La compréhension des règles de la concurrence n’est pas
encore la chose la mieux partagée en Tunisie. Ce qui donne du grain à moudre au
Conseil de la concurrence qui a eu à examiner, ainsi que le révèle son dernier
rapport, une affaire illustrant parfaitement les lacunes dans ce domaine, et qui
a opposé une société de publicité à une entreprise concurrente et à …la Chambre
Syndicale des Taxis de Tunis. Le litige, on l’a compris, a pour terrain, le
marché naissant de la publicité via les taxis.
Un des premiers –et encore rares- opérateurs à se positionner sur ce segment,
«Mobipub » a engagé, fin 2004, des négociations avec cette chambre syndicale
régionale en vue de la conclusion d’un accord de coopération lui permettant
d’utiliser les taxis comme support publicitaire. Un projet d’accord est élaboré,
mais qui ne verra jamais le jour «pour cause de rejet par le premier responsable
de la chambre », fait dire la demanderesse dans sa requête auprès du Conseil de
la Concurrence (CC). Faisant bon cœur contre mauvaise fortune dans un premier
temps, «Mobipub » sort de ses gonds lorsqu’elle apprend que la Chambre Syndicale
des Taxis de Tunis a conclu un «accord définitif » avec «Pub City », une
entreprise concurrente, et surtout que les deux partenaires aient publié dans
plusieurs journaux de la place un communiqué commun dans lequel «la chambre
régionale de Tunis des propriétaires de taxis annonce que tout accord afin de
poser un panneau publicitaire sur une voiture se faisant en dehors de la
convention conclue entre la Chambre et «Pub City », et sous la supervision de
l’Union régionale de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat, n’est pas
reconnu par la Chambre qui n’assume aucune responsabilité quant aux problèmes
qu’elle pourrait causer aux contractants. »
S’estimant fortement lésée, «Mobipub» porte l’affaire devant le Conseil en
novembre 2006 qui rend sa décision au bout d’une année. Il proclame, d’abord,
que «les actes commis » par les deux parties défenderesses sont assimilés à des
«pratiques constituant une entrave à la concurrence», et en ordonne la
cessation, ensuite, condamne la Chambre syndicale et «Pub City» à payer chacune
une amende de 10 000 dinars, et les oblige de publier le contenu de cette
décision à leurs frais dans deux quotidiens.
Le Conseil a pris ces décisions parce qu’il estime que la convention conclue
entre la Chambre syndicale des taxis de Tunis et la société «Pub City »
constitue «une entrave à la concurrence de par son objet et son impact » et
«abouti à limiter l’entrée d’autres sociétés et la libre concurrence sur le
marché», et est de ce fait «interdite» conformément à l’article 5 de la loi sur
la concurrence et les prix.
Cependant, le Conseil n’a pas retenu l’accusation d’abus «de position
économique dominante », puisque, selon lui, la définition de ce concept retenue
par la jurisprudence de cette instance –la domination ne se réalise que lorsque
une part de marché importante, une avance technologique, une stratégie
commerciale, des moyens financiers, ou une position géographique, permettent
d’imposer ses conditions ne s’applique ni à la Chambre ni à «Pub City».