A l’initiative commune de la Fenatex et du Cettex, une journée
d’information a été récemment organisée à l’adresse des professionnels du
secteur textile. A cette occasion, M. Dominique Jacomet, président de l’Institut
français de la Mode, et un groupe de responsables de l’Institut ont animé un
workshop où l’on a parlé de données concrètes relatives aux comportements
d’achat des consommateurs, à l’organisation des circuits de distribution et bien
entendu des anticipations des donneurs d’ordre européens.
Le recul de la consommation
En 2007 déjà, le marché européen manifestait certains signes de tassement qui
se sont accentués avec la survenue de la crise en 2008. Le recul effectif a été
de 3% en moyenne pour l’Union européenne avec des disparités entre pays, mais
les grands marchés, tel celui de la RFA, sont en repli. Le reflux de la
consommation européenne a impacté ses importations à partir de la zone
méditerranéenne qui lui procure le quart de ses approvisionnements extérieurs.
Bien entendu les achats à partir du Maghreb ont également diminué. A rappeler
que les exportations cumulées de la Tunisie et du Maroc à destination de la
France représentent 13% des achats français à l’extérieur.
La Tunisie, pour sa part, a vu ses exportations en France en 2008 se
contracter de 4% en euros. Mais dans le même temps, les exportations françaises
de tissus au Maghreb ont augmenté de 3% en valeur, signe de la complémentarité
entre tisseurs français et confectionneurs maghrébins.
Ces aspects confirment bien une tendance à la régionalisation des échanges,
et tout porte à croire qu’en matière d’approvisionnement, la Méditerranée et le
Maghreb seront favorisés quand le rebond du marché se produira.
Quid de l’offensive asiatique ? Elle persiste et la Chine n’est pas près de
rendre les armes. Ce pays réalise plus de la moitié des investissements du monde
et peut être même davantage étant donné que les investissements en équipements
chinois ne sont pas comptabilisés. Elle-même travaille à se redéployer,
investissant des sommes colossales dans le modélisme. Toujours est-il que les
dirigeants de l’IFM croient à une prime à la proximité et considèrent que la
Méditerranée sera la première sollicitée mais pensent qu’en 2009 la demande sera
encore volatile.
Développement durable, consommation responsable
On a eu droit à une parenthèse, au demeurant très édifiante, sur l’influence
du développement durable sur le marché textile et l’irruption de la mode
éthique. Les grands courants du moment ont été classés par catégorie. Il y a les
fabricants qui se rangent sous le label du commerce équitable qui ne recourent
pas à la délocalisation et paient correctement leurs salariés.
Il y a ensuite les fabricants de produits écologiques, ceux-là qui utilisent
des intrants écologiques et leurs rejets ne provoquent pas de pollution pour
l’environnement. Il y a ceux qui s’obligent au respect de la terre, tels les
tisseurs qui se servent de la viscose de bambou dont la culture ne comprend pas
de pesticide et donc les champs cultivés prennent soin du sol. Il y a enfin les
produits partagés, ces commerçants qui s’engagent à reverser une partie de leur
chiffre d’affaires au profit d’associations.
La question est de savoir si la prolifération de ces niches à qui la presse
fait la part belle constitue un grand marché. L’enquête révèle que les
convaincus représentent à peine 16% des consommateurs et que 17% se déclarent
tentés et 13% se disent ouverts. Ce marché reste en somme assez timide. Le plus
important est que les clients reconnaissent acheter uniquement quand les
produits sont jolis et qu’ils sont dans le vent. Donc le caractère écologique
n’est pas l’élément qui prime dans la décision d’achat. Sur ce marché, disons
émergent, les dirigeants de l’IMf considèrent que la Tunisie, qui se positionne
déjà par rapport à la directive REACH, dispose de certains atouts.
Sous l’empire de la reine Mode
L’atelier s’est ensuite penché sur la perspective d’imaginer le futur de la
mode dans un monde en crise. C’est en réalité la réalité du contexte actuel.
Après ce coup de froid sur la consommation auquel n’a échappé aucun segment du
marché, la mode fait-elle encore rêver et les porte-monnaie suivent-ils ? Ce
sont les femmes qui marquent le pas. Elles sont promptes à réduire leurs achats
en temps de crise car d’habitude elles n’achètent pas utile mais fonctionnent le
plus souvent au coup de cœur. Quand bien la garde-robe est pleine à craquer, une
femme se laisse toujours tenter par un produit qui aguiche.
A l’heure actuelle les achats se font plus raisonnés et naturellement cela
rejaillit sur les collections. Ce n’est pas encore le triomphe du «vintage», le
style minimaliste dépouillé à l’extrême mais c’est le retour du basique.
Toutefois, il s’agit du basique bien coupé, bien stylé et de qualité.
Pourquoi cela ? Parce que les consommateurs considèrent que la mode assouvit
un plaisir et qu’elle véhicule une image sociale à laquelle les gens ne sont pas
près à la sacrifier. Et quand bien même 49% reconnaissent acheter moins, ils
achètent mode même s’ils doivent surveiller étroitement le rapport plaisir /
budget. Et la conséquence de ces stratégies d’achat ont eu un impact réel sur
les circuits de distribution. Les chaînes spécialisées qui commercialisent ces
gammes sont les gagnants de la crise. On sait désormais qui sont les
ordonnateurs dominants et quelles seront leurs exigences.