Restrictions et solidarité, le cocktail islandais pour traverser la tempête

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Une rue de Reykjavik, le 20 avril 2009 (Photo : Olivier Morin)

[21/04/2009 06:39:23] REYKJAVIK (AFP) Dans les rues venteuses de Reykjavik où vivent les deux tiers des 319.000 Islandais, pas l’ombre d’un sans abri: six mois après la faillite des banques, la crise est toujours invisible mais l’heure est aux restrictions et à la solidarité.

“Pour les personnes qui ont un travail, pas grand chose n’a changé, mis à part qu’elles voyagent moins à l’étranger et qu’elles dépensent beaucoup moins d’argent au quotidien”, résume Urnur Kristjansdottir, 35 ans.

Cette employée des douanes, mère de trois enfants âgés de un, cinq et dix ans, n’est pas inquiète pour l’avenir et explique, philosophe, qu’avec la récession, les Islandais redeviennent raisonnables.

Avant la crise internationale qui a ébranlé le secteur bancaire, les Islandais, fraîchement enrichis à mesure que les banques se développaient rapidement à l’étranger, avaient l’un des niveaux de vie les plus élevés de la planète.

En 2007, la croissance (+5,5%) faisait pâlir d’envie les Européens et le PIB par habitant atteignait 65.285 dollars. En 2008, la croissance n’était que de 0,3% et le PIB par habitant a chuté de 20% (52.088 dollars), selon des données de l’office national de la statistique, en raison de l’effondrement de la couronne. Et cela va empirer cette année avec une récession attendue d’environ 10%.

Valur Gunnarsson, chauffeur de taxi, la cinquantaine, raconte que les employés des entreprises privées dont l’habitude était de se déplacer en taxi, prennent désormais le bus.

“Il y a des signes que la crise est bien là. Avec le chômage, certains ménages sont contraints de chercher de l’aide auprès d’associations caritatives”, explique Gunnar Haraldsson, directeur de l’institut économique islandais. “Mais cela reste une minorité”.

Le chômage a triplé au premier trimestre passant de 2,3% à 7,1%, selon le bureau de la statistique.

Pour ceux qui ont perdu leur emploi, la vie quotidienne est d’autant plus difficile que sur l’île, les produits de consommation courante, importés, sont très chers et toujours soumis à une forte inflation (15,2% en mars).

Du coup, la consommation des ménages a fortement baissé depuis l’automne.

Et la tendance se poursuit. Le ministère des finances prévoit d’ailleurs une baisse de 24,1% cette année.

Gunnar Haraldsson souligne que le problème majeur pour les ménages est le remboursement des emprunts contractés dans une autre devise que la couronne islandaise.

“Pour les ménages et les entreprises qui ont des emprunts en devises étrangères, c’est une catastrophe”, dit-il, précisant qu’environ 7% des prêts immobiliers ont été contractés en yens, dollars ou en euros.

Mais face à l’adversité, les Islandais s’entraident.

Les jeunes sont nourris par leurs parents, les grands-parents subviennent aux besoins de leurs petits-enfants et certains ménages n’hésitent pas à quitter la capitale pour vivre dans la maison familiale en province.

D’autres, expatriés à l’instar de Hinrik Hansen, 32 ans, sont revenus. Cet ancien employé, chargé des ventes dans une société d’importation de viandes et de poissons, a quitté l’Allemagne il y a quatre mois pour Reykjavik.

“J’ai décidé d’ouvrir un bar en banlieue, c’est un défi mais je ne pouvais pas laisser ma famille dans les difficultés ici”, dit-il.

Dans la banlieue de Reykjavik, nombre de bâtiments récents sont presque vides mais, souligne Hinrik Hansen, “nous devons rester debout, unis tous ensemble”.

“Des crises, nous en avons déjà connues, peut-être pas de cette ampleur mais nous nous en sommes toujours sortis”, ajoute-t-il.

“Beaucoup de gens ont le sentiment d’avoir fait un pas en arrière, d’être revenus dans les années 70 ou 80. Finalement la société islandaise est peut-être plus sympathique aujourd’hui qu’elle ne l’était en 2007. Nous n’avons pas d’argent mais les gens sont plus solidaires”, conclut Gunnar Haraldsson.