Par le passé, l’on a dû parfois autoriser une prolongation
des périodes de soldes à la demande des commerçants, et ce pour deux raisons :
ou que la période légale s’était révélée en deçà des attentes, ou, au contraire,
qu’elle s’était avérée assez juteuse et qu’il aurait été dommage de s’arrêter en
si bon chemin. Dans les deux cas de figure, la prolongation était la bienvenue.
Aujourd’hui, c’est-à-dire à quatre jours de la fin légale de la période des
soldes d’hiver, il n’appartient sûrement à personne, en dehors des commerçants
eux-mêmes, d’extrapoler sur le bien fondé d’une prolongation tant les données
pour les uns et les autres sont fragmentaires, différentes et parfois opaques.
Pourtant, il y a un constat qui, normalement, ne peut tromper : l’euphorie et la
ruée sur les produits qui ont marqué les tout premiers jours de la période des
soldes de l’hiver 2009 se sont émoussées en moins de dix jours. Cela s’explique
de deux manières possibles : le bon choix du démarrage de la période (début du
mois de février, donc les salaires servis), et le fait que le consommateur
tunisien ait pris son élan bien à l’avance, les soldes étant entrés de
plain-pied dans ses traditions. On peut ajouter que pour certains cas, attendre
la deuxième et la troisième démarque ne veut plus rien dire, le mieux étant de
rafler les bonnes affaires à temps.
A partir donc du 15 février, les commerçants se sont mis à miser sur le début
du mois suivant : de l’avis de beaucoup, cela n’a pas donné grand-chose. A se
demander parfois si la période d’un mois et demi n’était pas en soi assez
suffisante, sinon superflue. Bien sûr, l’on ne saurait limiter la période des
soldes à une semaine ou une dizaine de jours, cela engendrerait des bousculades
et des queues interminables devant les magasins. Mais que le début du mois de
mars n’ait rien donné – ou presque –, il faudrait chercher l’explication
ailleurs.
Une offre pléthorique
Pour ne parler que du grand Tunis (mais on sait que c’est aussi valable un
peu partout en Tunisie), il n’est qu’à apprécier le nombre de points de vente de
tous produits confondus et toutes catégories confondues pour se rendre compte
que c’est un miracle inespéré que les soldes aient connu un soupçon de
dynamique. Il y a les souks hebdomadaires (toutes les régions, tous les
quartiers en ont) ; il y a les souks dits de semi luxe (Moncef Bey, souks dits
libyens, etc.) ; il y a – surtout – les fripiers !… Regardez un peu du côté de
certaines artères de la…capitale (rue de Madrid, avenue de Londres, La Fayette,
Bab El Khadhra, Bab Souika, Sidi Abdessalem, El Hafsia, rue Mongi Slim, et l’on
oublie) et dites-vous par quel mystère les commerçants en bonne et due forme
(avec magasin et patente) en arrivent tout de même à vendre un tout petit peu.
Dites-vous que seulement à Den Den (un quartier populaire de près de 30 mille
habitants) il existe…une bonne trentaine de fripiers ! Jamais vous ne seriez
capables d’inventorier tous les fripiers de la capitale et environs. Jamais.
S’il existe (ce n’est qu’un exemple non vérifié) à Tunis et dans les environs
quelque trois millions d’habitants, eh bien il existe à leur disposition trente
millions d’articles tous genres confondus (même les chaussures, même les
sous-vêtements, même les chaussettes, tout, tout !). Un chauffeur de taxi : « A
50 dinars, je vais au fripier m’offrir de quoi nous habiller, moi et mes deux
enfants. Et ce n’est pas du n’importe quoi : c’est du Pierre Cardin, SVP !…
Or, pour 50 dinars, je ne peux qu’offrir une tenue simple à un seul de mes
gosses, et encore !, c’est une tenue qui, au sortir de la machine à laver, est
déjà déteinte et avachie. Non, franchement, je n’ai pas besoin des magasins,
vive la fripe ! ».
