Des ouvriers (Photo : Jean-Paul Barbier) |
[13/05/2009 07:53:45] PARIS (AFP) Le prêt de main d’oeuvre d’une entreprise à une autre, inscrit dans une proposition de loi qui doit être discutée le 26 mai, connaît un intérêt renouvelé du fait de la baisse d’activité de certaines sociétés, mais son rôle d’alternative à des licenciements reste limité.
Le prêt de main d’oeuvre consiste à céder un salarié pendant une durée déterminée à une autre entreprise, sans qu’il y ait rupture de contrat de travail, le salarié revenant ensuite chez son employeur initial.
Le prêt de main d’oeuvre n’est permis que dans un but non lucratif (sauf pour l’intérim), l’entreprise prêteuse devant refacturer à l’euro près les salaires et charges. Il doit aussi ne pas avoir pour objet de contourner les droits du salarié, faut de quoi il constitue un “délit de marchandage”.
En ces temps de crise, certaines entreprises ont opté pour cette alternative pour réduire leurs coûts, sans avoir à se séparer définitivement de compétences qui leur seront nécessaires lors de la reprise.
C’est le cas de Soitec, un fabricant de matériaux en silicium près de Grenoble, qui a annoncé un plan de départs volontaires pour 10% de son effectif (860 personnes en France), tout en favorisant le prêt de salariés.
Selon la CGT de Soitec, la direction souhaite que 50 salariés soient prêtés pour 18 mois au Commissariat à l’énergie atomique (CEA).
“Beaucoup de PME nous disent +je ferais bien ce projet, mais je n’ai pas les compétences+ tout en n’ayant pas les moyens d’embaucher ou d’attirer le bon profil à ce stade de leur projet”, témoigne Nicolas Leterrier, directeur général de Minalogic, organisme ayant oeuvré au rapprochement des deux organisations et à l’établissement d’une convention encadrant le prêt.
Mais ce dispositif, dans un bassin orienté vers l’innovation et avide de compétences pointues, “ne concernera pas de grosses masses (de salariés)”, prévient M. Leterrier.
Même remarque chez le groupe de chimie Rhodia qui, parallèlement à des suppressions de postes (100 à 200), va prêter en 2009 des salariés au sein du groupe et en dehors.
“Ce n’est pas la mesure phare du groupe pour s’adapter à une situation de sous-activité, c’est une des propositions”, souligne une porte-parole.
Chez l’équipementier automobile Inoplast en Ardèche, une centaine de salariés vont travailler quelques mois chez une entreprise voisine, Iribus-Iveco, un des plus gros fabricants français de bus ayant reçu dernièrement une grosse commande de la RATP.
A Toulouse, Continental Automative (électronique embarquée) a récemment fourni des opérateurs à Thales Alenia Space, moins touché par la crise.
Signe d’un regain d’intérêt, le député UMP Jean-Frédéric Poisson a déposé une proposition de loi précisant la définition du prêt de main d’oeuvre dans le but d'”encourager à la mobilité professionnelle”.
Mais si le prêt de main d’oeuvre peut être un outil homéopathique bienvenu en temps de crise, il soulève aussi de nombreuses questions légales et s’inscrit dans une évolution toujours plus morcelée du cadre de travail.
Me Emmanuelle Boussard-Verrachia, spécialiste du droit du travail, pointe “une fragilisation du salarié”, éloigné de son entreprise, donc de ses collègues, des délégués syndicaux et de ses habitudes de travail. Elle prône “des garde-fous très stricts pour éviter le dévoiement” du prêt de main d’oeuvre.
Propriété intellectuelle (brevet), vote aux élections professionnelles, accident du travail, avancement, ancienneté, etc.: à défaut d’être précisés dans une convention, ces points restent en suspens, et pas forcément à l’avantage du salarié.