Se mettre en phase avec le marché, c’est accepter de se mettre en état de
changement perpétuel, en situation «d’impermanence». C’est le rôle du chef
d’entreprise d’inculquer cet état d’esprit à tout le corps des compétences
qui l’entourent. L’art et la manière de conduire le changement.
Manager par le changement n’est pas se mettre en état de chaos, mais
d’ordre. Et il s’agit d’un ordre de marche. On peut manager par le
changement à son rythme et au mieux de ses moyens. Peu importe l’allure,
mais l’essentiel est cette prédisposition d’esprit à toujours anticiper la
compétition. La sagesse recommande de ne pas changer une équipe qui gagne et
de ne pas s’écarter de la voie qui réussit.
Certes, il ne s’agit pas de verser dans l’anarchie mais de refuser le
confort de la réussite lorsqu’elle vous installe dans vos certitudes. La
crise actuelle vient nous rappeler avec violence que le changement est le
principal moteur de la société. «L’incertain devient certain et l’improbable
devient probable».
L’enseignement est que le changement n’est pas une situation mais un
itinéraire. Se garder de croire que le succès est une fin en soi. Il n’est,
dans cette perspective, qu’un simple épisode sur cet itinéraire. C’est en
ces termes que Maher Kallel, du bureau formaxion et Philippe Lotz, chef de
la composante innovation à GTZ, ont introduit la problématique du management
par le changement. Ce sujet s’emboîte avec le thème de l’innovation sur
lequel se mobilisent en partenariat, le ministère de l’Industrie de
l’Energie et des PME, la coopération allemande «GTZ» ainsi que les bureaux
de Conseil privés. Ces derniers étaient représentés par Faouzi Belhaj, DG de
BMF et président de leur Chambre nationale ainsi que Kamel Ben Aimeur, DG d’Optimax
qui co-dirige le programme de formation à l’innovation des consultants.
Les organisateurs ont convié à cette matinée Mme Monica Carco, chef du
bureau de l’ONUDI à Tunis ainsi que divers représentants de GTZ dans les
principales régions économiques du pays.
Le pourquoi du comment
L’innovation a toujours été rattachée, par tradition, à la R&D (lire
Recherche & Développement). On oublie trop souvent que l’innovation dépasse
l’enceinte de R & D et qu’elle possède une dimension humaine. Et pour ne pas
faire de l’innovation un instant de rupture, il convient de l’intégrer à un
processus de changement permanent. Et c’est bien ce qui nous projette dans
l’univers du management par le changement et non du changement parce qu’il
ne s’agit pas d’une étape mais d’une hygiène de vie. Voilà comment on passe
d’un concept à une méthodologie.
Ce cap appelle un paramétrage des comportements de chacun dans l’équipe.
Cette mesure de prévention est un préalable à la participation de tous. Elle
doit émaner du chef d’entreprise qui est le chef tout court dans
l’entreprise, et ce leader a besoin d’être suivi par les siens pour réussir
cette opération de conversion du mental de chacun des collaborateurs.
La conduite du changement est une opération assez périlleuse car elle
commence par une opération de destruction de la manière de faire antérieure.
A ses débuts, le changement voit la productivité fléchir et fait douter de
son efficacité. c’est un peu plus tard que la courbe se redresse pour enfin
aboutir à un excédent de valeur créée.
Manager par la performance n’est pas un exercice sans risque. Mais c’est là
où le manager apparaît comme un porteur de sens.
Provoquer la résilience des équipes
L’individu en général a une préférence pour les référentiels figés et les
repères fixes. L’être social, prisonnier de ses filtres culturels, s’enferme
dans ses contraintes avec une certaine rigidité et développe de la sorte une
résistance au changement. Dès l’annonce d’un projet nouveau, la même
complainte revient : «qu’ont-ils à vouloir tout chambouler, tout le temps
?». Et c’est en réponse à cette attitude que s’est constituée une «Ecole»
qui traite de la méthodologie de la conduite du changement. Elle parie sur
les équipes à faire preuve de résilience transformant leur résistance au
changement en une force pour rebondir. Le tout est de leur adresser des
messages intelligents afin de les faire réagir. Cela se déroule par l’écoute
et le questionnement.
Un travail de coaching
D’expérience, les praticiens du management par le changement savent qu’il
faut recourir à une catégorie précise de prestataires. Ils préconisent les
coachs. Ces derniers ont une approche hautement accrocheuse. Ils n’arrivent
pas en entreprise avec une solution toute faite, reléguant les membres du
personnel au rôle de spectateurs. Eux savent catalyser le potentiel des
personnes concernées. Ils s’y prennent en trois étapes. D’abord, briser la
glace avec les personnes qu’ils vont encadrer en les arrachant à leur refus
de changer. Les écouter, ensuite, pour sonder leurs intentions et leurs
sentiments. Enfin, les accompagner à adhérer et faire aboutir le projet
nouveau à réaliser.
