Les poupées russes font grise mine dans une Russie en crise

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ées russes suyr un marché à Sergiev Posad, au nord-est de Moscou, le 3 novembre 2005 (Photo : Mladen Antonov)

[31/03/2009 08:24:28] SEMENOV, Russie (AFP) L’ambiance est morose dans la plus grande fabrique artisanale russe de poupées gigognes, ces figurines souriantes symboles de la Russie, car la crise économique mondiale a frappé jusqu’à Semenov à 500 kilomètres à l’est de Moscou.

Cette petite ville de 26.000 habitants dans la région de Nijni-Novgorod vit en grande partie de ses poupées russes et de vaisselle en bois peint depuis 1916, date de la création de la fabrique Khokholmskaïa Rospis, laquelle emploie aujourd’hui 1.140 personnes.

Mais, crise oblige, la demande a chuté ces derniers mois et les ouvrières ont dès lors dû accepter de travailler à temps partiel et en échange de salaires réduits, explique le patron de la fabrique, Nikolaï Korotkov.

“Notre entreprise a ressenti la crise à la fin de l’année dernière. En novembre-décembre, les ventes ont chuté de 20%, ce qui nous a forcés à réduire la production cette année”, explique le PDG de l’entreprise.

“Les poupées, ce n’est pas vraiment le pain quotidien, ce ne sont pas des vêtements: on peut s’en passer”, résume-t-il.

Dans ces conditions, les ouvrières, dont beaucoup ont consacré leurs vies à ces figurines multicolores représentant généralement des paysannes endimanchées, se demandent désormais de quoi l’avenir sera fait.

“Tout va mal, on ne vit plus, on survit. J’ai deux enfants et quatre petits-enfants mais les jeunes ne savent pas où aller (pour trouver du travail), cette incertitude fait peur”, explique Valentina Petrovna, 55 ans, qui peint des poupées russes depuis quatre décennies.

“C’est la période la plus difficile. A la chute du communisme (et de l’URSS en 1991) on ne nous payait pas à temps, mais on savait qu’on finirait par recevoir notre salaire. Mais maintenant, si l’on travaille un jour, on ne travaille pas les deux suivants”, se lamente-t-elle.

Une incertitude aux conséquences douloureuses: désormais, les

ouvrières doivent se contenter de quelque 3.000 roubles mensuels (environ 65 euros), alors qu’elles gagnaient le double il y encore quelques mois.

“On économise sur l’alimentation. Les fruits coûtent très cher, alors on en achète moins. La viande, on a laissé tomber. On ne mange que ce qu’on fait pousser dans le potager”, témoigne Antonina Tchertichieva, qui depuis 27 ans travaille dans l’usine de Semenov.

Une situation qui est loin d’être unique dans le pays: selon une étude de la banque d’investissement Renaissance Capital publiée en février, les Russes ont consacré au second semestre 2008 environ 75% de leur revenu à l’alimentation, le niveau le plus élevé depuis la crise économique de 1998 lorsque la Russie s’était retrouvée en défaut de paiement.

Le patron de l’usine de “matriochka” (poupées russes, ndlr) essaye cependant de rester quelque peu optimiste, il veut croire que la crise économique sera brève, et compte sur des allègements fiscaux promis par le gouvernement russe.

“Nous sommes optimistes, la crise finira un jour”, assure M. Korotkov, qui promet de ne licencier aucune ouvrière. “Pour former nos artisans il faut des années de travail méticuleux. Et puis Semenov est une petite ville, il leur serait très difficile de trouver un autre emploi”.