Les “patrons voyous” dans le collimateur de la justice

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éalisée le 12 janvier 2004 de la cour intérieure du Palais de justice de Paris (Photo : Joël Robine)

[07/04/2009 07:14:18] PARIS (AFP) Alors que la crise frappe durement les salariés, les “patrons voyous” subissent de manière plus systématique les foudres de la justice, une fermeté revendiquée tant par le parquet de Paris que par la Chancellerie.

Tout en refusant de commenter le procès des repreneurs de l’usine Samsonite de Hénin-Beaumont qui s’est achevé lundi à Paris, on reconnaît volontiers à la Chancellerie, qu'”en cette période de difficultés économiques, la vigilance est accrue” envers les patrons indélicats.

“Les procureurs sont extrêmement vigilants”, témoigne le porte-parole du garde des Sceaux, Guillaume Didier. “Il y a des enquêtes pénales et des poursuites systématiques avec des réquisitions d’une particulière fermeté à l’égard de ces délinquants qui non seulement violent la loi, mais trahissent aussi la confiance de leurs salariés et mettent en péril l’emploi.”

La dégradation, depuis quelques années, des conditions économiques et sociales “permet d’autant plus de stigmatiser ce genre de comportement”, appuie un représentant du parquet de Paris.

“La lutte contre les patrons voyous est devenue prioritaire”, reconnaît-il. “Les faits sont déjà graves en soi, mais ils semblent encore plus choquants dans la période actuelle”, complète-t-il, avant d’évoquer le dossier Samsonite, “emblématique” de cette évolution.

Réclamant des “condamnations exemplaires”, le procureur Patrice Amar a eu la main lourde mercredi, requérant des peines allant jusqu’à 3 ans de prison ferme avec mandat de dépôt à l’audience.

L’ancien PDG Jean-Jacques Aurel et l’ex-secrétaire général Jean-Michel Goulletquer sont soupçonnés, avec quatre autres prévenus, d’avoir provoqué la faillite de l’usine et entraîné le licenciement de ses 205 salariés.

“C’est une histoire de dingues, ça ne tient pas la route”, a dénoncé lundi devant le tribunal correctionnel de Paris l’avocat de M. Goulletquer, Me Eric Hemmerdinger.

“Il y a 200 personnes sur le tapis, (…), c’est inhumain pour ceux qui le vivent”, a-t-il reconnu, “mais la réponse n’est pas forcément judiciaire, ça peut être la faute à pas de chance”, a-t-il plaidé.

“On veut trouver un responsable pénal à toute situation et on arrive en pleine folie!”, a-t-il conclu, en brocardant “un lynchage annoncé”.

“C’est beaucoup plus facile de parler de patrons voyous que d’admettre que cette entreprise a périclité pour d’autres raisons, notamment conjoncturelles”, a renchéri le conseil de M. Aurel, Me Cédric De Kervenoaël.

Selon lui, l’enquête du parquet, uniquement à charge, a été “mal ficelée”. “On veut aller au bout d’un scénario qu’on a bâti”, a-t-il tempêté, en stigmatisant “une parodie d’instruction”.

Autre son du cloche au parquet où l’on se félicite de la procédure d’enquête préliminaire. “On a voulu faire vite et bien car il s’agissait du licenciement de plus de 200 personnes dans des conditions très frauduleuses”, souligne le représentant du parquet, convaincu de la nécessité d'”une justice rapide et efficace sur ces comportements qui ne sont pas admissibles”.

Les repreneurs ne doivent pas être “un os à ronger”, lui répond Me De Kervenoaël. Ils ne doivent pas être les “boucs émissaires” de salariés en colère.

A ses yeux, les tribunaux doivent trouver la force de résister à cette colère, et de statuer avec raison car, comme le dit Sénèque, “la raison veut décider ce qui est juste, la colère veut que l’on trouve juste ce qu’elle a décidé.”