Produits agricoles – Communication : Pas qu’une affaire de goût !

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je vous demandais quelle serait la provenance d’un excellent T-bone steak ?
Vous penseriez assurément Argentine. Si je vous disais un foie gras
d’exception, vous répondriez la France. La mozzarella et les pâtes sonnent
souvent avec l’Italie. Le saumon vient forcément des pays nordiques et le
caviar d’Iran. Le chiche kebab rime souvent avec la Turquie, la mezza c’est
Beyrouth qui chante et danse, et la moussaka c’est le sirtaki qui règne. Un
tajine, il sera (pour les non Tunisiens) forcément marocain et aux pruneaux.
Et nous ? On nous associe à quoi? A quel plat et quel produit ? Rien de plus
qu’un sandwich tunisien? Et encore !

Quand la cuisine se mêle aux produits de qualité et que l’on entre dans
l’univers de la table, de la gastronomie et de l’art culinaire, la Tunisie
se retrouve une fois encore, en déficit d’image et d’insuffisance de
communication.

Le goût, l’odeur, le savoir-faire et le vécu se déplacent avec l’homme.
Sa culture se diffuse avec lui, lors de ses déplacements et voyages. Il
s’imprègne des autres cultures et diffuse la sienne en même temps. Par le
voyage, immigration ou loisirs, on parvient à contribuer à l’expansion de sa
culture. «Dans le monde, les flux migratoires ont marqués les civilisations
et imprégnés les cultures gustatives des pays de façons indélébile. La
démocratisation des voyages, rendent plus accessible la culture de l’autre
via sa culture, ses danses et cuisines et attisent une curiosité doublée
d’un jeu de séduction, quelque fois chargé de fantasme culinaire ».

Qu’en est-il des 7 millions de touristes qui visitent notre pays chaque
année ? Qu’en est-il de notre million de Tunisiens vivant à l’étranger ?
Existe-t-il un restaurant de très grande qualité dans une des capitales
européennes ?

S’il existe, à ce jour, il n’est mentionné dans aucun des guides
prestigieux dédiés à cet effet. A titre d’exemple, le célébrissime
GAULTMILLAU guide de voyage et bible des produits, consacre un paragraphe à
un vin tunisien, le sélectionnant parmi 500 vins venus du monde entier.
Avons-nous oublié de le mentionner ?

Certains experts regrettent que des produits tunisiens de grande qualité
se retrouvent dans des hypermarchés et bradés. La Tunisie devrait vendre ses
produits alimentaires de qualité supérieure dans des boutiques gourmets. «La
qualité de notre climat, notre soleil, nos terres qui ne sont pas saturés de
fertilisants et de produits chimiques» sont autant d’atouts à mettre en
avant.

L’Italie est un pays qui a fait du chemin et un travail de valorisation
colossal de son patrimoine gastronomique. Elle parvient à imposer sa cuisine
en détrônant la cuisine française, désormais jugée « trop élitiste ». Les
italiens sont un peuple d’immigrants et ce fait n’y est absolument pas
étranger. La cuisine asiatique, notamment chinoise, par le biais des china
town et des communautés chinoises à l’étranger, est devenu une cuisine
reconnue et appréciée.

Dans des proportions moindres, le Maroc réussit notamment, via certains
gros contrats publicitaires à prendre le monopole du patrimoine gustatif et
agricole du Maghreb avec notamment des publicités pour Mc Donald, ou les
thés Lipton. Le succès de ses produits à l’argan et autres gros contrats
avec des marques internationales le placent en tête du hit parade du savoir
vivre et savoir manger, laissant à la traîne un certain nombre de pays, dont
nous faisons hélas partie. L’huile d’olive marocaine s’est dotée d’un label
et même d’un concours international depuis 2006. L’organisation d’une foire
oléicole internationale à Meknès (Expo Olive Maroc à Meknès) est à l’étude.

Les questions à se poser aujourd’hui sont : Quelle image de l’agriculture
fait vendre ? Doit-on miser sur le produit, le producteur ou le terroir ?
Faut-il faire référence au passé et à la tradition ou parier sur la
modernité et l’avenir ?… Je rajouterais la question qui fâche : faut-il
encore perdre du temps ?

Mieux que toutes les équipes de sport, toutes disciplines confondues, le
vin tunisien fait des vagues. Il récolte, en 2007, 24 médailles (entre or,
argent et bronze) aux principaux concours mondiaux. Remportant succès après
succès depuis deux trois ans, cela fait largement plaisir et on ne va pas se
priver de le mentionner. Cette carence en communication vient-elle des
médias ou des producteurs qui ont finalement appris à se faire discrets ?
Les retombées médiatiques sont importantes. Le lectorat d’une presse
spécialisée importante est admirateur des résultats et un énorme «regain
d’intérêt vers un pays qui a une longue tradition de tolérance» semble
susciter l’intérêt d’investisseurs étrangers.

Le marketing peut imposer un même produit sous différentes formes :
entrée de gamme, moyenne gamme ou haut de gamme. Cela dépend de la manière
de le présenter et de le commercialiser. L’emballage, le label, le prix de
vente, la qualité de la campagne publicitaire sont autant d’atouts sur
lesquels nous pouvons miser. Il arrive fréquemment que le contenu soit le
même. Avec le contenant, c’est le rêve que l’on vend. A ce jour, nous ne
savons faire ni du rêve agricole, ni du fantasme culinaire.

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