Adhésion à l’UE : la Turquie fait planer une menace sur le projet Nabucco

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ésident de la Commission, José Manuel Barroso, le 19 janvier 2009 à Bruxelles (Photo : Dominique Faget)

[19/01/2009 13:11:58] BRUXELLES (AFP) La Turquie a mis lundi la pression sur les Européens pour qu’ils accélèrent ses négociations d’adhésion à l’UE, largement ensablées, menaçant à défaut de revoir son soutien au projet très stratégique de gazoduc Nabucco, qui évite la Russie.

“J’espère qu’il y aura un bond en avant en 2009” des négociations d’adhésion de mon pays à l’UE, qui sont une “grande priorité pour la Turquie”, a déclaré le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, au début d’une visite à Bruxelles, sa première en quatre ans, destinée à dynamiser les pourparlers.

La Turquie n’a ouvert à ce jour que 10 des 35 chapitres thématiques qui jalonnent les négociations, dont seulement deux en 2008.

Les discussions sont rendues difficiles par la non reconnaissance de la République de Chypre par Ankara, par la lenteur des réformes démocratiques en Turquie et par l’hostilité de plusieurs pays européens à l’idée même d’une entrée de ce pays dans l’UE.

Parmi les chapitres non encore ouverts figure celui portant sur les questions énergétiques, en raison de fortes réserves des Chypriotes grecs, entrés eux dans l’UE en 2004.

Signe de l’impatience grandissante d’Ankara, M. Erdogan a lié ce chapitre à l’avenir d’un projet clé pour l’Europe, la construction du gazoduc Nabucco de 3.300 km. S’il voit le jour, ce gazoduc permettra d’approvisionner les Européens en gaz de la mer Caspienne transitant via la Turquie en contournant la Russie.

“Si nous sommes confrontés à une situation dans laquelle le chapitre sur l’énergie est bloqué, alors nous réexaminerons notre position” sur Nabucco, a dit M. Erdogan, lors d’une conférence organisée par l’institut European Policy Center.

“Nous devons parler ouvertement des faits, le Sud de Chypre (République de Chypre, ndlr) fait pression afin que certains chapitres ne soient pas ouverts, comme celui sur l’énergie”, a-t-il dit.

L’UE “doit être équitable dans son traitement” à l’égard de la Turquie, elle “ne devrait pas préférer la partie sud de Chypre, qui est située loin de l’Europe et ne compte que quelques centaines de milliers d’habitants (…) comparée à la Turquie et ses 70 millions d’habitants”, a encore souligné M. Erdogan.

Cette menace tombe mal pour l’Europe. Le projet Nabucco a en effet repris de l’importance depuis la dernière interruption des livraisons de gaz russe à l’Europe via l’Ukraine, qui a mis en lumière l’extrême dépendance de l’UE à l’égard de Gazprom.

Toutefois, nombre d’experts énergétiques s’interrogent sur la viabilité de ce projet, car l’approvisionnement en gaz de Nabucco est loin d’être assuré.

“Il faut 30 milliards de mètres cubes de gaz naturel dans le projet Nabucco, mais ils ne sont pas disponibles”, a également admis M. Erdogan.

De manière générale, le Premier ministre a critiqué les “déclarations” de certains pays opposés à l’entrée de la Turquie dans l’UE, en France ou en Autriche, estimant qu’elles contribuaient à miner la popularité de l’Europe dans l’opinion turque.

“Nous ne demandons pas un traitement de faveur, ce que nous demandons c’est un traitement équitable”, a-t-il ajouté, affirmant sa détermination à poursuivre les réformes exigées de son pays pour se conformer aux critères européens.

Les mois qui viennent seront décisifs dans les négociations puisque les Européens attendent de la Turquie qu’elle accepte d’ici la fin de l’année d’appliquer l’Union douanière UE-Turquie à la République de Chypre, et lève du même coup l’interdiction d’accès dans les ports et aéroports turcs faite aux navires et avions chypriotes grecs.

Un blocage persistant pourrait être lourd de conséquences pour l’adhésion turque. “S’ils n’ouvrent pas d’ici là leur ports et aéroports, les Chypriotes (grecs) vont à coup sûr demander des mesures supplémentaires”, a souligné lundi un diplomate européen.