Le départ de John Thain souligne les difficultés de la fusion Merrill-BofA

[22/01/2009 22:42:08] WASHINGTON (AFP)

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à Washington (Photo : Mark Wilson)

L’ancien patron de Merrill Lynch, John Thain, s’est fait licencier sans ménagement jeudi par son nouvel employeur Bank of America (BofA), une décision de mauvais augure pour la fusion à haut risque de deux établissements aux cultures radicalement opposées.

M. Thain, 53 ans, qui occupait depuis trois semaines le poste de responsable mondial des activités de banque d’investissement de Bank of America, s’est vu signifier la fin de ses fonctions par le PDG Kenneth Lewis.

M. Lewis “est allé à New York aujourd’hui (jeudi) pour s’entretenir avec John Thain et il a été reconnu par les deux parties que la situation n’était pas convenable et que ce dernier démissionnerait”, a déclaré un porte-parole de BofA, Robert Stickler, dans un courrier électronique.

Financier de haut vol, crédité de la modernisation de la Bourse de New York avant d’accepter de venir nettoyer les comptes de Merrill Lynch, M. Thain apparaissait comme le dauphin potentiel de M. Lewis, 61 ans.

Il sera remplacé par son prédécesseur au sein de Bank of America, Brian Moynihan, devenu premier conseiller juridique avec la fusion. Selon le groupe, il ne s’agit pas d’un “changement d’orientation”.

Mais depuis leur fusion, effective le 1er janvier, de nombreux motifs de friction sont apparus entre les deux établissements bancaires.

La chaîne de télévision CNBC a révélé que M. Thain avait récemment fait refaire son bureau, pour 1,2 million de dollars, par un designer en vogue, alors même que l’établissement croulait sous les pertes. Selon le Wall Street Journal, ses luxueuses vacances dans le Colorado en décembre sont aussi mal passées.

Plus important, Bank of America a aussi probablement mal accepté le choix de Merrill Lynch, révélé par le Financial Times, d’avancer le versement de milliards de dollars de bonus à ses salariés, pour qu’il ait lieu juste avant la fusion.

La besogneuse et économe Bank of America, qui cultive une image de banque de l’Américain moyen, avait fait un pari risqué en acceptant de reprendre la flamboyante Merrill Lynch et ses milliers de conseillers financiers grassement payés en pleine tourmente financière, le 14 septembre.

M. Lewis disait alors avoir saisi une occasion “qui n’arrive qu’une fois dans une vie”.

Depuis, l’idée qu’il a été trop gourmand n’a fait que se répandre. Autant l’acquisition du premier prêteur hypothécaire du pays, Countrywide Financial, finalisée en juillet, collait au métier traditionnel de Bank of America, autant celle de Merrill Lynch était un changement de cap radical.

Comme ses consoeurs de Wall Street, la banque au taureau faisait partie de ces sociétés qui avaient le plus risqué, et le plus gagné, dans les années triomphantes, entre 2003 et 2007. Mais c’est aussi l’une de celles qui ont le plus souffert de l’accumulation des créances douteuses.

Merrill Lynch a perdu 15,3 milliards de dollars au quatrième trimestre, un montant inattendu, qui a considérablement fragilisé Bank of America et fait tomber son cours de Bourse à ses plus bas niveaux depuis 1990.

Deux premières plaintes en nom collectif ont été déposées mercredi et jeudi à ce sujet par des actionnaires de BofA, qui reprochent à la direction de ne leur avoir rien dit sur le dérapage des pertes de Merrill Lynch.

M. Lewis avait indiqué la semaine dernière avoir songé un temps à ne pas mener l’opération à bien. Mais le Trésor l’avait finalement convaincu qu’un échec de la reprise replongerait la finance mondiale dans le chaos.

La banque de Charlotte (Caroline du Nord, sud-est) a bénéficié depuis de la générosité du Trésor, qui a injecté 45 milliards de dollars au total dans son capital. Cela ne l’empêche pas de prévoir de rester dans le rouge pour un long moment, après une première perte en 17 ans au quatrième trimestre (1,7 milliard de dollars).

L’action Bank of America, malmenée comme celles des autres banques à la Bourse de New York, perdait 10,93% à 5,95 dollars jeudi à 20H00 GMT.