Le streaming, succès public, pas encore économique

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Page d’accueil du site Deezer

[11/03/2009 17:54:23] PARIS (AFP) L’écoute gratuite de musique sur internet (streaming), dont le site Deezer est l’acteur dominant en France, est souvent citée comme une solution d’avenir pour l’industrie du disque mais son modèle économique ne garantit pas encore une rémunération suffisante pour la filière.

Les défenseurs du projet de loi Création et internet, dont l’examen a commencé mercredi à l’Assemblée nationale, présentent ce système comme une alternative efficace au piratage.

Principal site français basé sur ce service, Deezer est une “success story”, a insisté la ministre de la Culture Christine Albanel devant les députés. Il propose près de 4 millions de titres qu’on peut écouter à la demande sans téléchargement, l’accès à plus de trente webradios et revendique 5 millions de membres. Le mot “Deezer” est la requête qui a connu la plus forte progression sur Google en France, selon le moteur de recherche.

Deezer a conclu des accords avec les ayants droit (maisons de disques et Sacem, pour les auteurs-compositeurs) et les rémunère via un pourcentage de ses recettes publicitaires.

Selon le Snep, le principal syndicat de producteurs, les revenus générés par le streaming en 2008 représentent 3,7 millions d’euros. Un montant faible par rapport au total de 76 millions pour le marché numérique de la musique (incluant le téléchargement sur internet et les téléphones mobiles) et de 606 millions pour le marché global (numérique plus ventes de CD).

“Ces services sont devenus incontournables mais il n’y a pas de modèle économique”, indique à l’AFP le directeur général du Snep, Hervé Rony.

Les acteurs du secteur ne communiquent pas les tarifs. Tout le problème pour les producteurs est de trouver un équilibre dans les montants qu’ils réclament aux sites comme Deezer: ni trop élevés pour ne pas tuer ce modèle dans l’oeuf, ni trop bas pour s’assurer une rémunération.

Ce dilemme se pose avec d’autant plus d’acuité que le système séduit de plus en plus de consommateurs. Orange a annoncé le lancement prochain d’un site gratuit de musique à la demande.

“Pas mal de producteurs craignent que ce modèle se substitue pour une part aux achats de disques ou aux abonnements pour télécharger de la musique, auquel cas on ne peut pas imaginer qu’on accepte des tarifs bas”, souligne M. Rony.

En janvier, au Midem, le président du conseil d’administration de la Sacem, Laurent Petitgirard, avait déploré la faible rémunération issue du streaming pour les auteurs-compositeurs. Il avait affirmé que le morceau le plus écouté sur Deezer (240.000 fois) n’avait généré que 147 euros de droits d’auteur.

La Sacem et Deezer sont en train de renégocier leur accord, arrivé à échéance en décembre. “La Sacem n’a aucunement l’intention de gêner le développement de ces offres alternatives”, assure Catherine Kerr-Vignale, membre du directoire de la société d’auteurs.

De son côté, Deezer se prévaut d’être “un aspirateur à pirates” et parie sur l’avenir.

“Un média ne se construit pas en 18 mois, l’âge de Deezer. Le média est là, l’audience est là, nous avons désormais toutes les cartes en mains pour maximiser la génération de revenus publicitaires”, estime son cofondateur, Jonathan Benassaya. Selon lui, “il va falloir un an ou deux avant de créer des réflexes d’investissements publicitaires massifs sur le site”.

En attendant, Deezer réfléchit à de nouveaux moyens de dégager des revenus. Il va mettre en place des publicités audio sur le site et veut créer une offre pour les téléphones mobiles qui, elle, sera payante.