Réduire les temps de résistance au changement
L’annonce d’un projet nouveau connaît des réactions en chaîne. Qui commence
par un refus «mais qu’ont-ils donc à nous bousculer ?». Ce premier sentiment
cède la place à la colère «qu’ils retroussent leurs manches». S’ensuit une
tristesse, «puisque c’est ainsi, tant pis». Puis vient le temps de
l’acceptation «allons-y voir» auquel succède un sentiment de soulagement
«allez, on va voir ce que ça donne ».La curiosité pour la chose finira par
susciter un intérêt qui est relayé par un certain attachement à «aller plus
loin et explorer». Enfin pointe la satisfaction «de pouvoir faire émerger
quelque chose de neuf» et enfin l’adhésion finit par être au rendez «on va y
mettre un coup».Toutes ces séquences constituent un cycle. Et l’intervention
du coach vise à raccourcir le temps de son déroulement. Comment opère un
coach ? Il commence d’abord par écouter.
Ecouter sans juger, oser la confiance
Embarquer quelqu’un dans un projet nouveau nécessite au moins de lui faire
mettre la main à la pâte. Et il faut bien commencer par l’écouter. Dans le
respect. Se rappeler que l’on écoute par les yeux. Fixer quelqu’un lorsqu’il
s’exprime, c’est lui faire savoir qu’on le perçoit 5/5. C’est apaisant et ça
amène la confiance premier lien de la communication. Se rappeler que
l’entreprise suscite des peurs. Elle est un lieu où la compétence risque de
ne pas se révéler. L’élément confiance donne une occasion de changer en
surmontant ses insuffisances. Instiller de la confiance dans l’écoute c’est
s’obliger à ne pas interrompre la personne qui parle.
Au bout d’un moment, le coach intercale une pause-résumé. Là-dessus il
relance l’interlocuteur en reprenant ses mots clés et reformule ses propos
dans le sens souhaité.
Que fait alors le coach après avoir écouté son interlocuteur ? Il le
questionne pour l’aider à ébaucher une solution. Quand on questionne, ne
jamais assommer quelqu’un avec un «pourquoi», jugé trop accusateur et
inhibant. Préférer toujours les solutions ouvertes. «Que voulez-vous faire
en pareille situation?» est plus recevable. Esquisser une solution :
«Quelles sont vos options en la matière?», se rappeler que l’exercice
consiste à faire prendre conscience à la personne qu’il s’agit de «revoir ce
qu’on est en train de faire et de le faire autrement. Replacer les choses
dans un autre contexte et redémarrer». Et enfin, ne pas hésiter à dire :
«qu’attendez-vous de moi?».
S’ensuivront alors les questions fondamentales : «qu’est-ce que vous voulez
vraiment?». La réponse doit fuser d’elle-même. Et enchaîner avec :
«qu’est-ce que ça va vous apporter?», et là doivent émerger les buts de
l’opération. La question finale est : «comment savoir que vous avez atteint
votre objectif?». En bout de course, on doit pouvoir, si le travail est fait
correctement, visualiser le surplus de valeur créée et voir qu’autour de soi
on est rejoint et soutenu par les siens…
Le management par le changement
Se souvenir que changer exige de préserver les valeurs essentielles de
l’entreprise tout en se fondant sur la modification permanente de la façon
d’agir de ses hommes. Et en modifiant les comportements, on ne doit pas
démotiver les hommes. Veiller à énoncer les règles du jeu et à être
transparent en disant les choses comme elles sont, en énonçant des petites
règles. Parler peu et agir vite. Laisser aux troupes le temps d’apprendre
car c’est en apprenant que l’on réussit à changer. En général, les chefs
d’entreprise, en PME notamment, font du changement souvent par nécessité. Ce
qui est préconisé ici est de le systématiser. Maher Kallel propose une
matrice formelle. Libre au chef d’entreprise, ajoute Philippe Lotz, de la
formater à sa manière et de l’implémenter à sa situation propre sous réserve
de faire du changement sa ligne de conduite et la priorité de sa feuille de
route. Le changement est itératif. Chaque étape nouvelle appelle la
suivante. En y adhérant, l’entreprise se met en logique continue de
croissance et en intelligence avec son environnement.