Dilemme !
Le plus illustre des économistes du monde ne saura jamais trouver une
solution à l’équation tunisienne. Faudrait-il balayer une fois pour toutes le
marché parallèle ? C’est très facile, mais vous vous retrouveriez – rien qu’à
Tunis – avec plus de 2 500 chômeurs sur les bras ! Ça ne sera nullement amusant.
Faudrait-il tout simplement fermer les yeux ? C’est tout aussi facile, mais ce
sont les magasins – avec patente, loyer et vendeuses – qui en pâtissent le plus.
Que faire ? Et à quoi servent les périodes des soldes dans ce magma commercial ?
Si les soldes, ailleurs en Europe par exemple, marchent bien, c’est parce qu’ils
ne souffrent pas la présence du marché parallèle. C’est – surtout ! – parce que
les produits proposés (fin de stocks ou liquidation ou tout ce qu’on veut) sont
des produits réellement valables, pas de la camelote. A notre humble avis (qui
pourrait s’avérer faux), le seul remède possible pouvant mettre en quarantaine
les produits de la fripe est de conférer au made in Tunisia une tout autre
qualité, forcément meilleure. Car c’est là l’impasse : quand on vous dit qu’un
pantalon Pierre Cardin est proposé à…7 dinars, franchement vous ne devriez plus
discuter. C’est inutile. Vous vous rendez compte : un manteau Cachemire est
proposé dans les magasins à plus de…250 dinars, alors que le même l’est à…35
dinars du côté du fripier ?!… D’ailleurs, comment expliquer qu’à El Hafsia
même, on voit souvent des dames descendre de leur BMW ou Mercedes et aller se
ruer sur les produits de fripe ?
Une chance !
Or, l’on nous dit, malgré tout, que le Tunisien s’est tant et si bien laissé
habitué par les périodes des soldes qu’il s’est mis à laisser de côté un budget
spécial. C’est une chance. C’est une chance inouïe. Mais c’est une chance qu’il
faudrait sauvegarder, préserver et cultiver davantage. Non pas en baissant les
prix de 20 jusqu’à 70 %, mais en offrant de la vraie qualité. Car s’il arrive
(et c’est arrivé, d’où les infractions relevées – voir encadré) que le produit
proposé lors des soldes s’avère une tromperie, ce sera l’adieu aux soldes ! Plus
personne ne s’y fiera.
En attendant, va-t-on passer aux prolongations ?
Composition des produits et quantités mises en vente
Produit | Quantité | Taux |
Costume |
270.393 |
8 % |
Pull |
651.999 |
20% |
Pantalon |
718.267 |
22 % |
Blouson |
402.365 |
12 % |
Manteau – Parka |
453.591 |
14 % |
Autres |
830.143 |
25 % |
Total pièces |
3 326 756 |
Soldes : Caractéristiques 2009
Jusqu’à la date du 14 février dernier, les soldes ont été caractérisés comme suit :
· 1655 entreprises participantes pour 2300 points de vente sur 1885 entreprises
et 2936 points de vente ;
· Démarrage intensif de par la ruée sur les produits ;
· La participation du grand Tunis est estimée à 42 % de l’ensemble des
participations sur le plan national ;
· Le prêt-à-porter et les chaussures ont connu le taux le plus important : 90 %
de l’ensemble des produits de façon générale ;
· Certaines grandes surfaces ont consenti jusqu’à moins 70 et même 80 % ;
Les infractions : 142 cas répartis comme suit :
· ventes promotionnelles illégales : 19
· application de réductions sans déclaration préalable : 42
· non affichage des deux prix (celui d’avant et celui des soldes : 42
· publicité mensongère : 13
· non-respect des taux légaux : 4
· non-respect du prix de référence : 5
· absence d’affichage des taux de réduction : 13
· autres infractions : 3
· visites de contrôle effectuées par les services de la direction générale de la
concurrence et du contrôle économique : 2 351 (une centaine d’équipes).