à Mondeville de croix blanches plantées par des salariés devant le site l’équipementier automobile Valeo (Photo : Mychele Daniau) |
[30/03/2009 14:58:32] PARIS (AFP) La polémique sur les rémunérations excessives des dirigeants risque d’accentuer la fracture entre entreprises et salariés au moment où nombre de Français craignent de perdre leur emploi, mettent en garde politiques, experts et même certains représentants du patronat.
Face au tollé suscité par les émoluments des patrons de sociétés aidées par l’Etat, le gouvernement a rendu public lundi un décret visant à les encadrer jusqu’en 2010.
Un geste qui ne suffirait pas, à en croire certains. Ainsi, pour l’ancien numéro un du PS, François Hollande, la “démesure” de quelques grands dirigeants entraîne une “radicalité qui monte dans la société à l’égard des chefs d’entreprise”.
La présidente du Medef, Laurence Parisot, a tenté de monter au créneau pour marteler que son mouvement ne se reconnaissait pas dans les comportements excessifs de ces dirigeants qui “bafouent” les patrons de PME.
Pour le directeur général du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), Robert Rochefort, il y a bien “un décrochage de la part des dirigeants de PME qui ne s’identifient pas du tout” aux grands PDG.
à Paris le 24 mars 2009 (Photo : Mehdi Fedouach) |
Ils sont “choqués”, confirme à l’AFP Jean-François Roubaud, le président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), rappelant que “leur salaire moyen est de 4.200 euros”.
Dans une lettre envoyée lundi au président Nicolas Sarkozy, il juge “aujourd’hui évident que quelques dirigeants, cloîtrés dans une tour d’ivoire qui les empêche de réaliser le caractère choquant de leur comportement, nuisent à l’image (…) de tous les chefs d’entreprise”.
D’autres représentants du patronat ont exprimé leur inquiétude. Le président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), Frédéric Saint-Geours, a estimé samedi qu’un décret du gouvernement permettrait d'”éviter que la déchirure ne s’accroisse” entre la société et les entreprises.
Lundi, c’est le directeur général de Crédit Agricole, Georges Pauget, qui a jugé “compréhensible que l’étalage des rémunérations provoque une émotion”.
“Il y a en France un risque de fracture avec l’opinion autour du thème de l’argent”, a-t-il ajouté dans une interview au Parisien.
Pour Robert Rochefort, la polémique actuelle risque en effet d’entraîner un “dégoût, une perte de confiance dans les grands leaders”, ainsi qu’une “défiance plus forte de l’opinion vis-à-vis du pouvoir de l’argent”.
à Pithiviers. (Photo : Alain Jocard) |
“Ca donne une très mauvaise image des élites économiques”, estime aussi Henri Weber, député PS européen. Pour ce spécialiste du monde patronal, “on a longtemps expliqué aux salariés qu’ils devaient consentir d’énormes sacrifices pour garder leur emploi et que s’ils voulaient de bons patrons, il fallait les payer sans cesse un peu plus”.
“Ce système a fonctionné tant qu’il paraissait relativement efficace mais depuis la crise et la montée du chômage, il s’avère totalement injuste et irrationnel”, juge-t-il.
Signe du fossé grandissant entre patrons et salariés, le PDG de Sony France et un dirigeant de l’usine 3M-Santé, ont récemment été retenus dans leurs bureaux par des employés mécontents après l’annonce de plans sociaux.
Le risque d'”incompréhension actuelle est dangereux”, estime Gontran Lejeune, président du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD), qui prône davantage de pédagogie. “On ne dit pas assez, par exemple, que de nombreux patrons ont diminué leurs salaires pour faire face à la crise”, indique-t-il.