On le sait maintenant, la crise financière ne nous a pas
épargné. Elle a frappé de plein fouet l’économie réelle touchant nombre
d’entreprises dans notre pays, à différents niveaux allant du ralentissement de
leurs activités à l’impossibilité pour certains investisseurs étrangers
d’honorer leurs engagements et jusqu’à l’annulation de certaines commandes.
Certes, les décisions prises par le chef de l’Etat au cours
de la réunion du Conseil des ministres, tenue le 23 décembre 2008, s’inscrivent
dans le cadre d’une stratégie préventive destinée à protéger les équilibres
financiers des entreprises menacées et particulièrement celles exportatrices et
à garantir la paix sociale en préservant l’emploi, pourront-elles cependant, Ã
elles seules, réussir l’exploit de mener l’économie tunisienne vers des rivages
plus sûrs ?
D’abord un bref aperçu des mesures en question.
A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles
Des mesures en trois temps et qui se complètent les unes les autres, a
déclaré Taoufik Baccar lors de la journée d’information tenue à la banque
centrale. Elles appellent à plus de réactivité de la part des services du
ministère des Finance pour répondre aux demandes de recouvrement de l’excédent
de la TVA pour les entreprises exportatrices et instituent la prise en charge
par l’Etat de deux points du taux d’intérêt des crédits résultant des opérations
de rééchelonnement au profit des entreprises exportatrices. La marge due au
risque de change pour pousser les entreprises à se servir des lignes de
financement extérieures dont celles touchant la restructuration financière et
l’économie de l’énergie sera également prise en charge par l’Etat tout comme les
50% du coût d’assurance au titre des contrats d’assurance des exportations des
entreprises exportatrices. Sans oublier une implication beaucoup plus importante
de la Compagnie Tunisienne pour l’assurance du commerce extérieur (COTUNACE)
dans les opérations de réassurance des risques et aide aux entreprises dans le
financement de leurs besoins complémentaires en fonds de roulement.
D’autres mesures touchent à la préservation du tissus social et ont rapport
avec la prise en charge par l’Etat de 50% de la contribution patronale au régime
de sécurité sociale, durant la période recours à la réduction de huit heures au
moins de l’horaire de travail, en raison du ralentissement de l’activité de
l’entreprise et également de la contribution patronale au régime de la sécurité
sociale durant la période de la mise des travailleurs au chômage technique,
conséquence de la régression des activités de l’entreprise en raison entre
autres de l’annulation de certaines commandes de donneurs d’ordre étrangers.
D’autre part, décision a été prise d’augmenter le budget réservé aux foires
et aux salons d’un million de dinars et de consacrer 8 MD de crédit pour la
finalisation des dossiers non finis au titre des années 2007 et 2008 et ce dans
le cadre du Fonds de promotion des exportations. Le FAMEX 2 s’étendra à 200
nouvelles entreprises grâce à un crédit de 10MD dans l’attente du lancement du
FAMEX 3.
Sans parler des autres mesures et mécanismes mis en place au sein
d’institutions comme le CEPEX pour soutenir l’exportation. En somme une armada
de mesures qui, espérons le, apporteront leurs fruits.
« La Tunisie un « Micro méga » le petit grand pays »
C’est le représentant de la Fédération de pêche parlant de l’importance de la
Tunisie à l’international et de sa capacité à s’imposer malgré la concurrence
ardue qui l’a décrite ainsi.
Il a, au passage, soulevé le problème de la taxe de 2% sur le chiffre
d’affaire final à l’exportation sous couvert du repos biologique « Est-ce normal
? Le repos biologique a toujours existé, pourquoi le financer maintenant ? »
S’est-il écrié en ajoutant « Nous voulons garder nos places sur les marchés
extérieurs sans être pénalisés par une taxe aussi « exagérée » sur des charges
comme la main d’œuvre et autres… A quoi servira une taxe sur le repos que nous
n’avons jamais sollicitée ». Ce à quoi répond Ridha Touiti, ministre du Commerce
et de l’Artisanat que le repos biologique est important pour préserver les
ressources du pays en faune marine, d’autant plus que les exportations en
produits de pêche atteignent les 250 millions de DT d’où l’importance de pouvoir
dégager des fonds au titre du repos biologique. Il a rappelé par la même
occasion que la Tunisie importe aujourd’hui pour plus de 50 millions de DT de
produits de pêche et qu’on a relevé un recul de la consommation sur le marché
national aux mois de janvier et février.
