S’il
y a un domaine dans lequel la Tunisie accuse un retard considérable, c’est
bien celui de la mise en valeur de ses produits agricoles. Les labels
pourraient leur assurer une reconnaissance au niveau européen, voire
mondial. Ils tardent à se mettre en place.
Bien qu’on parle depuis fort longtemps de labels pour l’huile d’olive ou
encore l’harissa, à ce jour, rien ne voit le jour. Henné, figues de
barbarie, palmier, dattes, miel, eau de rose d’églantiers ou de néroli,
boutargue, thon, pâtisserie, couscous, bouquet de jasmin,… Tant de produits
sont en attente d’une renaissance et d’une réelle mise en lumière.
Dans les boutiques gastronomiques européennes, les figues de barbarie
Made in Tunisia trônent dans les vitrines du prestigieux Harrods et la
Boutargue loge chez Fauchon. Mais que l’arbre ne cache pas la forêt !
La dure réalité est que nous vendons nos produits dans l’anonymat le plus
total. L’huile d’olive tunisienne se débat dans le marasme de la recherche
d’un label, végétant sans identité. L’excellent thon tunisien est vendu aux
Japonais, qui en mangent tous les jours, sauf qu’ils en ignorent l’origine.
L’harissa tunisienne étudie, encore, les moyens d’obtenir à moyen terme une
reconnaissance pour le label européen «Spécialité Traditionnelle Garantie»
(STG) qui permettra de protéger la dénomination «harissa» sur le marché
européen.
Les cas similaires sont fort nombreux. Les chantiers tous en cours et les
projets pullulent. Pour le moment, quid du chantier des labels ? A
l’étranger, on ne connaît pas ou peu les produits tunisiens. Et pour cause !
Dans un récent entretien accordé à WMC, Slim Chaker expliquait : “Les
Tunisiens peuvent toujours trouver des créneaux parce que leurs produits
sont relativement différents des autres. Je pense principalement à
l’agroalimentaire, les dattes, l’huile d’olive et le couscous. Tous les pays
asiatiques où il y a de grandes communautés musulmanes constituent pour nous
des niches intéressantes. Ils apprécient tous les labels halals. Plus
encore, le Japon qui ne l’est pas est en train d’acheter chez nous des
quantités phénoménales de poissons et de thon. Et là, se pose la question de
la valeur ajoutée, de la labellisation. Tout Japonais qui, chaque jour,
prend du thon à son petit déjeuner, sait-il qu’il est en train de consommer
du thon tunisien ? Cela m’étonnerait. A mon avis, le problème n’est pas de
savoir si nous pouvons nous y imposer ou pas mais savoir si nous y sommes
bien préparés”. Dans différents pays, les produits du terroir se sont
révélés de véritable accélérateur de développement et créateurs de valeur
ajoutée. Ils peuvent s’ériger en une véritable ressource à même de booster
le tourisme durable, par exemple. La valorisation, aussi importante
soit-elle, est une des pistes possibles menant vers les marchés
internationaux et l’export, mais pas seulement.
L’urgence est à réfléchir à une stratégie de communication permanente et
positive du travail agricole. Le valoriser aux yeux de tous, parler de
success story et le mettre en exergue par une image très positive du travail
de la terre. Dans ce domaine tout reste à faire.
Des opérations de vente par des producteurs-artisans, fermiers et petites
entreprises devraient être soutenues. L’organisation de récompenses et
concours devrait se mettre en place. Les chaînes de grandes distributions
nationales devraient prendre le relais, en organisant des animations
régulières de nature à exploiter les compétences et revitaliser les métiers
oubliés. Concentrer les efforts autour de ces axes permettrait de
revitaliser des régions qui peinent à s’introduire dans le circuit
touristique.
Les produits du terroir peuvent se révéler des pivots porteurs de
production, de commerce équitable et de développement de tourisme équitable
et durable. Ils mettraient davantage en exergue le patrimoine culturel
national et vivifieraient l’animation touristique.
La mise en valeur des produits du terroir allant souvent de pair avec les
goûters à la ferme, les gîtes ruraux, les maisons d’hôtes et le tourisme
vert.
Le tourisme rural, le développement durable et le commerce équitable sont
autant d’axes à creuser.
La Tunisie, forte de ses 7 millions de touristes, ne dispose toujours pas
d’un espace gourmand à l’aéroport de Tunis Carthage. Une échoppe de qualité
où l’on pourrait acheter des produits frais, en déguster et en acheter avant
le départ mettrait en avant nos produits. Cette pratique est généralisée
partout dans le monde. Les clients de la destination Tunisie sont des
ambassadeurs en puissance pour nos produits.
La communication autour de ce patrimoine ignoré est quasi nulle. Les
hôtels all incluisve sont loin de jouer dans le ring du qualitatif. Les vins
tunisiens qui sont montés en qualité ces dernières années en souffrent les
premiers. Des clients potentiels repartent comme ils sont arrivés, ignorant
tout de cet art de vivre, un des pans de notre patrimoine.
C’est dans les années 1980 que la notion de terroir se met en place. Les
produits terroir entrent alors en force dans la cuisine gastronomique,
surtout en Europe. Des pays tels que la France, l’Italie et l’Espagne,
construisent une réelle identité à partir de leur patrimoine gastronomique,
l’exploitent à l’export et le convertissent en attraits touristiques
imparables.
Le terroir attire les gens des villes ayant la nostalgie de leurs
racines. Il y a quelques années, un restaurant à Tunis a organisé une
semaine culinaire de cuisine Kéfoise, avec notamment un plat phare, le
«couscous au Berzguen». L’engouement a été immédiat et a pris une ampleur
inattendue. De nombreux outils sont disponibles pour entamer cette bataille
de la labellisation. Le label certifie une qualité, une conformité, ou une
origine.
Les produits à
labelliser pourraient provenir des produits agricoles et de
la pêche, les produits de chasse, les produits de cueillette d’espèces
sauvages, les produits cosmétiques, les huiles essentielles et plantes
aromatiques et médicinales… Il est largement temps de passer à l’action.
D’autant qu’en termes de produits et de qualité, la liste des produits à
défendre est longue.
Les labels répondent à toutes sortes d’indications : indications
géographiques, les appellations d’origine contrôlée (AOC), les labels
agricoles, les labels d’agriculture bio, label d’origine protégée (AOP)… Ils
mettent en valeur le produit, informent sur sa provenance, rassurent quant à
ses qualités intrinsèques et renseignent par rapport aux différents modes de
production.
Ce signe d’identification est développé pour récompenser les producteurs
respectant des normes officielles de qualité et pour indiquer au
consommateur la provenance ou l’origine d’un produit. Ils sont applicables à
différents domaines tels que l’agriculture, mais aussi la santé, le
patrimoine, le tourisme…
A titre indicatif, il existe des logos privés comme la «Saveur de
l’année» en France, qui ne sont pas reconnus officiellement comme des labels
de qualité, mais sont attribués suite à des dégustations effectuées par des
panels de consommateurs et de professionnels dans des laboratoires privés.
Cela ressort davantage du sigle et doit répondre à un cahier des charges.
Le seul label en commerce équitable «label Max Havelaar» garantit que le
produit a été acheté à un prix “correct” aux producteurs et produit dans des
conditions respectueuses des droits de l’Homme et de l’environnement. Tous
les acteurs de la filière sont agréés et contrôlés par des organismes
indépendants.
Max Havelaar n’est pas une marque mais une association qui appose un
label sur des produits garantissant les principes du commerce équitable.
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