Le débat sur les bonus aux patrons, reflet des inquiétudes du moment

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à Paris (Photo : Francois Guillot)

[28/03/2009 17:17:37] PARIS (AFP) Alimenté par des révélations en cascade, le débat sur la rémunération des dirigeants d’entreprise en temps de crise a poussé l’exécutif à promettre d’intervenir, mais il est aussi devenu le reflet des difficultés et inquiétudes du moment.

Stock-options à la Société générale ou chez GDF Suez, parachute doré chez Valeo, bonus dans une filiale du Crédit Agricole (Cheuvreux), chez Natixis… Alors que la crise se fait de plus en plus aiguë, avec son cortège de licenciements, la presse révèle quasiment chaque jour des cas de rémunérations exceptionnelles.

Toutes les situations ne se valent pas: si la Société générale -comme Valeo, Cheuvreux ou Natixis- a profité des aides de l’Etat pour faire face à la crise, ce n’est pas le cas du groupe GDF Suez, largement bénéficiaire. Il n’empêche: les dirigeants de l’une et de l’autre ont finalement renoncé à leurs rémunérations exceptionnelles, perçues dans l’opinion comme autant d'”affronts” en temps de vaches maigres.

Le président Nicolas Sarkozy, qui dénonçait à l’automne dernier le “capitalisme perverti” et fustigeait de nouveau, mardi à Saint-Quentin (Aisne), les parachutes dorés, mais sans rien proposer pour s’y lutter contre, semble avoir pris la mesure du danger. “Les dégâts” de ces affaires sont “considérables”, a-t-il reconnu mercredi devant les députés UMP réunis à l’Elysée.

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à Saint-Quentin, le 24 mars 2009 (Photo : Gérard Cerles)

Le lendemain, l’Elysée tranchait en faveur d’un décret interdisant les rétributions exceptionnelles pour les dirigeants d’entreprises recevant des aides publiques. Décision aussitôt dénoncée par la gauche, favorable à une loi, dont le vote aurait été précédé d’un débat au Parlement.

Vendredi matin, le secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant, invité devant le Club des Vigilants, un club de réflexion indépendant, a précisé que s’il s’avérait juridiquement impossible de passer par la voie réglementaire, le gouvernement légifèrerait, par la voie d’un amendement à la loi de finances rectificative 2009.

Tout en jugeant “anormal, amoral que les aides publiques servent à l’enrichissement privé”, le bras droit du président Sarkozy a toutefois tenu à souligner qu’il “ne fallait pas tout mélanger” en matière de rémunération des dirigeants.

S’il a salué le fait que ceux de GDF Suez aient renoncé à leurs rémunérations face à la grogne, il n’en a pas moins estimé “normal qu’il y ait des stock-options dans les entreprises créatrices de richesse et d’emploi qui ne demandent rien à l’Etat”.

Et alors que le Medef plaide pour “l’auto-régulation” et traîne des pieds sur la question, il a souligné qu’il “ne s’agit pas de mettre en place une grille des rémunérations privées”.

Les décisions au plus haut niveau concernant les rétributions des dirigeants d’entreprise interviennent alors que la contestation sociale semble se radicaliser, comme chez Sony, Continental, La Poste ou l’usine 3M de Pithiviers (Loiret) dont le directeur a été brièvement séquestré, le tout sous le regard compréhensif des syndicats.

Stéphane Rozès, directeur général de l’institut CSA, ne croit pas pour autant que le pays veuille “un nouveau mai 68 ou décembre 95”. Mais “il peut y avoir des agrégations de désespérance” autour de questions symboliques comme les rémunérations, affirme le politologue.

Selon lui, “l’instabilité sociale et politique est renforcée d’une part par la difficulté du président à rassembler les Français au travers un projet commun, de l’autre par le fait que le Parti socialiste n’apparaisse pas, pour le moment, comme une alternative”.