La loi portant création de l’Institut national des grandes cultures vient
d’être promulguée (16 mars 2009). Officiellement, cet Institut va regrouper
les structures administratives intervenantes dans le secteur céréalier et
aura pour mission de promouvoir la filière des grandes cultures et activités
liées. L’objectif est d’améliorer le rendement, la productivité et la
compétitivité de la filière ainsi que les revenus des céréaliers.
Cet Institut est le fruit de ce qu’on appelle l’apprentissage par le choc.
Les pouvoirs publics ont tiré la leçon de la flambée qu’ont connue récemment
les cours mondiaux des denrées alimentaires et décidé de tout faire aux fins
de se prémunir, de manière pérenne, de leurs effets pervers, de garantir la
sécurité alimentaire du pays, de réaliser l’autosuffisance en céréales, et
partant, de dissuader l’importation.
Empressons-nous de signaler que cet Institut n’est pas une fin en soi. C’est
tout juste une composante de toute une stratégie visant à promouvoir la
céréaliculture à travers la promotion de la recherche (création d’un
technopole au nord-ouest), l’extension de la céréaliculture irriguée à 120
mille hectares et la réalisation de l’objectif de porter le rendement à
l’hectare à 50 quintaux.
La priorité sera donnée, à travers cet institut, à la recherche appliquée,
au travail de terrain, à la communication avec les agriculteurs et à la
vulgarisation des techniques céréalières et à la concrétisation des
connaissances théoriques.
L’Institut sera en quelque sorte un trait d’union entre les institutions de
recherche et les organisations professionnelles.
Concrètement, il s’agit de maîtriser au mieux les techniques culturales
céréalières : encadrement des techniciens et céréaliers, préparation de la
terre, emblavage, fertilisation, mécanisation agricole, traitement des
cultures, stockage des céréales, utilisation des semences améliorées,
promotion de la céréaliculture irriguée en fonction de la disponibilité des
ressources hydriques, de la nature du sol et des conditions climatiques qui
prévalent, d’ordinaire dans les zones et autres.
Au plan institutionnel, l’institut absorbera le Centre technique des
céréales avec ses actifs, effectif et équipements.
Les objectifs assignés à cet institut ne font pas, toutefois, l’unanimité.
Contrairement aux autorités agricoles qui y voient une réalisation
stratégique, d’autres n’y voient même pas l’utilité compte tenu de
l’inflation des structures chargées de la même mission (Commissariat au
développement agricole, centres de recherche, instituts agronomiques (INRAT,
INAT…).
Les représentants des céréaliers, par la voix du président de l’Union
tunisienne des agriculteurs et de la pêche (UTAP), M. Mabrouk El Bahri, ont
insisté pour que les professionnels soient des partenaires à part entière
dans la conception des programmes de l’Institut et de la gestion de ses
activités. A propos de cette question, le ministre de l’Agriculture et des
Ressources hydrauliques, M. Abdessalem Mansour, a été très clair. Il a
déclaré que la profession sera fortement impliquée dans la gestion de
l’Institut et sera même en mesure d’opposer son veto contre des programmes
qu’elle jugerait contreproductifs pour les céréaliers.
Quant aux députés et conseillers qui ont débattu la loi, ils ont mis
l’accent sur l’enjeu de conférer à l’activité de l’Institut une dimension
pratique et une efficience visible au triple plan de l’accroissement de la
production des céréales, de l’amélioration des qualifications et du
relèvement des revenus des céréaliers.
La conseillère Chedlia Othman a demandé des éclairages sur l’utilité de
créer cet institut alors que la filière céréalière est copieusement encadrée
par moult structures. Elle a ajouté que les véritables problèmes auxquels
buttent les céréaliers consistent avant tout dans leur endettement et dans
la carence de l’assurance agricole.
Le conseiller Mohamed Jalel Rouissi estime que l’Institut se doit de
dépasser le conjoncturel pour constituer des stocks stratégiques, tandis que
le sénateur Rachid Sfar s’est interrogé sur l’intérêt de charger l’Institut
d’élaborer des études alors que sa mission essentielle consiste à exploiter
et à valoriser les travaux de recherche.
Côté projections, l’Institut est appelé à contribuer à la mise en œuvre de
la stratégie arrêtée par l’Etat en vue de réaliser, dans un délai de 5 ans,
d’une moyenne de production annuelle de l’ordre de 27 millions de quintaux.
Ce volume de production sera assuré, entre autres, à hauteur de 6 millions
de quintaux par les périmètres irrigués, 10,5 millions de quintaux dans les
régions humides et semi-humides, 4 millions de quintaux dans les régions
semi-arides et méridiennes et 3,5 millions de quintaux dans les basses
régions semi-arides.