En matière de recul, n’oublions pas les risques réels quant à l’écoulement de
l’huile d’olive tunisienne en Europe pour cette saison. C’est en tout cas ce
qu’affirme Aref Belkhiria, représentant de la Fédération de l’Huile d’olive qui
a exprimé ses inquiétudes de voir un secteur « Important qui a son poids dans
l’économie du pays et qui occupe une part de 43% des exportations des produits
agroalimentaire et 5% de la totalité des exportations » faire marche arrière.
Les exportations de l’huile d’olive souffrent des conséquences de la baisse de
consommation en Europe des suites de la crise. Rappelons que la majeure partie
de la production nationale de l’huile d’olive (près de 90%) est destiné au
marché européen. Aref Belkhiria a appelé le secteur bancaire à soutenir les
producteurs et les exportateurs en leur accordant plus de moyens financiers pour
qu’ils ne soient pas mis dans une situation de fragilité financière et bradent
leurs produits en les cédant à des prix dérisoires.
Toutefois, soutenir les exportations, c’est aussi dénicher d’autres marchés.
Et pourquoi pas l’Afrique ? Aux dires de Kamel Ben Yaghlène, président de la
chambre des cosmétiques se référant au discours du Président de la République Ã
l’occasion du Sommet de l’OUA, l’Afrique constitue un marché potentiellement
porteur pour la Tunisie. « En Afrique, a-t-il précisé, 450 millions de personnes
sont sans écoles et 100 millions de personnes sans électricité, si nous prenons
juste 10% des ces marchés en mettant en place un programme pour l’exportation
sur cinq ans, nous aurons éventuellement des résultats extraordinaires ». Il
faudrait selon Kamel Ben Yaghlène mettre en place au plus tôt une ligne de
financement pour la conquête du marché africain avec un calcul de risque.
D’autre part, le président de la chambre des cosmétiques a attiré l’attention
sur le fait toutefois la trésorerie de l’entreprise ne peut supporter l’effort Ã
l’exportation qui lui est demandé pour atteindre les 300 et 500 mille dinars
autorisés par l’Etat rappelant que l’effort de l’exportation est un effort
national : « M.Hédi Djilani, président de l’UTICA, l’a déclaré , il y a près de
cinq ans, c’est un crime de ne pas exporter, tous ceux qui font des efforts au
niveau de la mise à niveau, c’est pour pouvoir réussir l’exportation. Exporter
revient également à avoir des assurances sur le marché local miné
malheureusement par le commerce parallèle », a soutenu M.Ben Yaghlène qui a
suggéré la création d’une ligne de financement complémentaire à l’effort de la
trésorerie de l’entreprise pour l’exportation. Les banques a-t-il ajouté ont des
moyens beaucoup plus important pour aider au développement des exportations : «
Rien qu’en créant et en officialisant le poste de Monsieur export au sein de
chaque banque. Un monsieur qui soit apte à solutionner rapidement les dossiers
soumis par l’exportateur parce qu’il est proche des centres de décisions ». Le
président de la Chambre des Cosmétiques a appelé à la création d’une banque du
commerce extérieur pour soutenir les efforts des exportateurs dans leur conquête
de nouveaux marchés.
Espérons que la proposition ne tombera pas dans l’oreille d’un sourd.
Parlant des efforts fournis par les banques tunisiennes pour soutenir les
opérateurs privés, Hédi Djilani, président de l’UTICA a affirmé qu’il n’était
pas facile pour le secteur bancaire de faire passer la somme de trois milliards
de DT en pertes et profits juste pour soulager les créances de certaines
entreprises. Il a appelé, à ce propos à l’établissement d’une nouvelle qualité
de rapports entre banques et secteur privé.
