Said Elinkichari ou l’art de s’imposer par la méritocratie

said-inkichari1.jpgS’il
y a un chemin que Saïd Elinkichari (SE) connaît et emprunte avec une ferme
volonté et détermination, c’est bien celui de la persévérance et du sérieux.
Un peu par nature et beaucoup par son envie de relever le défi.

L’homme est accueillant, généreux, réfléchi, mais aussi stratège. Poignée
ferme et sourire aux lèvres, il garde l’intonation typiquement djerbienne de
sa langue natale (le dialecte local). Né en 1957, à Djerba, il est parti en
France il y a près de 20 ans. Ses bureaux se trouvent avenue Kleber, à
quelques pas de l’Arc-de-Triomphe, des Champs-Elysées et de la célèbre place
parisienne de l’Etoile.

Sur son bureau, trône la photo de son « Houch » (maison) natal avec son
architecture typique, qui se trouve à Sedghayyen, petit village de l’île des
Lotophages Djerba. Saïd Elinkichari y vit jusqu’à son baccalauréat, puis
intègre l’Université des Sciences de Tunis qu’il quittera avec son diplôme
d’ingénieur en poche. «L’école est la grande richesse de notre pays.
C’est une chance pour
», dit-il, non sans une pointe de nostalgie. «Nous
étions pauvres. Je sais que mes camardes d’école primaire ont fait des
parcours exceptionnels. De ma promotion du primaire, nous serons 10
médecins, 3 avocats, 5 ingénieurs et j’en oublie…
».

Tous assurément ne seront pas promus à cette réussite sociale, celle d’Elinkichari.
Aujourd’hui, il est un chasseur de têtes reconnu, ayant taillé à sa mesure
une place de choix. L’univers du recrutement, en Europe en général et en
France en particulier, est extrêmement organisé et complexe. Sur le marché,
il existe 1500 cabinets, dont 10% seulement sont spécialisés. Général Europe
Consultants (GEC) est parmi les premiers cabinets spécialisés dans le
recrutement d’informaticiens en nouvelles technologies de l’information et
de la communication. Son chiffre d’affaires s’élève à un million d’euros par
an. Il opère aussi sur les marchés américain et canadien.

DISTINGUER «SAVOIR ETRE» ET « SAVOIR-FAIRE»…

Elinkichari n’aime pas perdre du temps. Après une expérience
professionnelle éclaire en Tunisie, il s’installa en France où il exerça
quelques expériences dans des entreprises. Mais c’était sans compter avec sa
nature de perfectionniste et d’empêcheur de travailler en rond. Ce fonceur
réalise donc vite que sa force du travail et sa technicité sont ses
meilleurs atouts, pour voler de ses propres ailes, en ouvrant son propre
cabinet. Avec une réelle maîtrise de lui-même et son professionnalisme, il
se fraye son propre chemin. Dans son domaine d’activités – et toujours avec
une certaine longueur d’avance– il fait une juste évaluation de la
situation, lui donnant ainsi une idée claire de la cartographie de la
profession. Comme dans chaque métier, il faut avoir son «truc» qui fait
toujours «ce plus». De ce point de vue, ses compétences lui permettent
d’apprécier ce qu’il appelle «le savoir être » et le «savoir faire» des
compétences qu’il va chercher, traquer, solliciter et accompagner.

On serait tenté de croire que son goût du challenge, lié à son audace, le
contraint à plus de risque pour se faire une place. En fait, il n’en est
rien ! S’il bouleverse un tantinet l’ordre établi en arrivant sur le marché,
quitte à accepter de n’être payé que si le candidat est embauché et en
n’exigeant pas d’exclusivité d’une mission de placement, c’est tout
simplement parce qu’ il trouve cela «plus juste pour l’entreprise et pour
lui
». Comment voulez-vous que SE accepte qu’il soit rémunéré si une
entreprise n’est pas satisfaite de son service ? L’idée ne lui effleure même
pas l’esprit.

«Embaucher le bon cadre, c’est augmenter la compétitivité d’une
entreprise. Quand une entreprise embauche le profil juste, elle gagne de
l’argent. Je travaille avec les plus grandes entreprises sur ce créneau
».

Dans ses bureaux, GEC reçoit une moyenne de 120 CV d’ingénieurs par jour.
Il les consulte un à un et n’en retient que 10%. A ce jour, il a convoqué
plus de 30.000 cadres et reçus l’équivalent de ce nombre multiplié par 10 de
CV. Son métier consiste à «chasser» les compétences. Il repère, suit,
sollicite, rencontre, évalue des milliers de profils, pour répondre aux
besoins de ses clients. C’est autant dire, une façon de faire quasiment de
la gestion de carrière.

