à essence (Photo : Behrouz Mehri) |
[19/02/2009 07:54:58] NEW YORK (AFP) Le pétrole brut coté à New York, étalon traditionnel du marché mondial, voit sa suprématie minée par les niveaux élevés des stocks aux Etats-Unis, qui dépriment son prix et l’éloignent du marché londonien, jugé parfois plus représentatif.
Un peu plus raffiné, le baril de “light sweet crude”, ou West Texas Intermediate (WTI), coté sur le New York Mercantile Exchange (Nymex) s’échange traditionnellement un à deux dollars plus cher que celui Brent de la mer du Nord, coté sur l’InterContinental Exchange de Londres.
Mais cet écart s’est récemment inversé au profit du Brent et a même atteint des niveaux jamais vus, dépassant à plusieurs reprises les dix dollars depuis le début de l’année.
L’Agence internationale à l’Energie (AIE), qui défend les intérêts énergétiques des pays industrialisés, s’est inquiétée dans son dernier rapport de prix “déconnectés des cours internationaux du brut, qui poussent les membres de l’industrie à remettre en question la viabilité du WTI comme référence pour le marché mondial”.
“La volatilité des prix du WTI envoie des signes (…) trompeurs non seulement au marché mais aux prévisionnistes économiques, aux gouvernements”, a-t-elle jugé.
Selon les analystes, le phénomène s’explique par la montée des stocks de brut aux Etats-Unis, notamment au terminal de stockage de Cushing, dans l’Oklahoma (sud des Etats-Unis), lieu de livraison des contrats du Nymex.
Jamais depuis que les autorités américaines publient leur niveau, soit depuis 2004, ces réserves n’avaient été aussi fournies. Elles ont plus que doublé depuis le mois d’octobre pour atteindre environ 35 millions de barils, pour une capacité opérationnelle estimée à 36 millions par l’AIE.
La raison est connue : une demande qui baisse sur la côte Est, des raffineries qui tournent au ralenti et des importations en provenance d’Europe qui restent abondantes.
Faute de place, les détenteurs de contrats de brut sont contraints de brader la marchandise quand approche le moment de la livraison.
Pour Thierry Lefrançois, de Natixis, “c’est une nouvelle supplémentaire qui vient confimer que le WTI perd sa suprématie au profit du Brent”.
Le directeur de la recherche en énergie du CME, maison mère du Nymex, Dan Brusstar, assure pour sa part à l’AFP que le WTI “reflète correctement la situation de la demande et de la demande dans le monde”.
Il souligne aussi que le marché new-yorkais est plus sensible, du fait d’une forte transparence : les chiffres des stocks américains sont publiés à un rythme hebdomadaire par le gouvernement, ce qui n’est pas le cas en Europe.
Face à la situation, les solutions divergent : l’AIE suggère l’ouverture d’un autre terminal de stockage sur le golfe du Mexique (sud), une importante zone de production. Des analystes estiment que le marché devrait choisir une nouvelle référence ou qu’il faudrait réduire les approvisionnements pendant un temps.
“On exagère un peu le problème”, nuance Antoine Halff, vice-président du courtier Newedge USA. “La montée des stocks de brut, spectaculaire ces derniers mois, ne s’est pas faite seulement à Cushing. Elle reflète le fait que la demande de brut de la côte est est en chute libre”, explique-t-il.
Même ébranlée, la domination du marché new-yorkais n’est pas près de disparaître : les volumes d’échanges y restent plus élevés qu’à Londres, et les Etats-Unis le premier pays consommateur d’or noir.
“C’est un peu comme le dollar et l’euro”, compare Thierry Lefrançois. “On peut imaginer que l’euro gagne quelques parts de marché mais on ne peut pas imaginer que le dollar perde son statut de première monnaie.”