D’après le dernier rapport des Nations Unies, publié avant la tenue, à la fin
du mois de mars 2009, du Forum international de l’eau à Istanbul, la
conflictualité autour de « l’or bleu » s’explique, dans plusieurs régions du
monde, par les fortes pressions sur des ressources peu abondantes,
l’augmentation des besoins en eau de la population mondiale à raison de 64
milliards de mètres cubes par an, à la suite de la croissance démographique,
l’urbanisation à outrance des pays du sud, empiétant largement sur les
plaines agricoles et les choix économiques qui font la part belle au secteur
tertiaire, jugé plus rentable dans un monde marchandisé, financiarisé à
l’extrême.
« En Tunisie, par exemple, le tourisme ouvert à l’international, en dépit de
ses retombées positives sur l’ensemble de l’économie nationale et son apport
indéniable à la trésorerie publique, capte plus des deux tiers de l’eau
disponible dans les régions touristiques du pays, à l’image du Cap-bon et
des stations balnéaires de la côte où les habitants voient la richesse
hydrique se tourner en priorité vers des activités de services, par essence
aléatoires, au lieu de servir, en premier lieu, le développement local et
régional, fondé sur la durabilité, la constance, l’intégration et le respect
des équilibres sociaux et environnementaux », affirme Monsieur Ahmed Driss,
Directeur du Centre des Etudes méditerranéennes et Internationales à
l’occasion du dernier colloque sur « l’eau dans la région de la méditerranée
: Un enjeu stratégique », organisé, récemment, à l’initiative de
l’association Konrad-Adenauer-Stifung.
La mobilisation des eaux en Tunisie :
Avec un climat méditerranéen au nord (pluviométrie 1500mm) et saharien au
sud (moins de 50mm), la moyenne interannuelle des apports en eau de surface,
par ailleurs très variables dans le temps et dans l’espace, est estimé,
d’après une source au Ministère de l’Agriculture et des Ressources
Hydrauliques, à 2,7 milliards de m3 par an dont 80% proviennent des
gouvernorats du nord du pays. Le potentiel souterrain est évalué, quand à
lui, à 2,165 milliards de m3, soit 44,4% de la richesse hydrique nationale
appréciée à hauteur de 4865 millions de m3, ce qui place la Tunisie dans la
catégorie des pays les moins dotés en ressources en eau dans le bassin
méditerranéen avec un ratio de 480 m3 par habitant bon an mal an.
« Grâce aux grands barrages(29), aux lacs collinaires(825), à 5000 sondages
exploités et aux 95.000 puits équipés, la Tunisie a réussi, durant la
dernière décennie, à mobiliser 88% de ses ressources hydrauliques et sera en
mesure, d’ici 2012, d’atteindre les 90% du potentiel mobilisable», nous dit
Monsieur Habib Chaieb, Directeur des eaux non conventionnelles et de la
recharge artificielle au sein du Ministère de l’Agriculture, qui met
l’accent sur l’interconnexion entre les différentes régions du pays grâce
aux canaux de conduite, aux eaux souterraines douces de la Tunisie Centrale,
alimentant le Sahel, de Sousse à Sfax et celles de Zeuss-Koutine, desservant
le gouvernorat de Médenine.
Pour une gestion intégrée du capital hydrique :
La surexploitation des ressources en eau souterraines, l’impact des
changements climatiques, l’envasement des retenues des barrages, des lacs
collinaires et la baisse des précipitations sont, d’après le dernier rapport
de la Banque mondiale sur « le Développement de la Région MENA », des défis
à la Tunisie qui essaie de parvenir à une gestion intégrée de son potentiel
hydraulique, d’établir un système de suivi (monitoring) pour le secteur, de
définir les critères de durabilité du patrimoine hydrique et de rassembler
les données de base nécessaires à l’élaboration d’une Planification Cadre
susceptible de définir à moyen et long terme (2030-2050) les investissements
à même de garantir aux citoyens et usagers un accès permanent à l’eau
potable.
« Les axes stratégiques de la réforme de la gestion de l’eau doivent tourner
en Tunisie autour de l’implication de la société civile dans la préservation
de la ressource, l’optimisation du réseau pluviométrique, la redéfinition
des politiques tarifaires, les transferts de compétences et l’adéquation de
la formation aux besoins du secteur », indique une étude de l’association «
gtz » (Coopération Technique Allemande), qui appelle à l’implémentation de
la stratégie d’adaptation de l’agriculture aux changements climatiques, à
l’actualisation du bilan hydraulique tunisien au niveau régional et national
et à la valorisation des eaux usées traitées, conformément aux standards
internationaux.