L’accord gazier avec Moscou flou et potentiellement explosif pour l’Ukraine

[18/01/2009 14:59:32] KIEV (AFP)

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à Moscou (Photo : Alexander Prokopenko)

L’accord gazier passé dans la nuit de samedi à dimanche entre les Premiers ministres russe et ukrainien pose plus de questions qu’il ne fournit de réponses et reste potentiellement explosif pour l’Ukraine politiquement instable et touchée de plein fouet par la crise économique.

“Le diable est dans les détails et nous les ignorons pour l’instant”, souligne Volodymyr Saprykine, spécialiste de l’énergie au centre des études politiques et économiques Razoumkov.

L’accord conclu dimanche par Vladimir Poutine et Ioulia Timochenko doit être finalisé lundi par les compagnies Gazprom et Naftogaz.

Il prévoit que la Russie vendra à l’avenir son gaz à l’Ukraine “à un prix fondé sur la formule européenne”, mais avec un rabais de 20% pour l’année 2009 à condition que les prix du transit restent inchangés, a expliqué M. Poutine.

Concernant cette “formule européenne”, le porte-parole de Naftogaz Valentin Zemlianski a fait le commentaire suivant dimanche à l’AFP : “ce serait intéressant de voir ce que cela va être”.

“Que veut dire un rabais de 20% sur un prix de marché du gaz qui n’existe pas ?”, s’interroge Olexandre Joloud, du Centre international de recherches politiques. Il rappelle qu’en 2008 l’Ukraine, pro-occidentale, payait 179,5 dollars pour 1.000 m3 et le Bélarus, allié de Moscou, 127,9 dollars.

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éens (Photo : Alexander Nemenov)

“Un prix européen c’est 400 ou 450 ? Sera-t-il fixé pour l’année ou par trimestre comme pour les consommateurs européens ? Si c’est le cas, ce n’est pas grave car les experts envisagent une baisse du prix du gaz à partir du deuxième trimestre”, réagit le politologue Volodymyr Fesenko, du centre d’études politiques Penta.

L’accord qui doit permettre le rétablissement de l’approvisionnement en gaz de l’Ukraine et de son transit vers l’Europe “a cependant toutes les chances de provoquer une nouvelle vague de discussions en Ukraine : est-ce avantageux pour nous, Timochenko a-t-elle trahi ou défendu les intérêts nationaux, etc.”, anticipe M. Fesenko.

Et “il y a eu des précédents lorsque les accords de principe n’ont pas été appliqués”, rappelle-t-il.

M. Poutine et Mme Timochenko avaient signé un protocole sur le gaz le 2 octobre 2008 prévoyant un passage graduel pour l’Ukraine à des “prix de marché”, ce qui n’a toutefois pas empêché une nouvelle “guerre du gaz” en 2009. Et Mme Timochenko était prête à partir le 31 décembre pour Moscou, mais sa visite a été annulée à la dernière minute pour une raison mystérieuse.

“Naftogaz a reçu au cours de l’année des consignes contradictoires de la présidence et du gouvernement”, souligne l’hebdomadaire Dzerkalo Tyjnia, dans une allusion à la bataille politique entre le président Viktor Iouchtchenko et Mme Timochenko, anciens alliés, mais tous deux candidats potentiels à la présidentielle de fin 2009-début 2010.

“Je crains que les conditions actuelles ne soient pires que ce qu’avait proposé Gazprom en décembre”, s’inquiète M. Saprykine.

Dans ce cas-là, “ce serait une défaite de l’Ukraine”, remarque M. Fesenko.

Moscou a coupé le gaz à l’Ukraine à partir du 1er janvier, Kiev refusant un prix de 250 dollars pour 2009 proposé alors par Gazprom. Le géant russe avait exigé par la suite “un prix de marché” de 450 dollars.

Très atteinte par la crise financière, l’Ukraine risque une récession de 6% en 2009 avec un prix du gaz de 200-220 dollars, préviennent des experts.

“Un prix supérieur à 179,5 dollars payé en 2008 serait très lourd pour les entreprises chimiques et métallurgiques confrontées à une baisse de la demande sur les marchés internationaux”, souligne M. Joloud.

Outre les dégâts économiques à calculer, la crise a d’ores et déjà porté un coup à la réputation de l’Ukraine, chouchoute des Occidentaux après la Révolution orange pro-démocratique de 2004.

“Une Russie autoritaire est un partenaire plus commode pour plusieurs pays européens qu’une Ukraine embourbée dans les luttes intérieures, la déception post-révolutionnaire et la corruption”, relève Dzerkalo Tyjnia.