étal de celui-ci, le 2 février 2009, sur un établi de l’entreprise Laguiole en Aubrac. (Photo : Rémy Gabalda) |
[05/02/2009 07:45:47] ESPALION (AFP) Marier le traditionnel couteau Laguiole et l’alliage sophistiqué du Concorde, c’est le pari réussi du coutelier Laguiole en Aubrac qui ne sait plus où donner de la tête pour répondre aux commandes des fanatiques du supersonique de légende.
L’idée de faire des couteaux avec des morceaux de Concorde a surgi pendant une vente aux enchères de pièces détachées de l’avion, en septembre 2007 à Toulouse. Venu pour s’acheter un petit souvenir, Christian Valat, patron-fondateur de Laguiole en Aubrac, est reparti avec un ailevon (volet arrière) enlevé pour 23.000 euros.
“Ramené au kilo, c’est le prix de l’ivoire d’éléphant”, observe-t-il en examinant un exemplaire du Laguiole Mach 2, tout juste sorti de l’atelier.
Pour l’occasion, le Laguiole s’est effilé afin de se rapprocher des lignes épurées du Concorde. La lame a été percée de plusieurs trous représentant les hublots et une encoche pour le cockpit.
La lame reprend la forme de l’appareil en configuration de vol, alors que sur le manche on retrouve la position de stationnement, la tête recourbée vers le bas.
La traditionnelle abeille, sceau des couteaux Laguiole, est entièrement constituée d’AU2GN, alliage proche de l’aluminium spécialement conçu pour le Concorde, et elle a pris une forme minimaliste inspirée de l’aile de l’avion.
Sur le manche, une autre pièce du Concorde est plaquée, mais la lame et l’armature restent en acier.
Sur le bureau de Christian Valat à Espalion, les lettres de remerciements s’empilent, dont une invitation à Marseille pour rencontrer André Turcat, le pilote d’essai du Concorde.
“Je ne pensais pas que le Concorde était un tel mythe. Je n’arrête pas de recevoir des commandes et des lettres. Je ne vais malheureusement pas pouvoir répondre à toutes”, témoigne ce passionné du Concorde autant que de son Aubrac natal.
“Tous ceux qui ont travaillé de près ou de loin sur le Concorde en ont acheté un. J’ai aussi reçu beaucoup de commandes de femmes qui voulaient l’offrir à leur mari”, poursuit le volubile chef d’entreprise, également actionnaire majoritaire de la Forge de Laguiole, le concurrent.
L’alliage du Concorde, “c’est un métal difficile à travailler, conçu pour résister à des efforts mécaniques importants et qui se dilate. C’est un casse-tête car tout est fait à la main”, explique Pierre Martin, un des concepteurs du “Laguiole origine Concorde”.
“L’idée du hublot, ajoute-t-il, est venue comme ça, à l’apéro sur un coin de comptoir”.
Il y a suffisamment de matière première dans l’atelier pour fabriquer entre 5.000 et 6.000 couteaux. Chaque pièce (80 euros le coupe-papier, 440 euros pour le coffret de six couteaux de cuisine) est vendue avec un plan du Concorde, certifié par huissier, sur lequel figure l’emplacement de la pièce d’origine.
Lors de la vente aux enchères, l’Aveyronais a acheté des supports-moteur et cabine, une partie d’un frein, en titane, mais les techniciens n’ont pas encore trouvé de solution pour la découpe.
“Si j’ai réussi à acheter, c’est parce que je suis allé à la vente du dimanche à 08h00 du matin. Avec le décalage horaire, les Américains dormaient, les Japonais aussi, c’est le seul moment où c’était à peu près accessible”, raconte Christian Valat.
En cette période traditionnellement creuse, les ouvriers de la coutellerie peuvent se consacrer aux couteaux Concorde, à quelques semaines du 40e anniversaire du 1er vol d’essai, le 3 mars 1969.