S’agit-il aujourd’hui de redonner le goût de la Tunisie aux touristes, ou le
goût du tourisme aux opérateurs touristiques tunisiens ? La question vaut
son pesant d’or. Elle me turlupine l’esprit depuis longtemps.
Beaucoup de nos professionnels du tourisme sont démotivés, aguerris ou
découragés. Certains parmi les plus jeunes ont encore des projets. Ils ont
d’ores et déjà moins de rêves plein la tête. Ils se heurtent à des rigidités
et pas seulement administratives !
Certains se sont même mis à opérer dans des destinations concurrentes.
Dommage ! Ceux qui osent s’y consacrer ne sont plus très nombreux tant le
sentiment de gâchis et de découragements est énorme. La qualité de services
de nos structures témoigne précisément de la mentalité qui règne dans un
secteur sclérosé. Les gens sont démotivés et les compétences tunisiennes,
sous d’autres cieux, sont recrutées à prix d’or et font des étincelles.
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Entre l’administration de tutelle et les opérateurs privés, les relations ne
sont pas toujours au beau fixe. “Je t’aime, moi non plus” se conjugue au
quotidien. Les uns tardent à s’organiser pour prendre en charge leur destin,
voire leur survie. Les autres pâtissent, aussi, tant bien que mal, des
lenteurs qui handicapent leurs actions. Le multi interventionnisme des
différents services de la fonction publique nationale et le manque de moyens
flagrant ralentissent les ardeurs. Toutes les ardeurs.
La stratégie de diversification du produit tunisien qu’a entamée le pays est
des plus percutantes. Il convient d’en faire un bilan. Les choix sont bons,
la manière de l’approcher et appliquer a, peut-être, été moins percutante,
mais le résultat final est encore approximatif.
Il m’arrive de me dire que cette stratégie de diversification n’a pu se
reposer sur la prise en charge par le secteur privé. Ce dernier ne s’est pas
trouvé complètement libéré du joug de l’administration. Y était-il prêt ?
Présentement, les relations entre le secteur privé et le secteur public sont
plus que jamais le nerf de la guerre. Le tourisme est une industrie où des
pays, de plus en plus nombreux, se livrent une guerre terrible. Avons-nous
seulement compris, de manière égale, que nous sommes dans l’œil du cyclone ?
Avons-nous compris que nous ne pouvons sortir de ce marasme qu’ensemble ? La
question s’impose. Elle dérange. Nombreux sont ceux qui scandent : Où est la
relève ?
Aujourd’hui, plus que jamais, il n’est plus temps de théoriser. Il faut
agir. La question me brûle les lèvres. Elle aussi, mérite d’être posée.
L’état de notre tourisme tunisien ne traduit-il pas finalement notre
incompétence à travailler ensemble ?
L’amalgame entre hôtellerie et tourisme a eu raison de notre destination.
Trop longtemps pensé pour et par des hôteliers, c’est la destination Tunisie
qui ennuie. Notre pays reste un pays balnéaire qui s’enlise dans une
saisonnalité de plus en plus courte.
Sur les 250 mille lits que comprend le parc hôtelier tunisien, seul 10 mille
lits sont en grande difficulté. Les dossiers sont à ce titre en cours de
traitement. Mais je ne peux me demander combien de structures hôtelières
sont en difficulté plus ou moins sérieuse ? Combien vivent une situation
périlleuse ? Combien sont en sous-effectif de personnel, font du dumping,
affichent des taux de retours à 0% et sont gangrénés par un taux
d’insatisfaction élevé ? Combien d’hôtels affichent un taux de remplissage
inférieur aux cauchemars les plus enfouis de leurs promoteurs?
Décalé, notre tourisme saisit assurément les tendances, mais peine à s’y
épanouir. Il laisse échapper certaines “modes”, au point de se retrouver en
fracture avec sa cible. Une cible de plus en plus jeune et exigeante. Une
cible noyée par les opérations de charme des destinations concurrentes et
émergeantes.
Le voyage est plus que jamais à portée de main ou de souris, serait-il plus
judicieux à dire. Plus que jamais auparavant, choisir une destination c’est
désirer une sensation et rechercher un bien-être. A ce titre, ne dit-on pas
que “rêver du voyage, c’est déjà voyager” ?
Le touriste voyage plus souvent, moins longtemps et choisit entre mille
destinations et produits qui le font rêver. Le souci de notre destination
vient probablement du fait qu’elle ne fasse plus beaucoup rêver. Elle n’est
qu’un compromis qualité/prix qui entame sérieusement sa réputation.
On dit qu’une image vaut mille mots. Sans vouloir m’étaler, n’est-ce pas
l’image du tourisme tunisien qui va au plus mal ? N’est-ce pas son manque de
visibilité qui pénalise notre marché ?
La défaillance en communication revient en boucle dans tous les
commentaires. Cette communication ne reflète-elle pas précisément l’état du
secteur ? Pouvons-nous communiquer sur des produits pas encore mûrs ?
Il est incontestable que les moyens limités pèsent lourd et nous pénalisent
dans la bataille du marketing et de la communication qu’affronte
difficilement et depuis quelques années la Tunisie. Mais il faut aussi
reconnaître que la communication dans son sens le plus large n’est pas une
spécialité où nous excellons.
Se plaindre «ad vitam» d’un manque de moyens est-il pour autant une solution
? A titre indicatif, le tourisme sur Internet est bel et bien une réalité.
Il est assurément l’avenir de cette industrie dans le monde. Il ne coûterait
pas si cher de l’investir. N’avons-nous pas raté le rendez-vous crucial avec
Internet ?
Lire aussi :
– Le tourisme débattu par les JD : passer d’une destination touristique à une industrie