De l’Etat et de ses stratégies
Ridha Touiti, ministre du Commerce et de l’Artisanat a, pour sa part, affirmé
que l’Etat a mis en place depuis 2004 un plan pour renforcer les marchés Ã
l’export qui a bien réussi. « A fin 2008, nous pouvons dire que nos objectifs
ont été atteints. La part des exportations dans les biens et services a atteint
les 59% du PIB, le dispositif à l’exportation qui ne dépassait pas les 5200
entreprises et qu’on prévoyait d’élever au nombre de 6000 entreprises en 2008 en
est maintenant à plus de 6450 entreprises exportatrices » a-t-il précisé
attirant l’attention sur l’évolution qui a eu lieu au niveau de la composition
sectorielle des exportations tunisiennes. Ainsi le secteur des composantes
automobiles électroniques et mécaniques a aujourd’hui supplanté celui des
textiles et habillements premier exportateur au début des années 2000. Le
ministre a insisté sur la volonté de l’Etat de diversifier autant que possible
les produits à l’exportation tout comme les marchés grâce, entre autres, aux
accords de libre échange signés entre la Tunisie et 50 pays dans toutes les
régions du Monde. Il a fait remarquer que les exportations restent inférieures
aux importations. M.Touiti a affirmé la volonté de l’Etat d’améliorer les parts
de marché des exportations tunisiennes dans les pays arabes et africains. Il a
précisé que le montant des exportations dans le continent noir a évolué avec une
moyenne annuelle de l’ordre de 60 millions de DT. Notre pays, a-t-il annoncé est
en train de conclure un accord de libre échange avec le groupement monétaire des
pays de l’Ouest africain ce qui ouvre d’autres perspectives en matière
d’exportation. Notons au passage que le CEPEX vient d’ouvrir un bureau de
représentation à Moscou et un autre en Côte d’Ivoire. Un guide pour
l’implantation commerciale à l’extérieur de nos frontières serait incessamment
mis à la disposition des exportateurs potentiels avec en haut de la liste
l’Algérie. Toujours est-il, a soutenu Ridha Touiti, que plus que les efforts
fournis par l’Etat sur le plan réglementaire, il faudrait accorder l’importance
requise de la part des industriels et exportateurs à la qualité des produits
destinés aux marchés extérieurs, à leur capacité de compétitivité, tout comme il
faut être aussi réactifs que possible par rapport à l’évolution de ces marchés.
Les zones logistiques qui seront mises en place dans notre pays devraient
réduire le coût du commerce extérieur et consolider la compétitivité des
produits tunisiens.
Hédi Djilani a, quant à lui, souligné la nécessité pour toutes les parties
concernées de conjuguer leurs efforts afin d’accélérer la mise en œuvre des
mesures présidentielles. Les opérateurs privés a affirmé le Président de l’UTICA
ont fait montre d’un grand degré de responsabilité en s’acquittant dans la plus
grande transparence de leurs redevances à l’Etat. Il a d’autre part appelé les
entreprises qui ne souffrent pas de difficultés particulières à ne pas essayer
de profiter des mesures exceptionnelles mises en place par l’Etat pour sauver
celles qui vivent la crise réellement.
Quid d’un plan de relance ?
Au-delà des mesures préventives et conjoncturelles prises par le gouvernement
pour juguler les conséquences de la crise sur le pays, qu’attendons-nous pour
mettre en place un plan de relance à l’instar de ceux lancés par les
gouvernements européens et non seulement pour booster leurs économies mais pour
les réorienter et les restructurer? En France, 1.000 chantiers projetés ont été
anticipés par l’injection de plus de 10 milliards d’euros par le gouvernement
français et 4 autres par les entreprises publiques pour redynamiser l’activité
économique. 11,5 milliards d’euros ont été réservés à l’amélioration de la
trésorerie des entreprises en difficulté sans parler des autres fonds allant Ã
d’autres chantiers. Sans vouloir nous comparer à la puissance industrielle
qu’est la France et même si ce plan, aux dires mêmes du Premier ministre
français, ne devrait pas suffire à éviter la récession ou l’augmentation du
chômage en France, qu’avons-nous, pour notre part, préparé pour contrecarrer les
effets d’une crise qui ne disparaîtra pas de sitôt.
