éricain Bernard Madoff à son arrivée au tribunal de New York, le 12 mars 2009 (Photo : Timothy A. Clary) |
[21/03/2009 13:05:55] NEW YORK (AFP) “Meurtrier!”, “violeur!”, “diable!”: Bernard Madoff est resté en prison vendredi après le rejet de sa demande de remise en liberté, et des dizaines de lettres publiées par le parquet montrent l’ampleur du ressentiment des victimes de l’escroc.
Les avocats du financier déchu, qui a été incarcéré le 12 mars après avoir plaidé coupable de 11 chefs d’inculpation de fraude “pyramidale” massive portant sur quelque 50 milliards de dollars, avaient fait appel de la décision, arguant que leur client ne pouvait ni nuire ni fuir.
Ils demandaient que Bernard Madoff, âgé de 70 ans et qui encourt jusqu’à 150 ans de prison, puisse attendre l’énoncé de la sentence – prévu le 16 juin – à son domicile, un appartement de 7 millions de dollars situé dans l’Upper East Side, un quartier huppé du nord est de Manhattan. Madoff y a déjà passé trois mois assigné à résidence depuis son arrestation le 11 décembre.
Mais les trois juges de la cour d’appel ont accepté les arguments du procureur, qui avait estimé que la libération n’était pas souhaitable parce qu’une fuite à l’étranger n’était pas à exclure, étant donné la gravité de la condamnation attendue, qui pourrait lui faire passer le reste de sa vie en prison.
“L’âge de l’accusé et l’inéluctabilité de son emprisonnement sont des éléments incontestables, et le tribunal ne s’est pas trompé en déduisant qu’il pouvait être tenté par la fuite”, a indiqué la cour dans les attendus de sa décision.
Quelques heures après le rejet de l’appel vendredi, le tribunal a publié des dizaines de courriels et de lettres adressées à la cour avant l’audience du 12 mars , où les victimes avaient été autorisées à prendre la parole.
édias, le 12 mars 2009 à New York (Photo : Timothy A. Clary) |
“Mon mari et moi avons survécu au cancer, et maintenant nous devons survivre à ce désastre qui touche chez nous quatre générations. Nous avons perdu économies, maisons, retraites, éducation des enfants”, lit-on dans un courriel dont le nom de l’expéditeur a été barré d’un trait de feutre noir. “Ne faites pas affaire avec le diable!”, conseille l’auteur qui veut que Madoff “paye pour ses crimes”, comme “chaque membre de sa famille”.
“Vous êtes un meurtrier, vous êtes un violeur, vous devez être exempt de toute émotion humaine pour avoir agi de cette façon”, lit-on ailleurs, parmi une multitude de chiffres de sommes gagnées, de biens investis et perdus vraisemblablement à tout jamais.
Certains s’en sortent et n’ont pas tout misé sur Madoff, d’autres semblent plus mal lotis, et les courriels égrènent une litanie de maisons abandonnées, de vieillesses gâchées et de petits-enfants injustement privés d’université.
Tous ont une dent contre la SEC, l’autorité boursière américaine accusée de n’avoir pas flairé l’arnaque même lorsqu’elle lui a été présentée avec insistance.
“Honorable juge, dans certains cas des gens innocents sont contraints de tout vendre (…) et pas une seule fois qui que ce soit n’a voulu mener à terme une enquête”, s’indigne une victime dans une lettre. “En dix ans personne n’a pu vérifier ce qu’en quatre heures, armé d’une seule calculatrice, Henry Markopoulos, un analyste financier, avait trouvé”, écrit un autre plaignant.
La SEC avait jugé que les plaintes de Henry Markopoulos n’étaient pas fondées et ne méritaient pas approfondissement.
“J’ai mis ma maison en vente, à un âge avancé je dois travailler sept jours sur sept et je n’ai plus de vie devant moi”, écrit un investisseur grugé.
“Mais lorsque vous condamnerez Madoff, songez que bon nombre d’entre nous vivront désormais dans leurs prisons intérieures, à cause de ce même Madoff”, conclut-il.