Le débat a toujours eu cette faculté de lever le voile sur la
réalité, la vraie, et non pas celle qu’on veut nous montrer. Face à face, loin
des discours pompeux des officiels, les opérateurs économiques maghrébins,
réunis dimanche 10 mai, à l’auditorium de l’hôtel Sheraton à Alger, se sont dit
toutes les vérités, celles qui fâchent et celles qui font plaisir.
Le premier à ouvrir le bal est un chef d’entreprise tunisien actif dans
le secteur des détergents. «Comment voulez-vous encourager l’investissement
dans nos pays respectifs alors qu’il m’a fallu payer l’équivalent de deux
fois le billet Tunis-Paris pour venir à Alger, et séjourner dans un hôtel à
250 euros la nuitée», regrette l’opérateur sous les applaudissements de
l’assistance. Il est inconcevable, poursuit-il, «que nous importons des
marchandises de partout au moment où nous avons la capacité de les produire
dans nos pays et avec une bien meilleure qualité».
Son collègue marocain trouve aussi incongru de parler d’investissements
intermaghrébins en maintenant des frontières fermées. Il est primordial,
pour lui, de «garantir aux opérateurs économiques maghrébins à la fois la
liberté de circuler et la liberté d’investir».
En réponse aux entraves bureaucratiques qui se dressent devant l’acte
d’investir dans chacun des pays de l’UMA, le représentant de l’Association
des patrons libyens propose de transcender cette difficulté en créant, à
titre d’exemple, des sociétés communes dans le bâtiment qui ne nécessitent
pas, selon lui, des grands capitaux et lancer ainsi des projet communs dans
les différents pays du Maghreb.
L’opérateur libyen regrette aussi tout ce temps perdu dans la concrétisation
de l’UMA depuis une vingtaine d’années et a appelé à aller au-delà des
discours de conjonctures en passant rapidement à l’acte.
Plus précis, certains patrons d’entreprise, désirant s’installer en Algérie,
affirment ne pas comprendre l’attitude des pouvoirs publics algériens envers
les investisseurs étrangers. «On limite la participation des algériens à 30%
dans les entreprises commerciales importatrices et on exige la majorité dans
les projets industriels. Ce qui est paradoxal pour un pays demandeur
d’investissements productifs et créateurs de richesse», relèvent-ils.
Il faut dire que les dernières mesures décidées par les autorités
algériennes en matière d’IDE ont fait l’objet de plusieurs interrogations de
la part des opérateurs maghrébins à l’instar de cet opérateur tunisien qui,
tout en affirmant comprendre le souci de l’Algérie de bien protéger ses
intérêts économiques, a soumis au débat l’idée d’un «régime spécifique pour
les Maghrébins» en matière d’investissement. Un régime qui serait le même
dans les cinq pays de la région. Aussi, afin de bien faciliter les
implantations dans chacun des pays, l’appel a été lancé pour l’harmonisation
des réglementions régissant l’investissement.
Les Banques centrales maghrébines ont été par ailleurs sollicitées et
exhortées à se réunir pour déterminer une politique financière commune.
Intervenant au débat, Chakib Nouira, directeur général de l’Institut arabe
des chefs d’entreprises, fera remarquer que le non-Maghreb fait perdre aux
pays de la région de 1 à 2% de croissance chaque année. “Avec 1% seulement,
on peut régler tous les problèmes du chômage des jeunes dans notre région”,
a-t-il noté. Il est nécessaire, selon lui, de multiplier les échanges
inter-maghrébins et de monter des projets en commun.
Afin de maintenir les contacts mais également la pression sur les politiques
maghrébins, les opérateurs économiques ont appelé unanimement à ce que le
Forum soit tenu chaque année dans l’un des pays de la région.