Quand mon compte se met a découvert d’une poignée de dinars, mon banquier me harcèle; quand le bus est bloqué dans les embouteillages et que j’arrive en retard mon patron me fait un questionnaire, quand j’oublie de payer ma facture d’électricité, on me menace de passer mes soirées dans le noir, mais quand je travaille, personne ne s’en rend compte !
Et quand arrive ma maigre pitance mensuelle, elle est déjà partie avant d’être arrivée : rembourser la môme qui me garde la petite, rembourser l’épicier du coin qui tient un carnet dont les pages sont bien garnies ; payer ce qui doit être payé, et rebelote chaque mois, c’est la même chose, et encore heureuse que l’année ne fasse que 11 mois alors moi j’attends décembre avec impatience, et chaque année je l’attends durant 11 mois et j’attends mes primes.
Ah les primes, il y a des organismes qui paient jusqu’à 18 mois de salaire, j’ai essayé d’y rentrer mais mes épaules n’étaient pas assez larges, alors j’attends avec impatience que mon patron me donne ce fameux complément de fin d’année tant attendu.
Que vais-je en faire de ce complément? Réveillonner, je l’ai fait une fois, j’ai passé une année à rembourser une soupe froide et des croûtes de pain mal cuites payée à prix d’or dans un hôtel dont les étoiles étaient plutôt filantes; acheter une nouvelle machine à laver, la mienne a rendu l’âme depuis longtemps mais les nouvelles sont trop chères… Dites-moi que vais-je en faire. Ah, voyager! ça c’est une idée, mais entre le timbre, le visa, les frais d’agence, je ne pourrais même pas arriver à l’aéroport.
Dites-moi lecteurs, qu’est-ce que je vais faire de cette prime et de ces plusieurs mois de paie que le patron va me donner !
Mais crise aidant, encore une fois, on ne prête qu’aux riches, il paraît que tout l’argent a été prêté aux banques qui n’ont plus d’argent à prêter, et par conséquent mon patron, semble-t-il, pourra tout juste nous payer nos douzièmes mois et il nous dit de vivre d’espoir.
Alors vivons d’espoir, et comme il n’y a pas grand-chose à faire, réveillonnons en regardant la télé; mais ne comptez plus sur mon rendement en prime !