Quels leçons peut apprendre l’Afrique de l’histoire économique
des pays développés ? Dans une situation de sous-développement qui ne laisse
entrevoir aucun avenir meilleur pour le continent, revoir l’histoire du monde
développé pourrait avoir l’avantage de révéler que ce monde n’était pas aussi
développé que l’on croit. Cette thématique a été discutée lors d’une conférence
organisée le 26 février 2009 par la Banque africaine de développement sur
«l’histoire économique du monde développé : leçons pour l’Afrique» et présentée
par M. Ha-Joon Chang, professeur à l’université de Cambridge.
Pour sortir du sous-développement, des pays comme la
Grande-Bretagne, les Etats-Unis d’Amérique et la France ont adopté à leur début
des politiques protectionnistes pour leurs industries naissantes mais aussi au
niveau de leurs stratégies commerciales. De même pour la réglementation de
l’Investissement direct à l’étranger, des droits de propriété intellectuelle et
des d’entreprises publiques.
Contrairement à ce qu’avancent les économistes néolibéraux, l’ère du
protectionnisme a été fondamentale pour que ces pays passent à l’économie de
marché et au libre-échange. Ce qui revient à dire que le développement
économique de l’Afrique devrait passer par un ajustement structurel des
politiques poursuivies. Il suffit pour cela de voir l’expérience des pays de
l’Asie de l’Est tels que le Japon, la Corée du Sud et Taiwan, qui se sont
développés en appliquant des mesures protectionnistes et interventionnistes.
Impact du néolibéralisme…
Ceci dit, l’adoption du néolibéralisme par les pays africains sans y avoir
été préparés a eu un impact négatif, voire «des résultats désastreux en
Afrique», souligne M. Chang. En effet, en Afrique subsaharienne, le taux de
croissance du revenu par habitant a chuté pour atteindre 0,3% entre 1980 et 2004
alors qu’il était de 1,6% dans les années 60 et 70.
Le redressement que vivent certains pays africains, depuis quelques années,
serait dû à l’envolée des cours des matières premières. «Mais en l’absence de
stratégie industrielle systématique qu’exige le néolibéralisme, très peu de ces
résultats positifs se sont traduits par la transformation structurelle et les
améliorations technologiques nécessaires pour une croissance autonome», a
insisté M. Chang.
Pour lui, le climat, la géographie (l’enclavement et le «mauvais voisinage»),
les tensions ethniques, la mauvaise qualité des institutions, la pauvreté en
ressources humaines (essentiellement en compétences administratives) et la
culture (la passivité et l’incapacité de coopérer) ne justifient nullement le
retard de l’Afrique. Ces obstacles structurels, même les pays développés
d’aujourd’hui les ont connus, même s’ils «donnent l’impression de n’y avoir
jamais été confrontés, tout simplement parce qu’ils ont réussi à se développer
et à acquérir les compétences technologiques, le sens de l’organisation et les
institutions politiques nécessaires pour surmonter ces difficultés», a insisté
le conférencier.
Absence d’une politique stratégique
Il est clair, donc, que l’échec du néolibéralisme serait dû à l’absence d’une
politique stratégique de développement. Loin des spéculations sur les obstacles
structurels qu’une majorité adopte pour justifier le retard de l’Afrique et qui
ne substitue pas cela à l’échec des politiques néolibérales elles-mêmes. Bien
que ces facteurs jouent un rôle dans le ralentissement de la croissance, ils ne
sont nullement un handicap au développement. «De mauvaises conditions
climatiques n’entraînent pas le sous-développement ; au contraire, l’incapacité
d’un pays à surmonter les mauvaises conditions climatiques n’est qu’un symptôme
du sous-développement», a expliqué M. Chang.
M. Chang indique, toutefois, que les contextes nationaux des pays africains
sont très différents de ceux des pays développés. «Les implications politiques
précises à tirer de tel ou tel cas historique dépendront du contexte naturel,
économique, social, politique et culturel spécifique à chaque pays et de ses
objectifs, préférences et aspirations propres», a-t-il ajouté.
Faire preuve d’imagination dans la mise en place de politiques efficientes
serait le gage de développement pour les pays africains. Ajoutons à cela
l’innovation qui joue un rôle fondamental dans la marche vers la croissance.
Pour cela, il est indispensable d’avoir de la patience et un souffle assez long
de la part des générations actuelles mais aussi des générations futures.