Jassim El Manai, président du F.M.A : “Nous sommes identifiés au pétrole, nos réalisations industrielles sont méconnues”

Jassim El Manai, président du Conseil d’Administration du
Fonds monétaire arabe, ne pense pas que les marchés arabes du Golfe aient été
atteints en profondeur par la crise financière. Il a pourtant déclaré à la fin
de l’année dernière à Tunis : «cette crise aura des répercussions sur l’économie
réelle en raison, notamment, de la baisse continue des cours du pétrole sur le
marché mondial et du déclin des royalties, ce qui entraînera, si ce n’est déjà
le cas, une très importante réduction des investissements destinés aux
différents secteurs économiques dans les pays du Golfe».
Ce n’est pas exactement ce qu’il nous dit dans l’interview ci-après.

 

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: Les marchés financiers des pays du Golfe ont perdu 200 milliards de $ dès
le déclenchement de la crise. Quelle explication pouvez-vous apporter à une
telle débâcle ? N’est-il pas temps de prendre du recul par rapport à vos
alliances stratégiques avec les marchés occidentaux ?

Jassim El Manai: La raison de ces pertes ne relève pas essentiellement
des liens des marchés financiers des pays du Golfe avec les marchés
internationaux. En fait, toutes les sociétés cotées sur les marchés
boursiers dans les pays du CCG (Conseil de coopération du Golfe) sont en
bonne santé. Le facteur psychologique a été pour beaucoup dans la baisse
relevée au niveau de certaines Bourses. La raison étant que l’économie
réelle peut en pâtir sans oublier la régression significative du prix du
pétrole qui a un impact certain sur les économies des pays du Golfe. Ces
pays, dont les revenus des exportations des hydrocarbures, constituent une
composante importante sinon capitale de leurs économies et qui ont un
impact direct sur les dynamiques des marchés. Cette récession est donc la
résultante des peurs des entreprises cotées en Bourse qui s’inquiétaient du
fait que la crise pouvait influer sur les programmes gouvernementaux pour
la réalisation de nouveaux projets d’investissement.

Oui, mais nous avons remarqué que des investisseurs étrangers ont retiré
leurs fonds des marchés boursiers du Golfe.

Ils ne sont pas aussi nombreux que vous le pensez. Les pays du Golfe
disposent de grandes liquidités et ne sont pas comme les pays pauvres
tributaires des capitaux extérieurs et de leurs exportations.

Vos investissements aux Etats-Unis ont été gravement touchés ?

Ce ne sont pas uniquement les investissements des pays du Golfe mais ceux
du monde entier qui ont été atteints, et en premier lieu américains et
européens.

Cette crise incitera t-elle l’investisseur du Golfe à changer ses
orientations en matière d’investissements ?

Il est évident qu’elle appelle à une remise en cause non pas des choix
des pays du Golfe en matière d’investissement mais également de ceux des
tous les autres. Mais que ce soit clair, les marchés occidentaux sont très
importants pour nous, nous ne prendrons jamais le risque d’y perdre notre
positionnement. Ceux qui s’imaginent que nos pays changeront de cap et que
nos investisseurs orienteront leurs investissements différemment se
trompent. Ceci dit, nous serons plus vigilants dans l’avenir.

Comptez-vous diversifier vos investissements de manière à ce qu’ils ne se
limitent pas à l’immobilier et aux marchés financiers et qu’ils ne comptent
pas uniquement sur les richesses pétrolières ?

Ce que vous dites là n’est pas exact. Nous investissons dans différents
secteurs et pas uniquement dans ceux liés au raffinage du pétrole.
Savez-vous que nous possédons une industrie d’aluminium des plus prospères
au monde ? Le problème est que les gens ne voient en nous que des
producteurs de pétrole.

C’est peut-être votre faute, vous ne faites pas d’efforts pour que les
gens vous voient autrement.

La méprise est dans le regard qu’on pose sur nous et sur notre industrie,
on a l’impression qu’on sous-estime nos réalisations industrielles.

Pouvons-nous nous attendre à plus d’investissement de la part des pays du
Golfe dans les pays du Maghreb ?

Les pays du Golfe ont toujours investi en Tunisie, au Maroc et en
Algérie. Et maintenant plus que jamais et en raison de la crise, nous
comptons revoir nos stratégies dans le sens de plus d’investissements dans
les pays du Maghreb.

Vos monnaies resteront-elles toujours indexées au $ américain ?

Le dollar américain est une monnaie internationale. Si la Chine, qui est
une puissance économique, en use dans ses échanges commerciaux (ce n’est
plus évident aujourd’hui), voulez-vous qu’on le remette en question? C’est
la monnaie des investissements, des transactions financières et du commerce
international. Et à propos, le jour où l’euro donnera la preuve qu’il est
une meilleure monnaie d’échange, nous changerons peut-être d’orientation.