Les règles d’or de l’UE à l’épreuve de la crise économique

photo_1233936475983-1-1.jpg
ège de la commission européenne à Bruxelles (Photo : Dominique Faget)

[06/02/2009 16:10:49] BRUXELLES (AFP) Manifestations anti-travailleurs étrangers en Angleterre, relents de protectionnisme en France pour l’automobile: avec la crise, de tels assauts contre les règles européennes de libre échange et libre circulation pourraient se multiplier et des aménagements ne sont pas exclus.

Devant ces premières attaques, la Commission européenne a joué son rôle de gardienne des traités, réaffirmant les principes fondateurs du marché unique et leur contribution au “succès économique” de la construction européenne.

Face aux grèves en Grande-Bretagne contre l’emploi de travailleurs italiens et portugais dans le secteur énergétique, l’exécutif européen a rappelé que “ce n’est pas en créant des barrières maintenant et en essayant de restreindre le marché intérieur que nous nous protégerons de la crise”.

Il a aussi mis en garde contre tout protectionnisme dans le futur plan français pour l’automobile.

“Toute obligation à un bénéficiaire d’aide d’investir seulement en France ne serait pas compatible” avec les règles européennes, a indiqué la Commission, Nicolas Sarkozy ayant déclaré jeudi qu’il n’aiderait pas les constructeurs “pour apprendre qu’une nouvelle usine va partir en Tchéquie ou ailleurs”.

Ce principe pourrait aussi être rappelé à l’Italie. Son chef de gouvernement Silvio Berlusconi a demandé vendredi aux constructeurs de “conserver les usines en Italie” en échange de mesures d’aide.

Si de telles demandes se multiplient, elles pourraient mettre la Commission à rude épreuve, au moment où son président José Manuel Barroso et de nombreux membres de son équipe espèrent obtenir un second mandat.

“La Commission va se retrouver sous pression considérable”, souligne Simon Tilford, du Centre for European Reform (CER) à Londres, en l’appelant à résister à toute “érosion” du marché unique qui “retarderait la reprise”.

Mais l’agitation sociale pourrait lui rendre la tâche difficile, reconnaît-il.

S’il n’attend pas de “mouvements sociaux massifs” en France ou en Allemagne, il est plus inquiet pour l’Espagne, où l’augmentation du chômage est fulgurante, l’Italie et la Grèce, où des émeutes ont eu lieu.

Et il estime que la tentation “populiste” pourrait être forte en Europe de l’Est qui, depuis le milieu des années 90, se croyait sur une courbe de croissance “sans accroc jusqu’au rattrapage du niveau de vie” de l’Ouest.

Pour Joël Decaillon, secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats, “il y a un faisceau de mouvements sociaux depuis déjà deux-trois mois” en Europe, que la montée du chômage pourrait tendre.

Si les syndicats défendent la liberté de travailler à l’étranger, ils exigent qu’elle repose sur “des conditions d’égalité de traitement” des salariés, selon lui.

Le “système tordu actuel” – qui impose le respect de conditions de travail minimales mais pas nécessairement celui des conventions collectives pour les étrangers – peut contribuer à durcir les mouvements de rejet comme en Grande-Bretagne, dit-il.

“On sent qu’il y a des pressions qui vont dans le sens d’un repli national”, souligne aussi Iana Dreyer, analyste au European Centre for International Political Economy à Bruxelles.

Devant la pression de plusieurs pays, rappelle-t-elle, la Commission a déjà accepté que les déficits budgétaires publics dépassent la limite européenne de 3% du PIB tant que durera la crise.

Elle a aussi assoupli jusque fin 2010 les règles permettant aux gouvernements d’aider les entreprises en difficulté.

“Personne ne parle de mettre fin au libre échange ou à la libre circulation dans l’UE, mais on pourrait assister à des assouplissements”, estime Katinka Barysch, du CER. “La Commission ne veut pas être accusée d’être celle qui empêche l’aide aux travailleurs européens.”