à Long Island (Photo : Ramin Talaie) |
[22/01/2009 10:33:52] TOKYO (AFP) Le constructeur automobile japonais Toyota a finalement ravi à l’américain General Motors (GM) la couronne de numéro un mondial, un sacre arraché au prix d’une expansion effrénée qui, alors que le marché s’effondre, se retourne aujourd’hui cruellement contre le nouveau roi.
Après avoir conservé de justesse son titre de leader en 2007, General Motors s’est incliné en 2008, année au cours de laquelle il a vendu 8,35 millions de véhicules dans le monde, contre 8,97 millions pour Toyota.
Le géant japonais s’est bien gardé de célébrer cet événement, alors qu’il est confronté comme tous ses concurrents à la déconfiture du marché automobile. Pour l’exercice 2008-2009, qui se termine fin mars, Toyota prévoit de subir la première perte d’exploitation de son histoire ainsi qu’une chute de ses ventes de 15,4%. Il va en outre remplacer son PDG en juin.
“Etre numéro un en termes de taille n’a jamais vraiment été notre but. Notre objectif principal est d’être le numéro un en termes de qualité et de service au client”, a récité jeudi le porte-parole de Toyota Paul Nolasco.
“Devenir numéro un en termes de ventes n’est pas très réjouissant pour Toyota. Il n’y est pas parvenu parce que ses ventes ont augmenté, mais parce que GM a fait encore pire”, fait remarquer Mamoru Kato, analyste automobile du Centre de recherche Tokai Tokyo. En 2008, les ventes mondiales en volume de Toyota ont en effet reculé de 4%, et celles de GM de 11%.
La consécration de Toyota clôt cinq années d’investissements effrénés, au cours desquelles le groupe a augmenté de 500.000 véhicules par an ses capacités de production, et de vigoureuse offensive commerciale en Amérique du Nord, notamment sur le marché des grosses voitures de type 4×4 ou pickup, le terrain de prédilection des “Big 3” de Detroit (GM, Ford et Chrysler).
Mais cette politique d’expansion se retourne aujourd’hui contre Toyota. Alors que le marché américain s’écroule, le groupe, qui il y a six mois encore éprouvait les pires difficultés à satisfaire la demande, se retrouve brusquement confronté à un problème de surcapacité.
éhicules du constructeur japonais Toyota (Photo : Er) |
Selon Tsuyoshi Mochimaru, analyste chez Barclays Capital, ces capacités de production excessives atteindront 1,5 million de véhicules en 2009-2010, “un chiffre gigantesque vu les circonstances actuelles”.
Pour le moment, Toyota a réagi en gelant des projets d’expansion, en arrêtant ses usines plusieurs jours par mois et en congédiant des milliers d’employés temporaires au Japon.
Mais “malgré les réductions drastiques du volume de production, nous ne pensons pas qu’il soit possible à court terme, pour Toyota, d’absorber les coûts engendrés par sa politique agressive d’expansion”, prévient M. Mochimaru dans une récente note à ses clients.
M. Kato, l’analyste de Tokai Tokyo, plaide l’indulgence, personne n’ayant vu venir la crise économique. “Là où il y a une demande, il faut accroître la production. Sinon vous perdez des parts de marché”, plaide-t-il.
Dans tous les cas, la potion est amère pour l’actuel PDG de Toyota, Katsuaki Watanabe, contraint de céder son fauteuil alors qu’il vient de porter son entreprise au firmament mondial. Son successeur, Akio Toyoda, petit-fils du fondateur du groupe, a promis de mettre l’accent sur les voitures respectueuses de l’environnement, domaine dans lequel Toyota possède déjà de sérieux atouts.
Tatsuya Mizuno, analyste chez Fitch Ratings, est plus sévère. “Ils ont investi lourdement juste avant l’effondrement du marché et, dans une certaine mesure, Watanabe est responsable”, juge-t-il.
Selon lui, “autrefois, Toyota était plus prudent face à l’avenir. Mais ils ont essayé de décrocher rapidement la position de numéro un sur le marché mondial. Et en chemin, ils ont perdu leur prudence”.