Les scandales d’espionnage de salariés se multiplient en Allemagne

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és discount Lidl (Photo : Mychèle Daniau)

[08/04/2009 07:28:21] BERLIN (AFP) Deutsche Telekom, Deutsche Bahn, Airbus, Lidl: les scandales d’espionnage de salariés se multiplient ces derniers mois en Allemagne et d’autres ne sont pas à exclure, selon des experts, à l’heure où les entreprises choisissent de faire le ménage en interne.

La dernière affaire en date concerne le discounter Lidl, qui a rassemblé des données sur la santé de certains salariés, avec des commentaires tel que “veut tomber enceinte, fécondation ne fonctionne pas”.

Le groupe souabe a reconnu les faits et a immédiatement licencié son responsable pour l’Allemagne, Frank-Michael Mros.

Mais le mal était fait. Car Lidl n’en est pas à son premier coup: l’an dernier, il avait chargé des détectives privés de surveiller ses salariés avec des micro-caméras, ce qui lui avait valu une amende de 1,5 million d’euros.

D’autres grands groupes allemands ont avoué ces derniers mois avoir espionné leurs salariés.

Le géant des télécommunications Deutsche Telekom a comparé des données de journalistes et de membres de son conseil de surveillance, pour trouver l’origine des fuites sur des informations internes.

Les chemins de fer, la Deutsche Bahn, ont été touchés par une histoire similaire et en plus, ont comparé des données privées de salariés et de sous-traitants au nom de la lutte contre la corruption, ce qui a fini par coûter son poste à leur patron, Hartmut Mehdorn.

Au début du mois, c’était au tour d’Airbus Allemagne de reconnaître avoir fait de même entre 2005 et 2007. Un audit n’y aurait rien trouvé de répréhensible.

Comment expliquer cette série noire? Après l’explosion des premières affaires l’an dernier, “on assiste à un effet boule de neige”, estime Thilo Weichert, préposé à la protection des données dans l’Etat régional de Schleswig-Holstein.

Ainsi, c’est Airbus lui-même qui a annoncé avoir trouvé traces de telles pratiques après une enquête en interne. Cela montre que les entreprises sont devenues conscientes que de tels scandales “peuvent porter atteinte à leur image”, explique M. Weichert, ce qui les pousse à “chercher des cadavres dans les placards”.

Avec la démission du patron de la Bahn, “les managers ont aussi réalisé qu’ils peuvent perdre leur poste”, ajoute Peter Wedde, professeur à l’université de Francfort sur le Main.

Du coup, d’autres cas pourraient émerger, selon M. Weichert, qui pense que ceux des derniers mois ne sont “que la partie émergée de l’iceberg”.

Même constat de M. Wedde, pour qui les cas d’espionnage de salariés sont “plus banals qu’on pourrait le penser”, à l’heure où les moyens techniques permettent de comparer facilement des banques de données.

Lutte contre la corruption ou contre le vol: les raisons qui poussent les entreprises à se pencher de trop près sur la vie privée de leurs salariés sont diverses. Le problème est qu’elles ne sont pas toujours conscientes “de commettre un acte criminel”, juge M. Weichert.

Le cas de Lidl est toutefois différent, selon M. Wedde: “il ne faut pas avoir fait des études de droit pour savoir qu’il est interdit de collecter des données sur la santé des employés”.

La question de la protection des données personnelles est aussi particulièrement sensible en Allemagne, “pour des raisons culturelles et historiques”, rappelle M. Weichert. Après les expériences du IIIe Reich et de la RDA, “les gens savent très bien ce que la surveillance par un Etat (ou une entreprise) peut signifier pour la vie des citoyens.”