie, et veulent développer des
industries relais tels les produits plastiques à valeur ajoutée».
Les Saoudiens démarrent aujourd’hui leurs contacts avec leurs homologues
tunisiens, les perspectives semblent à première vue assez prometteuses. On en
saura un peu plus d’ici peu.