Quand les salariés deviennent malades de la crise

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és travaillent, le 5 décembre 2006, dans un centre d’appels de l’institut de sondage Ipsos à Ivry-sur-Seine (Photo : Eric Feferberg)

[03/05/2009 09:27:41] LYON (AFP) Les restructurations d’entreprises ont un impact majeur sur la santé des salariés, notamment en termes de stress, selon un rapport européen qui préconise de s’intéresser aux “survivants” de ces réorganisations, ainsi qu’aux salariés intérimaires ou CDD, plus vulnérables.

Les salariés d’une entreprise en restructuration voient leur santé se dégrader, aussi bien sur le plan physique que psychologique, souligne le rapport HIRES (Health in restructuring), réalisé par 13 chercheurs européens et présenté jeudi lors d’un séminaire à Lyon.

“Un changement d’organisation est toujours un facteur potentiel de stress”, souligne le professeur Thomas Kieselbach, de l’université de Brême, coordinateur du rapport.

Le ministre du Travail Brice Hortefeux a d’ailleurs souhaité qu’un effort soit fait pour les “troubles suscités par un stress excessif en cette période de crise”.

“L’Organisation mondiale de la santé parle de la crise comme d’une catastrophe épidémiologique majeure. Elle va se traduire par une augmentation forte du stress, des dépressions, des troubles cardio-vasculaires, des comportements addictifs, et au sommet de l’iceberg, de la mortalité et des suicides”, prévient Claude-Emmanuel Triomphe, de l’Association Travail Emploi Europe Société (Astrees), organisatrice du séminaire avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).

Plusieurs études européennes ont déjà souligné cet impact, même s’il est difficile à chiffrer.

Or, même si le changement “est inévitable et fait partie de la vie quotidienne”, la santé des salariés est “rarement la priorité, ni de la part des employeurs, ni de la part des syndicats”, qui se concentrent sur la sauvegarde des emplois et l’indemnisation, a regretté Greg Thomson (syndicaliste britannique d’Unison).

Les restructurations affectent les salariés victimes de licenciements (angoisse, sentiment d’insécurité), mais aussi ceux qui restent dans l’entreprise, les “survivants”, qui peuvent notamment souffrir de culpabilité, de déclin de confiance vis-à-vis de l’entreprise, et sont aussi confrontés à une nouvelle organisation du travail, voire une intensification.

Parmi eux, les managers, souvent pris “en sandwich”, peuvent être très touchés, insiste M. Kieselbach.

Des efforts particuliers doivent aussi porter sur les intérimaires, sous-traitants ou CDD, qui sont “les plus vulnérables en termes de santé”, a fait valoir M. Triomphe, qui souligne que “ce n’est pas par la médicalisation et la psychologisation qu’on doit traiter le problème”.

Pour M. Kieselbach, “l’élément central, c’est la justice. Si le changement n’est pas perçu comme légitime, rien ne peut l’adoucir ou l’atténuer”.

Rémi Descosses, directeur général adjoint de l’entreprise Seb, explique qu'”il faut prévoir les restructurations quand on est en bonne santé, car tout ce qui se fait à chaud entraîne une situation difficile pour le personnel”, ce que souligne également Laurence Laigo (CFDT), tout en reconnaissant que les syndicats ont “parfois du mal à évoquer les problèmes avant”.

Le rapport préconise aussi d’améliorer le dialogue social et la communication, et met en avant la responsabilité sociale des entreprises.

Enfin, il insiste sur la nécessité d’initiatives venues de la base, à l’instar de cette ancienne salarié de la Camif qui a créé un blog pour ne pas se “laisser mourir comme ça”, face au “traumatisme de la liquidation judiciaire”.