Reprise économique : les Etats-Unis semblent mieux placés que l’UE

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à Toulouse, le 10 octobre 2008 (Photo : Eric Cabanis)

[11/05/2009 07:43:19] PARIS (AFP) Maintes fois annoncée, toujours repoussée, l’heure de la reprise mondiale demeure incertaine mais une hypothèse gagne du terrain: les Etats-Unis, épicentre du séisme économique, pourraient sortir de la récession avant l’Union européenne (UE) et en meilleure posture.

Le contraste est saisissant. Sur la semaine écoulée, la Commission européenne a annoncé pour cette année la pire récession en zone euro depuis 1945 alors que la Réserve fédérale américaine (Fed) a suggéré que les Etats-Unis renoueraient avec la croissance dès la fin 2009.

Alimenté par une moisson de bons indicateurs, l’optimisme de la Fed ne convainc pas tout le monde. “La Réserve américaine a eu tout faux depuis le début de la crise”, déclare à l’AFP le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, prédisant une longue atonie de la consommation des ménages américains.

Mais un consensus plus large s’esquisse: “Le rebond de croissance viendra plus rapidement” aux Etats-Unis qu’en Europe, assure Barry Eichengreen, professeur à Berkeley (Etats-Unis), tandis qu’Eric Chaney, chef économiste d’Axa, prédit un décalage “d’environ six mois” entre la reprise Outre-Atlantique et celle sur le Vieux Continent.

Centrés sur l’investissement, les plans de relance européens “mettront plus de temps” à porter leurs fruits que le dispositif américain qui inclut des “coups de pouce à la consommation” aux effets plus immédiats, explique Philippe Aghion, enseignant à Harvard, aux Etats-Unis.

“Les pays de l’UE ont renoncé à une relance par la consommation par peur que cela ne profite à leurs voisins mais ils sont aujourd’hui réduits à attendre les retombées du plan américain”, regrette-t-il.

Premier exportateur mondial, l’UE est par ailleurs “plus sensible” à l’affaissement du commerce international et dépend là encore du redémarrage de la demande aux Etats-Unis, son premier client, souligne M. Chaney.

La chute annoncée du commerce mondial en 2009 (-9% selon l’OMC) pourrait ainsi retarder le rétablissement du Vieux Continent.

L’UE risque également d’être ralentie par l’embardée des pays de l’Est, dont certains sont guettés par une récession à deux chiffres en 2009 (Estonie, Lituanie…).

“Certains de ces pays jouaient un rôle d’entraînement par l’appel massif aux investissements étrangers”, souligne Jean Pisani-Ferry, directeur de l’institut Bruegel, en Belgique, jugeant la “situation préoccupante”.

Premiers à sortir de la récession, les Etats-Unis seraient en outre mieux armés que l’Europe pour financer la reprise et le regain d’activité des entreprises.

“L’Europe est moins avancée s’agissant de la remise en état des marchés de crédit et du système bancaire”, juge M. Chaney.

Selon le FMI, la détérioration du crédit sera plus forte pour les banques européennes qui auraient besoin d’une recapitalisation de 600 milliards de dollars contre 275 milliards pour leurs consoeurs américaines.

Alors que les banques Outre-Atlantique sont soumises à des “tests de résistance”, “l’état réel du système bancaire européen et sa capacité à soutenir l’activité posent question”, souligne M. Pisani-Ferry.

L’enjeu est crucial: les entreprises de la zone euro dépendent presque exclusivement des banques pour leur financement. “Seuls 10% de leur endettement provient des marchés financiers contre 40% aux Etats-Unis”, selon M. Pisani-Ferry.

Plusieurs économistes soulignent également que la Fed a joué son rôle de “réamorceur du crédit”, notamment en rachetant des obligations du Trésor, contrairement à la Banque centrale européenne qui reste “obsédée par l’inflation”, selon M. Aghion.

La BCE semble avoir entendu le message. Elle a annoncé jeudi l’achat d’environ 60 milliards d’euros d’obligations et a abaissé son principal taux directeur à un nouveau plancher historique de 1%.