En guise d’introduction, je souhaite aborder l’histoire du système financier
dans les pays musulmans. En effet, dans l’islam, le commerce de l’argent est
inconcevable, ainsi que le prêt, et à plus forte raison le prêt à intérêt
assimilé à l’usure. Or, une économie est fondée sur les crédits et les
opérations bancaires en général. Quand les Etats musulmans
ont accédé à l’indépendance et qu’il leur a été nécessaire d’organiser leur
économie, il leur a fallu créer des organismes financiers, des banques, etc. Ce
sont les plus souvent les minorités non musulmanes qui s’en sont chargées. Cela
présentera rapidement des inconvénients, les autochtones musulmans se trouvant à
la tête des entreprises, du gouvernement, et ne disposant pas eux-mêmes du
circuit de crédit. Le cas le plus significatif est celui du PAKISTAN.
En Egypte, on est parvenu à trouver la solution par la mise en place du groupe
Miçr (organisation des finances nationales et de l’économie) contrôlé par des
musulmans. C’étaient les premiers pas pour accéder graduellement au contrôle des
entreprises financières égyptiennes. Dans les autres pays, il a bien fallu
arriver à un compromis, qui permit d’organiser des systèmes de crédits sans
attenter aux principes religieux.
Pour résoudre cet épineux problème, les banques dans les pays musulmans ont
d’abord été des banques d’Etat, et par la suite les développements du système
financier se sont succéder et sous différentes formes, fortement exercées dans
l’ensemble des pays.
Lancée depuis les années 70 au moyen orient, la finance islamique représente
aujourd’hui entre 500 et 800 milliards de dollars d’actifs gérés selon les
principes de la Charia et a enregistré une croissance annuelle de 15% depuis les
dix dernières années.
Cependant, son apport reste faible en Afrique malgré les 412 millions de
musulmans qui constituent près de 50% de la population globale estimée à 850
millions d’habitants.
Selon un rapport publié le 26 mars 2008 par Moody”s Investors Services, le
marché potentiel de la finance islamique sur le continent africain pourrait
s’élever à près de 235 milliards de dollars US.
En filigrane, il est admis de ne pas douter que les institutions financières
continueront d’adapter leurs produits, pour profiter de la liquidité
actuellement présente dans les pays musulmans, au travers d’une niche
spécialisée: “la finance islamique” qui a crû très rapidement, durant les trois
dernières décennies, pour devenir une industrie mondiale portant sur plusieurs
centaines de milliards de dollars qui présente une opportunité de financement
pour les Etats souverains, qui souhaiteraient recourir au Sukuk, afin de
financer leur économie.
C’est ainsi que beaucoup de pays, qui ont réussi à mettre à niveau leur
situation financière ces dernières années, ont ré-exprimé des nouveaux besoins
de liquidité auprès des investisseurs du Golfe et du sud-est asiatique, pour
accompagner des investissements en infrastructures, et ce en émettant des
obligations (sukuk en finance islamique).
Le cas du MAROC est intéressant, les banques marocaines proposent depuis mai
2007 des produits islamiques, qui permettent aux clients de mener des opérations
dans le secteur de l’immobilier et des équipements par l’IJARA (assimilé au
leasing), la MORABAHA pour financer les commerçants et el MOUCHARAKA pour le
capital investissement. Les projections font émerger le secteur de l’immobilier
qui sera certainement le plus dynamique, et ce en mettant en place des crédits
immobiliers par le biais de l’IJARA qui permet à la banque d’acheter le bien et
le louer à son client avec option d’achat à terme du contrat. La rémunération
est incluse dans les prix et étalée sur toute la durée.
Sur d’autres continents et surtout en FRANCE, il est intéressant de présenter
comment les banques européennes se sont organisées -ou s’organisent- pour
développer les préceptes de cette finance et quel est l’intérêt affiché. En
effet, les premiers produits financiers, en accord avec les principes
islamiques, ont vu le jour en 2004 dans la zone Euro et plus précisément en
Angleterre, qui a autorisé l’implantation des banques islamiques.
De son côté, active dans ce secteur depuis le début des années 80, BNP Paribas a
été l’une des premières banques à opter pour développer la finance islamique. En
2003, BNP Paribas Najmah a été créée dans le Royaume de Bahreïn avec la mission
de fournir des solutions islamiques dans le monde entier.
BNP Paribas a reçu le prix Euromoney de “Best Islamic Finance House”. Cette
nomination reconnaît son expertise dans les activités liées au: financement de
projets à structure islamique, Corporate Finance et Corporate Banking. De plus,
d’autres solutions créatives étaient développées : première Emission Obligataire
Islamique (Sukuk), Dérivés Actions (Equity Derivatives), Titrisation (Asset
Securitization), Dérivés de Crédit (Credit Derivatives) et Financement Structuré
Islamique de type «Murabaha».
