L’ampleur de la crise rend les prévisions difficiles et fragiles

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Logo du FMI (Photo : Brendan Smialowski)

[23/04/2009 06:44:26] PARIS (AFP) L’ampleur de la crise économique et le climat d’incertitude qui en découle rendent extrêmement difficiles les prévisions des conjoncturistes, sans cesse revues en baisse au cours des derniers mois, au risque d’entamer leur crédibilité.

En raison de la rapide dégradation de la conjoncture, les pronostics ne cessent d’être battus en brèche, contraignant les prévisionnistes à revoir leur copie.

Mercredi, le Fonds monétaire international (FMI) a par exemple révisé de nouveau drastiquement ses attentes: il table désormais sur un repli du Produit intérieur brut (PIB) mondial de 1,3% en 2009, contre une baisse de -1% à -0,5% attendue un mois auparavant seulement.

“La fragilité des chiffres est totalement inédite”, reconnaît Xavier Timbeau, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Mais selon lui, aussi incertaines soient-elles, les prévisions ont un sens: “on annonce que c’est du jamais vu. C’est un peu comme une alerte avant un crash, c’est difficile de prévoir exactement quelle va être la gravité du choc et le nombre de morts, mais l’alerte a été donnée”.

Pour l’économiste américain Joseph Stiglitz, les instituts et les gouvernements sont dans leur rôle en faisant des prévisions. “Reste à savoir si elles sont fiables”, juge-t-il.

Or pour le Prix Nobel d’économie 2001, “il existe en ce moment une très forte incertitude. La seule chose dont on peut être sûr, c’est qu’on va rebondir après avoir atteint un plancher”.

Mais par exemple, “on ne sait pas qui fera faillite, dans quelle mesure les banques ont encore des pertes à déclarer, ou bien comment les difficultés rencontrées par une région du monde vont se répercuter à d’autres économies”, ajoute-t-il.

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éat du prix Nobel d’Economie 2001 et professeur à l’université de Columbia, Joseph Stiglitz s’exprime, le 14 février 2008 à La Défense (Photo : Pierre Verdy)

“On vit une période inhabituelle qui entraîne des comportements inhabituels”, rendant plus complexe le travail des prévisionnistes, témoigne aussi Eric Dubois, chef du département conjoncture de l’Insee.

Ainsi, les entreprises françaises, qui ont craint et anticipé une forte baisse du crédit, ont récemment réagi en diminuant leurs stocks ou en réduisant leurs investissements, souligne-t-il.

Par ailleurs, “on vit une crise financière d’une ampleur et d’une violence jamais connues dans les pays développés et peut-être a-t-on atteint les limites des enquêtes qualitatives”, souligne-t-il.

Comme beaucoup, l’Insee a dû revoir en baisse ses prédictions pour la France: l’institut anticipait en mars un recul du PIB de 1,5% au premier trimestre contre une baisse de 0,4% seulement prévue en décembre.

“Depuis 1975, on n’avait jamais prévu une baisse trimestrielle supérieure à 0,6%”, souligne Eric Dubois, pour illustrer la singularité de la crise actuelle.

Pour Xavier Timbeau, “les chiffres sont à considérer comme un support au raisonnement plus que comme quelque chose de vraiment tangible”.

Mais pour Jean-Hervé Lorenzi, professeur à l’université Paris-Dauphine, les conjoncturistes ont un peu “alimenté la crise” en sous-estimant les difficultés.

“On est dans une situation tellement novatrice, tellement révolutionnaire, que mieux vaudrait donner des fourchettes de chiffres très larges, plutôt que faire des prévisions totalement irréalistes”, estime-t-il.

Ainsi le consensus des économistes table sur une baisse du PIB mondial d’environ 2,0% en 2009 mais sur une hausse d’également 2,0% en 2010, ce qui n’est “pas crédible une seconde”, selon lui. Car “on ne va pas gagner 4 points de croissance sur le seul effet des plans de relance !”

“Mieux vaudrait être plus prudent, mais sans doute plus réaliste”, plaide-t-il.