L’acier “made in USA” privilégié : du protectionnisme dans la relance

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à 3000 degrés en Californie. (Photo : David Mcnew)

[29/01/2009 22:39:21] WASHINGTON (AFP) L’immense plan de relance économique adopté par la Chambre des représentants américaine a suscité à l’étranger la crainte que les Etats-Unis choisissent la voie du protectionnisme face à la crise économique, car il prévoit de n’employer que des métaux “made in USA”.

L’article en question, noyé dans un projet de loi de près de 650 pages voté mercredi, interdit l’achat de fer ou d’acier étranger pour les projets d’infrastructures financés par le plan de relance.

A moins que l’offre d’acier américain ne suffise pas, ou que son prix augmente la facture finale du projet de plus de 25%.

La mise en oeuvre d’une telle clause est encore loin d’être certaine. La chambre haute du Congrès américain, le Sénat, travaille sur sa propre version du texte, et les parlementaires devront ensuite plancher sur un compromis.

Le président Barack Obama les a exhortés à adopter rapidement ce texte mobilisant 819 milliards de dollars, pour créer ou sauvegarder entre 3 et 4 millions d’emplois.

La clause controversée n’est pas passée inaperçue en Europe, où l’on craint une nouvelle “guerre de l’acier”, en référence à celle perdue en 2003 par Washington devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

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érique).

La secrétaire d’Etat française au commerce extérieur Anne-Marie Idrac a condamné jeudi le projet de Washington en faveur des sidérurgistes américains y voyant un “très mauvais signal” donné par la nouvelle administration Obama.

“C’est extrêmement préoccupant que l’un des premiers actes de la nouvelle administration Obama puisse être une mesure clairement protectionniste et de distorsion de la concurrence”, a déclaré Mme Idrac à l’AFP à Davos (Suisse) à l’occasion du Forum économique mondial.

“Il y a une chose dont nous sommes absolument sûrs, c’est que si une loi est votée qui interdit la vente ou l’achat de produits européens sur le territoire américain, nous ne pourrons pas l’ignorer et rester les bras croisés à ne rien faire”, a affirmé pour sa part le porte-parole de la Commission européenne pour le Commerce, Peter Power.

M. Power a estimé qu’il serait “prématuré” d’envisager une procédure avant l’adoption définitive de la loi.

Le sous-secrétaire italien au Commerce extérieur, Adolfo Urso, a déjà réclamé la préparation d’une plainte devant l’OMC, considérant que la clause “viole ouvertement les lois du libre échange et les règles fondamentales de l’OMC”.

Le Premier ministre canadien Stephen Harper a estimé qu’il s’agissait d'”un sujet de vive préoccupation” pour le premier partenaire commercial de Washington. “On doit éviter le protectionnisme dans le ralentissement mondial”.

Son ministre de l’Industrie Tony Clement a déclaré qu’il s’attendait “à ce que les Etats-Unis respectent leurs obligations en matière de libre-échange”.

Le Canada, lié aux Etats-Unis par l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), y exporte 40% de son acier.

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étaire aux Transports américain Ray LaHood à Washington (Photo : Jim Watson)

La Chine, autre grand producteur mondial de métaux, n’avait pas réagi jeudi.

L’idée d’une préférence nationale dans les métaux avait été émise par les sidérurgistes américains au début du mois. Cette industrie souffre actuellement de l’effondrement de deux de ses grands marchés traditionnels, la construction et l’automobile, en première ligne dans la récession américaine.

Elle ne veut pas voir lui échapper les marchés de ce qui devrait être le plus vaste projet de modernisation des infrastructures publiques américaines depuis les années 1950.

La mesure fait débat au niveau national. Si elle a été applaudie par les syndicats, elle a été critiquée par la Chambre américaine du Commerce. Son directeur des marchés publics Chris Braddock avait estimé mardi que “cela ferait du tort à (l’économie américaine) de nombreuses manières”, en incitant d’autres pays à suivre ce mauvais exemple.

La polémique intervient à un moment de crispation dans les relations commerciales entre les Etats-Unis et l’Europe.

Le 15 janvier, alors que s’achevait le mandat de George W. Bush, Washington avait décidé de tripler ses droits de douane sur le roquefort, en rétorsion de l’interdiction du boeuf aux hormones américain sur le marché européen. Et le lendemain, les Etats-Unis portaient plainte devant l’OMC afin d’obtenir l’autorisation de la volaille américaine désinfectée avec des solutions chlorées dans l’Union européenne.