C’est désormais au tour de la SAGEM AI, filiale de la Société Générale de
proposer des investissements qui respectent la loi islamique.
De même, et depuis la création de son unité de banque islamique (IBU) à Bahreïn
en 2004, le Crédit Agricole réalise des transactions spécifiquement islamiques,
prévoyant de proposer des produits garantis sur les matières premières,
respectant les règles du «murabaha» aux investisseurs institutionnels.
Et c’est seulement qu’à la suite du rapport ARTHUIS sur les fonds islamiques
présente au Sénat français en octobre 2007 où il fait savoir “Qu’il y a là, à
l’évidence, matière à réflexion, pour les acteurs européens continentaux et
notamment français …”, et constate qu’il s’agit d’un marché à fort potentiel
de développement. En effet, depuis le mois de février 2009, la finance islamique
est désormais autorisée en France, grâce à une modification de la loi fiscale et
l’amendement adopté par le sénat en date du 18/03/2009 qui a modifié le régime
de la FEDUCIE. Cette nouvelle législation va permettre à la place de PARIS de
développer l’émission des SUKUK (obligations) compte tenu d’une instruction fiscale sur la
neutralité des opérations de MURABAHA (opération d’achat au comptant suivie
d’une revente à terme) et sur la déductibilité de la rémunération versée au
titre des SUKUK.
Il est même envisagé de créer un fonds souverain de 100 milliards d’euros, sur
lequel MM. Jean-Michel Fourgous et Olivier Dassault, déclaraient lors d’une
interview parue dans les colonnes du PARISIEN du 02/04/2009, que ce fonds est
vital pour stimuler la croissance économique et investir dans des secteurs clés
porteurs d’avenir. Ce fonds peut investir dans des sociétés performantes et
d’avenir où le taux de rendement varie entre 7 à 10%, bien plus que les bons de
trésor (2 à 3%).
Evoquant à l’occasion, que Edmund Phelps, Prix Nobel, a calculé qu’en remettant
la culture économique des peuples à niveau, on pourrait gagner 3 à 4% de
croissance.
Ils affirment qu’ils sont des partisans convaincus pour développer la finance
islamique en FRANCE, qui pèsent 700 milliards de dollars dans le monde, surtout
que la confiance devrait revenir ! Les actifs toxiques qui ne représentent que
1% (2.000 milliards) de la masse totale des actifs qui s’élève à 200.000
milliards, ne doivent pas handicaper ce retour fort espéré par tous les
dirigeants politiques et économiques.
Par ailleurs et en préfaçant l’ouvrage “LA FINANCE ISLAMIQUE A LA FRANÇAISE : un
moteur pour l’économie, une alternative éthique”, qui est le résultat des
recherches de 10 compétences reconnues pour faire, d’après les auteurs, de la
place de Paris un lieu de l’innovation conceptuelle en matière de finance
islamique, M. HERVE DE CHARETTE (député, ancien ministre français des Affaires
étrangères et président de la chambre de commerce franco-arabe), explique les
mérites de la finance islamique, et considère que la France accuse un retard
dans ce domaine par rapport à la Grande-Bretagne, par exemple, et qu’il est
d’intérêt stratégique d’en adopter les techniques, et ce pour 3 raisons, je cite
:
– financer les efforts d’investissements surtout dans l’appareil productif et de
recherche, clef de la croissance d’aujourd’hui et de demain ;
– renforcer la place de PARIS pour devenir une place financière dynamique et
profonde pour offrir aux entreprises, grandes ou moyennes qui cherchent de
s’agrandir, les moyens de leur développement et surtout pour nouer des relations
privilégiés et investir les marchés moyen-orientaux ;
– meilleure prise en compte des besoins d’une partie de la population française,
qui souhaitent disposer d’instruments financiers conformes à leur croyance
religieuse et des convictions sociales.
Notons que la formation est à l’ordre du jour, c’est d’ailleurs l’Institut de la
bourse britannique en partenariat avec l’Ecole supérieure des affaires libanaise
qui a créé en octobre 2006 le premier diplôme mondial de finance islamique.
Aujourd’hui, l’université de Strasbourg assure la formation pour obtenir un
diplôme en finance islamique, l’institut sup de Reims propose un cours et un
institut est en cours de création. De même, des cycles de formation sont prévus
partout en France à partir du deuxième semestre 2009.
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