Sans numéro GSM, vous n’êtes plus personne ! Aujourd’hui, les portables font la
recette des opérateurs téléphoniques et des vendeurs de téléphones de la place.
Ils nous rendent bien des services, meurtrissent nos budgets et ruinent, au
passage, quelques vies.
Il faut reconnaître que le mobile nous est venu sans modèle comportemental
préétabli, sans mode d’emploi, ni règles de politesse et d’usages. Les
comportements se sont inventés au fur et à mesure, dans le quotidien. Certains
n’ont fait que perpétuer les «mauvaises manières» sociétales qui caractérisent
notre société, les amplifiant et dopant presque par une nouvelle forme de
voyeurisme malsaine et stupéfiante.
Aviez-vous besoin de savoir que le ragoût de pommes de terre de la veille de la
dame à la jupe grise, assise devant vous dans la salle d’attente du médecin
manquait de sel? Durant plus de quinze minutes de conversation téléphonique, la
dame s’étale et fait des remontrances à sa cuisinière en précisant la liste des
tâches ménagères de la journée. Elle demande, entre autres, que l’on change les
couches de sa belle mère alitée et que l’on donne à la chatte quelque chose à
manger. J’en conviens, ce n’est pas bien méchant ! Êtes-vous obligé pour autant
de supporter des heures entières des conversations désagréables, intimes et
inintéressantes parce que l’espace dans lequel vous vous trouvez vous l’impose ?
Je vous accorde que des incidents de ce genre sont tellement fréquents qu’à la
limite on s’en accommoderait ! Et puis il n’y a pas mort d’homme !
Ce dont je sois moins sûre, c’est de savoir si vous seriez ravi que le
professeur de musique de votre jolie adolescente de 15 ans ait son numéro de
portable. Seriez-vous tranquillisé de savoir que le joli minois ou la filiforme
silhouette de votre fille sert de fond d’écran au téléphone portable d’un voyou
peu recommandable qu’elle ne connaît pas ?
Je ne sais si, comme moi, chaque fois que vous sortez dîner entre amis, vous
n’êtes pas stressés de retrouver vos photos sur Facebook le lendemain ? Je ne
serais pas étonnée que vous ayez dans votre entourage immédiat quelqu’un que
l’on a filmé ou photographié à son insu.
La maladresse ou la volonté de détruire peut aller jusqu’qu’a faire circuler des
images volées sur des adresses professionnelles en vue de porter atteinte à
autrui. Les dérapages se vivent au quotidien et ils peuvent virer aux
cauchemars.
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Loin de moi l’idée de jouer dans un vieux registre «pur jus», mais je ne
comprends pas pourquoi je dois subir une sonnerie désagréable dans un cinéma?
Pourquoi devrais-je me sentir mal à l’aise dans un concert, à cause d’un
irrespectueux personnage qui n’éteint pas son téléphone et prend des photos d’un
artiste qui a précisé ne pas vouloir être photographié ?
Dans l’univers scolaire, le phénomène se propage à grande vitesse et les
dérapages sont alarmants. Il arrive même que les services de sécurité s’en
mêlent et se mettent à la recherche de l’origine de scènes filmées à l’aide des
téléphones portables montrant des spectacles à la limite de la pornographie. Il
est fréquent que des lycéens soient dénigrés et mis à mal à cause de films
tournés à leur insu. Il arrive que des vies innocentes payent le prix fort d’une
utilisation malveillante montrant des agressions et des clashs à l’intérieur des
salles de classes. Certains films témoignent de scènes de racket entre jeunes
ados.
Les enseignants se plaignent des désagréments causés par les sonneries des
portables, mais pas seulement ! Les échanges de SMS pendant les cours, les
tricheries grâce au téléphone, les sonneries polyphoniques et l’irrespect du
professeur sont d’ailleurs leurs quotidiens.
Une chose est certaine, il est temps de poser la question de l’usage du
téléphone portable au sein des établissements scolaires et de sa régulation.
Les médecins réclament la fermeture des portables pour nuisances au matériel.
Durant les voyages en avion, les équipages imposent que l’on éteigne les
téléphones portables pour interférences électroniques.
A l’école et au lycée, on continue à laisser le téléphone et ses débordements,
régner en maître absolu. Faut-il interdire les portables pour autant ? Ce n’est
pas une interdiction qui solutionnera le problème.
Des lois restrictives existent chez nous. Il convient, aujourd’hui, de les
appliquer et d’urgence. Il est clair qu’incriminer l’outil est facile, mais il
faut reconnaître que chercher à maîtriser les comportements est tout autant
suicidaire, surtout par les temps qui courent ! Il est indéniable que le
portable et les nombreux usages que nous en faisons rendent floues les
frontières entre la vie privée et la vie socioprofessionnelle.
Faut-il pour autant subir et s’en accommoder ? Sommes-nous à l’abri de cette
technologie qui nous prend littéralement à la gorge ? Ne faut-il pas commencer à
songer à en préserver certains espaces.
Entre-temps, sous d’autres cieux, certains pratiquent la médecine par téléphone
mobile. Au Japon, les personnes dépressives peuvent suivre une psychothérapie
gratuite via leur téléphone. Suite à un certain nombre de questions relatives «à
l’utilisateur, sur son sommeil, ses habitudes alimentaires, ses changements de
poids éventuels ou son état moral», un médecin propose une thérapie consultable
depuis son portable.
Espérons ne pas en avoir besoin mais le stress téléphonique commence vraiment à
frapper! Esperons qu’une dérive n’en chasse pas une autre.