Car nous savons maintenant que le ton rassurant du début de la crise, n’est
plus de mise aujourd’hui et que nous devons faire plus pour rassurer les
entrepreneurs, préserver les emplois et les équilibres sociaux dans une
situation ou comme le dit Hédi Djilani « Il s’agit des hauts intérêts de la
patrie et pas que des intérêts des banques, des hommes d’affaires ou de l’Etat,
ou bien nous concertons nos efforts et chacun de nous assure à son niveau ou
bien c’est la Tunisie qui en souffre… ».
Qu’allons-nous faire pour les PME dont on ne parle pas beaucoup contrairement
aux grandes entreprises exportatrices, sachant que le tissus entrepreneurial
d’un pays, c’est surtout les PME. On oublie trop souvent que certaines
entreprises exportatrices croulant sous le poids des commandes faisaient
sous-traiter une partie de leurs commandes dans de petites sociétés menacées
aujourd’hui parce que leurs commanditaires le sont. On omet souvent de parler du
tissus entrepreneurial dans son ensemble car la crise, à ce train là ,
n’épargnera personne. Tous ceux ou celles qui n’ont pas les épaules solides
risquent de disparaître à moyen ou court termes. A-t-on pensé à ces PME ? Et
Comment ?
A-t-on établi à ce jour dans notre pays un diagnostic clair et précis de la
réalité de la situation des entreprises en difficulté ? Leurs nombre, la taille
des pertes ? Les conséquences directes sur l’emploi ?
Qu’on est-il des gros ouvrages qui en situation de crise, sont seuls capables
de rendre vie à une économie et booster la consommation ?
Dans quelle mesure il y a eu coordination entre les principaux acteurs de la
vie économique dans notre pays à savoir l’Etat et les partenaires sociaux,
l’UTICA ou l’UGTT pour résister ensemble et en parfaite harmonie à la crise ?
Y’a-t-il eu concertations entre tous ces acteurs pour juguler ses effets et
œuvrer ensemble dans un même élan pour la contenir en s’entendant sur une même
ligne de conduite ?
Le gouvernement prend des mesures pour contenir la crise et soutenir les
secteurs les plus menacés, l’export en premier lieu ? Sont-elles suffisantes ?
Les réponses restent très nuancées. Pourquoi ?
Le secteur privé est soucieux d’être soutenu inconditionnellement par l’Etat
et les institutions financières ? Ses vœux seront-ils exaucés ?
A-t-on d’ores et déjà prévu quelle conduite tenir au cas où les banques
nationales confrontées aux entreprises en crise pourraient-elles même se trouver
en difficulté dès lors que ces dernières ne pourront pas honorer leurs prêts et
leurs financements ?
A-t-on pensé à un plan de relance, à de nouveaux financements que l’on
pourrait affecter dès lors que le besoin se fait ressentir ?
L’UGTT qui tient à ce que le secteur privé ne profite pas de la crise pour
faire fi des revendications salariales des travailleurs et la sécurité de
l’emploi, a-t-elle été impliqué de manière
Pour valoriser l’image de marque de notre pays à l’étranger, est-il normal
que le budget alloué à nos ambassades ne dépasse pas les trois mille dinars et
encore ce ne sont pas toutes les ambassades qui en profitent ? Le rôle des
représentations diplomatiques ne serait-il pas avant tout de promouvoir le pays
à tous les niveaux et dans tous les domaines ?
C’est des réponses à pareilles questions que l’on s’était attendu lors de la
journée d’information à la B.C.T. Une journée qui a réuni tant les représentants
de l’Etat que ceux du secteur privé et en l’absence de représentants de la
centrale syndicale qui pourtant auraient pu au moins prendre note des appels des
opérateurs privés à l’amélioration de la productivité. L’occasion était propice
pour soulever des problèmes de fond. Les discussions n’étaient pas des plus
percutantes. Jusqu’ici nous croulons sous le poids des généralités et des
estimations approximatives. Oui le taux de croissance prévu ne sera pas atteint…
on est bien d’accord que certains secteurs économiques seront lésés…il est
certain que les prochains mois seront difficiles…etc.etc.
A quand le point réel, précis de la situation de l’économie tunisienne,
chiffres à l’appui ?