Madoff : le scénario de l’homme-orchestre solitaire mis en doute

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éricain Bernard Madoff dans une rue de New York, le 17 décembre 2008 (Photo : Don Emmert)

[23/12/2008 11:16:50] WASHINGTON (AFP) Trop d’argent, trop longtemps : l’ampleur extraordinaire de la fraude présumée montée par Bernard Madoff rend peu crédible le scénario avancé par le célèbre gestionnaire américain, qui affirme avoir manipulé seul la communauté financière.

“C’est presque impensable qu’il ait pu orchestrer un tel montage tout seul”, juge Mace Blicksilver, directeur de la firme de gestion d’actifs Marblehead Asset Management.

Bernard Madoff a affirmé au FBI que sa fraude, qu’il a chiffrée à 50 milliards de dollars et qui courait depuis des décennies, relevait “de sa seule faute”, selon le texte de son inculpation.

Ce scénario supposerait qu’il ait personnellement rédigé de faux registres, modifié ses livres de compte, créé tout un système mensonger reposant sur du vent… ou son seul prestige.

Mais l’ampleur de la paperasserie nécessaire pour brasser de telles sommes suscite beaucoup de scepticisme sur la capacité de Madoff à agir seul.

Selon l’inculpation, des “employés hauts placés” –non nommés, mais identifiés par la presse américaine comme étant ses fils– ont indiqué que M. Madoff gérait “son activité de conseil en investissements depuis un étage séparé dans ses bureaux de New York”.

“Madoff gardait ses documents financiers sous clef”, ont-il rapporté, affirmant que Madoff était “énigmatique” sur ce pan d’activité de la société.

“Cela concerne des centaines et des centaines de comptes, la publication de faux compte-rendus mensuels… il ne me semble pas qu’un homme de 70 ans puisse faire ça de lui-même, ou simplement avec l’aide de ses comptables”, a déclaré à l’AFP Doug Kass, fondateur du fond Seabreeze Partners.

“C’est une fraude considérable, il est impossible qu’elle ait été réalisée à un ou même à cinq”, a ajouté le gérant, qui ne parvient pas, devant l’ampleur et le caractère “extraordinaire” de l’escroquerie, à estimer le nombre de personnes nécessaires pour faire fonctionner un tel montage.

“Nous gérons un fonds d’investissement. Nous avons un auditeur [de comptes] reconnu au niveau national, un cabinet d’avocats reconnu au niveau national et surtout un administrateur indépendant de notre direction qui audite les comptes de capital (qui récapitulent les investissements effectués, ndlr) tous les mois”, a expliqué Doug Kass, en prenant l’exemple de sa société.

M. Blicksilver envisage tout: “En théorie, Madoff ne faisait pas d’opérations, il gérait juste son montage géant, reclus dans son bureau. J’imagine donc que si vous n’avez rien d’autre à faire, c’est assez facile de trafiquer de la documentation… Ce sont juste des bouts de papiers”.

“Mais dans la réalité, cela semble presque impossible”, ajoute le gérant.

Devant les difficultés à y voir l’oeuvre d’un homme isolé, les spéculations sur d’éventuels complices se multiplient.

Tout d’abord, il y a la famille de Madoff, omniprésente dans les affaires du financier. Bernard Madoff assure que ses proches n’étaient au courant de rien et les premiers résultats de l’enquête, relatés par la presse américaine, ne démontrent pas le contraire.

“Il avait deux fils et ils n’étaient pas au courant ? Et ils ont travaillé avec lui pendant des années?” s’est interrogé le magnat de l’immobilier Donald Trump sur CNN. “Pour moi, c’est une escroquerie. Le père a dit: +vous prétendez ne rien savoir et j’aurai sauvé mes deux fils+”, a-t-il avancé.

Ses fils, Andrew et Mark, avaient de hautes fonctions dans la société, où ils travaillaient depuis une vingtaine d’années. Ce sont eux qui ont amené leur père aux autorités fédérales.

Son frère, Peter Madoff, était le responsable du respect de la réglementation au sein de la société.

De manière plus indirecte, le nom de Shana Madoff a également fait son apparition, puisque cette nièce de l’investisseur a épousé un ancien inspecteur du régulateur boursier américain (SEC), dont les défaillances multiples dans cette affaires ont été montrées du doigt.

Le tout petit cabinet comptable, Friehling & Horowitz, à qui Madoff confiait l’audit de ses comptes, fait aussi l’objet d’une enquête.

Seul ou pas, Bernard Madoff a surtout pu compter sur son premier et majeur complice, la “confiance présumée” de la planète financière, selon les mots de Ralph Silva, analyste à Londres pour la société de conseil TowerGroup.