«Je passe un entretien avec le candidats. Je valide ce qu’il sait faire
au niveau technique, étant moi-même aussi professionnel que lui. Je juge
l’ensemble en gardant en mémoire si le poste en question requiert plus de
charisme, d’ouverture, de mobilité… Dans notre métier nous intervenons sur
les 10 à 15% que les Ressources humaines des grandes entreprises ne
parviennent à gérer. Nous intervenons quand le profil est rare et très
difficile à trouver
», précise-t-il.

Satisfaire ses clients est son maître mot. Sa force effrénée de travail
est son incontestable atout. Saïd Elinkichari travaille jusqu’à 22h tous les
jours, épluchant lui-même les candidatures qui lui sont adressées, sauf le
week-end qu’il consacre à sa famille. Son cabinet n’est-il d’ailleurs pas le
plus ancien de France ? En 18 ans de métier, GEC n’a jamais perdu un client.
C’est sa fierté, mais comment peut- il en être autrement ? L’homme n’imagine
et ne peut envisager les choses autrement. «C’est un milieu très à la pointe
et le bouche à oreille fonctionne superbement
», indique-t-il. Réussite
exceptionnelle certes, mais dans son métier, on évolue aussi sur le fil du
rasoir, montrant que le combat n’est jamais acquis et qu’il faut être
toujours sur la brèche.

Au fil des ans, sa notoriété s’impose d’elle-même. En 2002, il intègre le
célèbre Who’s Who, qui répertorie les gens qui comptent en France.
Désormais, son nom figure parmi, les grands patrons, journalistes, députés,
avocats, artistes, intellectuel… Un genre de « club fermé » qui regroupe
quelque 20 000 «happy few». L’entrée dans cet annuaire est soumise à des
critères très rigoureux et sévères. En termes d’influence, il faut compter
avec eux dans tous secteurs d’activité confondus. Dans les TIC, il faut
compter effectivement avec lui !

Mais sa vie ne s’arrête pas là. Saïd Elinkichari met autant d’énergie
dans le réseau associatif. C’est ainsi qu’il est membre d’honneur de
l’association UNIR, en se mettant volontiers au service des jeunes d’origine
étrangère pour faciliter leur insertion. Il est aussi de l’association des
Tunisiens des grandes écoles (ATUGE) ; et contribue à des mouvements
politiques qui le consulte sur des questions économiques ou d’intégration.

C’est, entre autres, cette dimensions que souligne Christian PONCELET,
l’ancien président du Sénat, à l’occasion de la cérémonie de remise des
insignes de Chevalier de l’ordre national du mérite qu’il lui remit en 2002,
précisant : «Votre parcours est donc non seulement une réussite personnelle,
mais une réussite au service des autres et de la collectivité
».

Je ne peux m’empêcher de demander – au terme de ma rencontre avec lui –,
s’il a souffert, durant sa carrière, d’un quelconque racisme ? Ou si son
intégration a eu des hoquets au cours de son parcours professionnel ?
Sourire aux lèvres, Saïd Elinkichari répond sans la moindre hésitation :
«Les compétences ne connaissent pas le racisme. Dans mon secteur
d’activités, c’est réellement les aptitudes et les capacités qui comptent le
plus
».

Aux jeunes qui s’adressent à lui, il répond avec fermeté que «le seul
moyen de s’en sortir, c’est l’excellence
».

Celui qui, dans son école primaire de Djerba, ne supportait pas d’être «
deuxième de sa classe » s’est résolu à l’école de la méritocratie. «Je me
dois d’être excellent. La France a assurément amplifié cette dimension de ma
vision des choses, mais j’avais déjà, et très vite, compris que c’est le
seul moyen de s’en sortir
».

Vivre dans une société ultralibérale pousse à creuser son sillon avec
force ; mais Saïd Elinkichari s’est toujours imposé cette règle de conduite.

Dès qu’il peut ou décide de se laisser prendre quelques jours de congé,
il saute dans un avion pour des vacances dans son Djerba natal. Il court
vite à son « Houch » familial qu’il fait badigeonner de chaux vive deux fois
par an, et entretient régulièrement, même s’il n’y est pas toujours.

De son Paris d’élection, il regarde son pays changer. A sa manière, il en
parle et à sa manière il continue de l’aimer.