Oui, dans l’absolu, bien sûr ! Qui dira le contraire ?
Seulement, dans l’ici-bas empirique au sein duquel nous vivons, les paroles et
les actes ont des statuts foncièrement différents. D’une manière radicalement
non accessoire, ce sont nos actes qui ponctuent nos paroles et les prouvent au
moment où n’importe quel Tunisien éduqué vous jurera ses grands Dieux, sans
broncher, qu’il tient le théâtre tunisien en la plus grande estime et qu’il juge
le sujet comme capital pour la personnalité et la culture de nos concitoyens.
Mais voilà, les Tunisiens ne vont presque plus au théâtre (le ‘’presque’’
exclut quelques rares pièces à grand succès populaire) ! Alors, comment redonner
à César ce qui appartient à César, comment redonner la place qui lui sied à ce
théâtre dont Barrault disait qu’il ‘’…est le premier sérum que l’homme ait
inventé pour se protéger de la maladie de l’Angoisse’’ ?
Ce n’est pas faute de moyens alors que l’aide à la production du secteur
professionnel a atteint 800.000 dinars (totalisant 52 productions) en 2008 et
que des subventions d’encouragement estimées à 120.500 dinars ont été déboursées
au profit de 58 associations du secteur amateur. Voire, en matière d’acquisition
de représentations théâtrales, 1,45 million de dinars ont été réservés au
secteur professionnel (pour 780 projets) et 530.000 dinars consacrés au secteur
amateur (pour 650 pièces).
Ce n’est pas faute de rareté de gens du théâtre, ni de manque de production,
non plus. Nous avons 163 troupes professionnelles (qui ont joué 91œuvres
théâtrales professionnelles en 2008) et 210 associations de théâtre amateur (qui
ont produit 90 pièces la même année).
Ce n’est certainement pas faute de soutien moral alors que c’est le chef de
l’Etat en personne qui vient encore une fois, à l’occasion de la célébration de
la Journée mondiale du théâtre, d’exprimer toute sa considération à l’ensemble
des travailleurs et créateurs, hommes et femmes du théâtre tunisien et toute sa
confiance en leur détermination à faire preuve de plus de génie et de création
et à impulser notre œuvre culturelle dans le sens de plus larges perspectives
sur les scènes régionale et internationale.
Ce qui nous manque, en définitive, c’est qu’enfin chacun d’entre-nous
ressente le besoin civilisationnel, impérieux et organique de donner une place
définitive au théâtre dans notre vie pour qu’il y ait foule autour des salles.
Ce qui nous manque, c’est d’être convaincus, comme Victor Hugo, que le théâtre
doit faire de la pensée le pain de la foule !