Le Patronat maghrébin en front uni ?

A l’impossible nul n’est tenu. Tout devient possible dès le
moment où les intérêts commencent à mener la danse des relations internationales
et prennent le pas sur la politique politicienne. La baguette, cette fois-ci,
n’est pas magique, elle serait plutôt économique. Et pour ce qui est de
l’édification d’un Grand Maghreb uni par des intérêts communs tant attendu,
voulu et ambitionné par les opérateurs privés, osons espérer une chorégraphie
qui réponde aux vœux des peuples et de l’histoire commune de pays fédérés
géographiquement et culturellement.

djilani-benyahia-ume1.jpgSi
le démarrage se fait à petits pas de danse, l’essentiel est d’écrire la
première note en espérant un rythme synchronisé et soutenu. En tout cas,
c’est ce qui ressort des interventions et débats qui ont animé les journées
de réflexion organisées dans le cadre du premier Forum de l’Union maghrébine
des employeurs qui aurait prouvé que là où les enjeux économiques deviennent
importants, l’impossible n’a plus lieu d’être.

Espérons que la maestria de Hédi Djilani, fin stratège, et de Habib Ben
Yahia, diplomate confirmé et Maghrébin convaincu, finiront par venir à bout
de toutes les résistances des pays voisins de la Tunisie et où l’on ne peut
considérer à ce jour que tout se fera comme sur du papier à musique.

Rassembler près de 500 hommes d’affaires maghrébins dans un même espace et
pendant deux jours n’était pas aisé mais c’est aujourd’hui chose faite.

Le Maghreb pourrait être plus qu’une illusion d’optique, le chemin est, il
est vrai, long et semé d’embûches mais les maîtres d’œuvre en sont
conscients, ils savent que la tâche exigera beaucoup de patience, de
diplomatie et de savoir-faire.

Ne pas gêner, ne pas choquer

La déclaration d’Alger annoncée tard lundi (lire synthèse) n’a pas été au
goût des journalistes et de certains entrepreneurs qui, dans leur
enthousiasme et dans le feu de l’action, ont placé la barre très haut
s’attendant à des recommandations concrètes et pratiques à soumettre aux
gouvernements respectifs. Cette réaction n’a pas, semble-t-il, ému outre
mesure, ceux qui ont veillé à sa formulation et qui ont considéré qu’elle ne
peut en aucun cas reproduire deux jours de débats passionnés et de
discussions houleuses entre entrepreneurs.

«Je comprends votre déception par rapport à la déclaration, a indiqué Hédi
Djilani, président sortant de l’UME, mais vous devez comprendre qu’en la
consignant, il fallait veiller à ne pas secouer les politiques. Il fallait
ménager les susceptibilités des uns et les autres». Il a expliqué qu’il y a
eu consensus entre les responsables des différentes organisations patronales
afin que le texte formulé, qui s’adresse à un large public y compris les
responsables politiques, ne gêne pas et ne choque pas non plus.

Ce qu’il faut retenir de la déclaration, affirme M. Djilani est l’esprit qui
a animé les débats francs, virulents parfois, sincères et spontanés. Deux
jours durant lesquels des entrepreneurs, qui ont à cœur l’édification du
Maghreb économique, se sont évertués à démontrer qu’il est possible,
faisable et que surtout il permettra à leurs pays d’être plus prospères et
plus solides par rapport à l’adversité. «Les entrepreneurs mènent
aujourd’hui une cause et leur démarche pour avancer sur le chemin de
l’union, n’a pas été facile», a ajouté Hédi Djilani qui explique que tous
les moyens ont été mis en œuvre par l’UMA sur les plans réglementaires et
légaux pour l’édification d’un Maghreb économique. Les mesures entérinées
par les différents Etats et les accords signés n’ont malheureusement pas été
appliqués.

Et plutôt que d’aller vers une confrontation avec les politiques qui ne
pouvait que desservir la cause des opérateurs privés, les entrepreneuriats
maghrébins ont préféré choisir la voie de la diplomatie et de la
négociation. Le président du Patronat tunisien, qui a affirmé être fier que
la première déclaration de l’UME soit proclamée à Alger, est rejoint par
Habib Ben Yahia, secrétaire général de l’Union du Maghreb arabe qui a
précisé que parmi les 37 accords conclus entre les Etats signataires en
1989, 19 sont à caractère commercial et économique.

La Banque maghrébine d’investissement devrait être opérationnelle très
prochainement, a-t-il assuré. Deux pays y ont, d’ores et déjà, apporté leurs
contributions, les trois autres les rejoignent au plus tôt.

M. Ben Yahia a joint son appel à celui de Hédi Djilani pour convier les
médias à ne pas considérer le contenu de la déclaration d’Alger, qui ne fait
que dessiner les lignes directrices du partenariat économique entre les
entrepreneuriats des 5 pays, comme étant la seule et unique référence ou
piste concernant le Maghreb économique. «Le meilleur reste à venir, nous ne
pourrons évaluer réellement les résultats de ce Forum que lors de la tenue
de sa deuxième édition, qui a lieu l’année prochaine à Tunis. Le plus
important, au-delà de la déclaration, est ce qui s’est passé dans les
coulisses entre hommes d’affaires et les projets qui ne tarderont pas à voir
le jour suite aux rencontres fructueuses qui se sont déroulées entre des
privés qui partagent les mêmes intérêts».

C’est exactement l’opinion de Boualem M’Rakach, président du CAP
(Confédération algérienne du patronat), qui estime pour sa part, que la
déclaration comporte des actions précises pour développer l’entrepreneuriat
maghrébin et qu’elle représente une avancée certaine dans le processus de
l’unification si l’on se référait «à une période récente», précise-t-il, en
ajoutant : «La déclaration d’Alger porte en elle les revendications des
patronats à savoir unifier les politiques économiques et développer les
infrastructures et les logistiques communes. Elle est un appel véhément pour
la construction de la communauté économique maghrébine, ce dont il n’a
jamais été question à ce jour».

L’UME, dont le prochain mandat sera assuré par Ibrahim Hafedh Hafez,
président du Conseil des employeurs libyens, tiendra son prochain forum les
10 et 11 mai prochains à Tunis. Pour le représentant du patronat
mauritanien, le premier forum de l’UME, restera dans les annales de
l’histoire parce qu’il constitue un repère pour une économie maghrébine qui
se veut solidaire, organisée et capable de faire face aux défis d’une
nouvelle ère qui se présente sous forme de cataclysme ou tsunami
économique».

Hédi Djilani a appelé lors de la conférence de presse qui a suivi la clôture
des travaux du Forum à ce que les patronats maghrébins se présentent
désormais à leurs vis-à-vis européens ensemble pour pouvoir mieux négocier
et préserver les intérêts de leurs économies respectives. Espérons que son
appel ne tombera pas dans des oreilles sourdes.