«J’ai peut-être été quelque peu négatif dans mon
intervention, surtout que nous sommes réunis pour un moment de célébration». Si
M. Hédi Djilani a ainsi –presque- présenté des excuses pour les propos qu’il a
tenus devant un parterre d’agriculteurs, d’hommes d’affaires et de représentants
des gouvernements des cinq pays maghrébins, réunis mardi 17 février 2009, à
Tunis, par l’Union Maghrébine des Agriculteurs (UMAGRI) et l’Union Maghrébine
des Employeurs (UME), pour célébrer le 20ème anniversaire de la création de
l’Union du Maghreb Arabe (UMA), c’est parce que le président de l’UTICA (Union
Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat) et patron des patrons
maghrébins avait probablement le pressentiment –pour ne pas dire la conviction-
que le bilan de l’intégration maghrébine qu’il allait dresser risquait d’être le
moins «politiquement correct» de tous. Et il n’a pas eu tord, car en affirmant
tout de go que «ce qui a pu être réalisé» dans ce domaine est «infime» et que
«ce qui pourrait l’être» est «énorme et important», le président de l’UME a été
le plus critique, à l’égard de l’UMA, de tous les orateurs de cette journée de
commémoration; et le plus clair dans son diagnostic des causes de l’échec de
l’ensemble maghrébin.
Ainsi, M. Djilani a été le seul à faire porter une partie de la
responsabilité à «la volonté politique», c’est-à-dire aux chefs d’Etat
maghrébins; à l’exception du président Ben Ali, dont le patron de l’UTICA a mis
en exergue «l’action à tous les niveaux afin de pousser à l’accélération» de la
construction maghrébine.
M. Djilani a également imputé la responsabilité du «non-Maghreb» à trois
autres facteurs : absence de «cadre législatif encourageant» pour les échanges
commerciaux inter-maghrébins et accordant des avantages préférentiels à
l’investisseur maghrébin; inexistence de «liens bancaires» entre ces pays;
multiplicité des obstacles devant le transfert des capitaux; etc.
Cependant, le président de l’UME n’exempt pas les entrepreneurs maghrébins de
la responsabilité de la situation dans laquelle se trouve l’UMA. En effet, bien
qu’«elles soient convaincues de la nécessité» de l’intégration maghrébine, les
entreprises des cinq pays de l’UMA assument une part de responsabilité dans la
panne du projet maghrébin de par «leurs faiblesses qui en entravent leur
orientation maghrébine». Par faiblesse, M. Djilani désigne cette tare originelle
qu’est «une naissance dans un environnement protégé et fermé (…) rendant
difficile l’acceptation de la culture de la concurrence». Mais le patron des
patrons maghrébins reconnaît des circonstances atténuantes : le jeu de la
concurrence «a ses conditions et ses règles» -des lois financières, fiscales et
sociales «homogènes», et levée «des obstacles non tarifaires et autres entraves
administratives»- qui ne sont pas actuellement réunies au Maghreb.
Bien que frustrés, les patrons maghrébins n’entendent pas baisser les bras.
Ayant déjà commencé à œuvrer à la création «des centres de pression» -autrement
dit des lobbies- en vue de «concrétiser chez les décideurs» la conviction «de
l’extrême importance et de la nécessité de l’intégration maghrébine», les
opérateurs maghrébins entendent continuer sur cette lancée. La prochaine étape
de ce combat se déroulera en mai prochain à Alger où l’UME va organiser un forum
durant lequel les hommes d’affaires maghrébins formuleront leur vision de
l’intégration économique du Maghreb.