Relations économiques tuniso-saoudiennes : la coalition des jeunes

«Entre Arabes, on se sous-estime mutuellement, nous préférons
les Jacques et Pierre plutôt que les Mohamed et Ali», avait déclaré Jameleddine
Chichti, professeur à l’Ecole supérieure de Commerce lors d’un colloque
international organisé l’année dernière à propos de l’accord d’Agadir*. Les
choses seraient-elles en train de changer ? Débuterions-nous, entre Arabes, une
période basée sur le respect et la confiance mutuelle et allant dans le sens
d’une coopération économique plus étroite ? Il faut dire que l’intérêt des pays
du Golfe envers la Tunisie, exprimé, en particulier, à travers les mégaprojets
immobiliers, commence à faire des adeptes. Et pour la première fois, nous voyons
des jeunes Saoudiens tourner, leurs regards traditionnellement orientés vers les
Etats-Unis, l’Asie et l’Europe, en direction de la Tunisie. C’est, en tout cas,
ce que laisse présager la dernière initiative lancée par le Club des hommes
d’affaires tunisiens à Riadh en partenariat avec le Centre des jeunes dirigeants
en Tunisie et la National Young business Chamber (NYBC) en Arabie Saoudite, et
illustrée par deux journées de travail dont la première consacrée à un séminaire
et la deuxième à des rencontres B to B entre les jeunes dirigeants des deux
pays. Rencontres durant lesquelles 40 projets ont été proposés par les jeunes
promoteurs tunisiens à leurs homologues saoudiens intéressés par des
investissements dans notre pays et dont le feed-back est attendu d’ici le 15
janvier prochain.

Dans l’intervalle, une convention de partenariat entre le CJD et la NYBC a
été signée. Elle appelle à aplanir les difficultés d’ordre réglementaire ou
autre entravant le développement des relations commerciales entre les deux pays
et échanger des informations sur le climat des affaires et les opportunités
d’investissement en Tunisie et en Arabie Saoudite. Elle convie les jeunes
dirigeants des deux pays à organiser régulièrement des rencontres pour la
promotion des relations économiques et des sessions de formation auxquelles ils
participeraient ensemble.

«Nous sommes ici pour dynamiser les relations d’affaires entre nous et les
jeunes promoteurs, profiter de l’expertise tunisienne au niveau du commerce
international et renforcer les échanges entre le Royaume et la Tunisie d’autant
plus que la balance commerciale entre les deux pays n’a pas dépassé les 166
millions de rials en 2007 (près de 56 millions de DT) et la part des échanges
commerciaux entre importations et exportations n’a pas dépassé les 504 millions
de rials (soit un peu plus de 175 millions de DT)», a assuré Mohamed Al Aouda,
vice-président du NYBC chargé des relations internationales.

De trop faibles performances

Les échanges commerciaux entre les deux pays sont trop limités et ne
reflètent en rien la qualité des relations qui prévaut entre le Royaume et la
Tunisie, relations qui datent, affirme M. Abdelhamid Triki, secrétaire d’Etat
auprès du ministre du Développement et de la Coopération internationale, chargé
de la Coopération internationale, de 1966, année durant laquelle un traité
d’Amitié et de Coopération pour le Développement a été signé entre les deux
pays. «Sans parler, précise le secrétaire d’Etat, des autres accords contractés
avec le Fonds saoudien de développement et ceux concernant d’autres domaines
tels les secteurs banquiers, financiers et agricoles». Il a appelé, à ce propos,
à mettre en place un plan d’action visant à renforcer les relations économiques
entre les deux pays. M. Triki a parlé des encouragements prodigués par le
gouvernement tunisien aux investisseurs étrangers et a insisté sur la volonté de
la Tunisie de consolider ses relations économiques avec les pays arabes.

Il a mis en exergue des progrès réalisés par la Tunisie dans l’amélioration
du climat des affaires et son intégration dans la dynamique économique mondiale
surtout depuis son ouverture sur l’Europe. La libéralisation du commerce
extérieur, la croissance des exportations, allant des produits manufacturiers
aux industries innovantes et produits technologiques, placent la Tunisie en
bonne position dans les pays du Sud pour accueillir des investissements dans les
nouveaux secteurs à forte valeur ajoutée, a-t-il précisé, d’autant plus que le
pays est bien noté par Davos et Doing Business sur ses efforts pour développer
ses infrastructures, améliorer la qualité de ses institutions et garantir sa
stabilité macroéconomique.

Les investissements extérieurs en Tunisie ont atteint les 65% de la totalité
des investissements en 2006, 35% en 2007, et près de 50% pour les 10 premiers
mois de 2008. Ces investissements ont gagné en quantité mais également en
qualité puisqu’elles touchent à des secteurs tels les industries des composantes
automobiles électroniques et mécaniques et les équipements aéronautiques sans
parler des mégaprojets. Des pays comme le Japon, la Corée, la Chine ou les pays
du Golfe ont choisi la Tunisie parce qu’ils ont confiance en ce pays et en sa
capacité à leur offrir tous les encouragements et les facilitations dont ils ont
besoin.

De l’audace, de la volonté et de l’optimisme pour réussir

M. Hédi Djilani, président de l’UTICA, qui avait assuré l’ouverture de la
journée de partenariat en compagnie de M. Abdelhamid Triki, a continué sur la
lancée du Secrétaire d’Etat pour parler des performances économiques du pays
attirant l’attention sur le fait que la Tunisie est certes: «un pays dont les
ressources naturelles sont modestes mais qui a réussi à développer une économie
solide et à s’imposer à l’échelle internationale. Un pays qui bénéficie de la
confiance des investisseurs grâce à son ouverture et au haut degré d’instruction
de sa population qui offrent aux investisseurs une main d’œuvre qualifiée et bon
marché».

M. Djilani a déploré le fait que les relations économiques très limitées ne
reflètent pas les relations de profonde amitié qui existent entre le Royaume et
la Tunisie. Il a saisi de l’occasion pour appeler les jeunes, qui ont la volonté
et l’audace, à développer encore plus les échanges commerciaux entre les deux
pays et à les concrétiser dans les faits. La Tunisie, a précisé le président de
l’UTICA, pourrait, grâce à de nouveaux investissements, développer un tourisme
qui réponde mieux aux besoins des familles saoudiennes. Il n’y aurait pas de
différence entre la Suisse, Paris ou Cannes ou la Tunisie que ce soit pour y
admirer de beaux sites ou faire du shopping. Le tourisme est donc un bon créneau
pour ceux qui souhaiteraient investir en Tunisie.

Mais il n’y a pas que cela, la Tunisie offre aux investisseurs arabes trois
marchés aussi importants les uns que les autres : le Maghreb, l’Afrique et
l’Europe. «Il faudrait que les jeunes investisseurs considèrent notre
connaissance du marché européen comme un moyen d’y accéder et d’y pénétrer
d’autant plus que nous avons totalement libéralisé les exportations et les
investissements industriels», a ajouté M. Djilani. Il a indiqué que les pays
arabes ont besoin de mettre en place des normes communes qui serviraient de
références au niveau de leurs échanges commerciaux précisant que la Tunisie a
adopté les normes européennes qu’elle estimait valables ce qui a rendu aisées
ses relations économiques avec ses les pays du Nord de la Méditerranée.

En attendant, peut-être que, comme l’a déclaré le président de l’UTICA, les
jeunes qui sont aventureux, déterminés et optimistes, réussiront là où leurs
aînés ont failli.


*Accord d’Agadir : accord de libre échange signé entre la Tunisie, le Maroc,
la Jordanie et l’Egypte.