Injecter l’impératif de la qualité dans le corps de
l’Administration est un challenge majeur. Détails sur cette oeuvre
d’aggiornamento dont on attend beaucoup et qui nous apporterait le plus avec
M.Tarek El Bahri, chargé de mission auprès du Premier ministre, directeur
général de l’Unité de la Qualité des prestations administratives au Premier
ministère.
Votre
tache est noble, mais le risque est gros. Mission impossible, ne trouvez-vous pas ?
J’ai pleinement conscience que la. Ce qui pèse en la matière c’est qu’il y a
une obligation de résultats. Cependant ce qui me conforte dans mon travail
c’est qu’il existe une nette volonté politique de faire aboutir la mission.
Dans son discours du premier mai le chef de l’Etat a évoqué à trois reprises
la démarche qualité et évidemment je me suis senti interpellé et c’est un
signal fort qui rappelle que notre pays outre la composante quantitative se
soucie du qualitatif. J’ajouterais que c’est un souci de pays à économie
avancée.
Comment êtes-vous organisé ?
La structure dont j’ai la charge n’est pas du type classique, c’est une
unité par objectifs, et donc de résultats.
Comment allez-vous arbitrer entre le citoyen et le tissu administratif ?
Par la rationalité de notre démarche et la cohérence de nos objectifs. De
toute façon je ne vois pas de conflits d’intérêts.
Et en plus clair ?
Quatre objectifs structurent notre mission. Tout au commencement, le
citoyen, élément central du contrat social. Mieux le servir et répondre à
ses attentes, en étant anticipatif, serait notre raison d’être. C’est ce qui
a trait à la qualité de l’accueil, les délais d’attente, les délais de
réponse à une demande, la réduction du nombre de documents exigés. Ensuite
l’environnement économique. Œuvrer à conforter la compétitivité de
l’environnement national des affaires et la promotion de l’emploi, de la
productivité etc… Dispenser à l’entreprise des prestations de qualité pour
figurer dans le peloton de tête de la compétition internationale. En
troisième lieu vient le versant « utile » de la mission. La quête de qualité
nous aide à éliminer les gaspillages et nous fait optimiser les process
réduisant le »coût » de nos interventions. Et je ne vous cache pas qu’en
temps de crise mondiale cet aspect précis prend une certaine acuité. Last
but not least le développement des ressources humaines est notre quatrième
pilier.
Ces quatre objectifs directs ont deux impacts tangibles: la recherche de la
performance alliée à la démarche qualité permettent de récupérer 1 % du PIB.
De même qu’elles boostent les IDE
Dés lors comment mesurer vos performances ?
Les objectifs étant définis il va falloir mettre en place un outil destiné à
aider les administrations à s’approprier les techniques du management par la
qualité pour améliorer leur performance et atteindre leurs objectifs
Avez-vous adopté un référentiel d’indicateurs ?
L’administration tunisienne a choisi le CAF européen comme référentiel de
normes de qualité dés le mois d’avril 2008. C’est l’outil le plus adapté à
des services non marchands tel que les prestations administratives. Il nous
permettrait d’atteindre dans les délais qui nous sont impartis les objectifs
qu’on s’est fixé. Bien entendu nous avons entrepris de l’implémenter selon
une stratification à trois niveaux. C’est ce qui fait que l’approche
tunisienne est à la fois pragmatique et fonctionnelle.
Avec quelle méthodologie ?
D’abord le diagnostic. Nous dialoguons avec tout le personnel du service
concerné. Nous avons expérimenté la méthode avec les recettes des finances,
les bureaux d’emploi, les services du ministère de l’agriculture et des
ressources hydrauliques….
Le CAF présente l’avantage pratique d’individualiser l’intervention service
par service pour des actions ciblées ce qui confère son caractère souple et
flexible.
Grâce au diagnostic on examine les séquences du process et on identifie les
points forts et les goulots d’étranglement après quoi nous arrêtons notre
plan d’action. La mise en œuvre du plan d’action nous fait alors rentrer
dans l’ingénierie des processus
Vous recourez à l’auto-évaluation. Il y a le risque que les fonctionnaires
soient cléments avec eux-mêmes. Est-ce que ça peut affecter la crédibilité
de la mission?
L’obligation de transparence nous exposera au feu du critère d’objectivité
qui est impitoyable.
Vous redressez les processus et quid des « mauvaises pratiques » ?
Les dépassements seront relevés et les correctifs adéquats seront mis en
place, c’est tout aussi simple.
Votre mission demande un mental fort?
Pour que les acteurs se mobilisent il faut leur montrer ce que représente la
non qualité. L’amélioration des conditions de travail et le reprofilage de
l’évolution de carrière seront les deux critères phares. Bien entendu il
faut en accompagnement de cette démarche assurer la formation et
l’assistance. Notre démarche est de nature participative. Et les
fonctionnaires comprendront que pour rester dans la course il va falloir se
remettre en cause et reconsidérer autant que cela est nécessaire leur façon
de faire.
Disposez-vous d’un Atlas administratif ?
Nous avons dressé une cartographie de l’administration tunisienne. Et nous
avons priorisé les prestations et par conséquent convenu d’un plan de
campagne avec pilotage et planning de réalisation.
Les remarques de mauvaise humeur des citoyens insatisfaits vous
indisposent-elles ?
J’y vois personnellement un acte de patriotisme de leur part. Les citoyens
désirent une administration performante, quoi de plus naturel qu’ils tirent
la sonnette d’alarme en dénonçant les dysfonctionnements s’ils existent.
Seulement je demande à ce qu’on soit indulgent avec l’administration. Elle
vous tend les bras, allez vers elle.
Y aura t il un lien direct entre vous et le citoyen?
Sous peu notre site web sera opérationnel et nous pourrons communiquer en
direct.
Vous annoncez un logo marhaba comme label de qualité ?
Oui c’est bien le logo qui validera la certification qualité d’accueil pour
une administration.
Les RH sont la clé de voûte de votre mission. L’administration a la
réputation d’être chiche, comment faire pour avoir des compétences?
Le référentiel national de la qualité des services publics a pour objectif
la valorisation des compétences par la formation, l’évaluation, l’écoute et
l’analyse comparée
Dans les régions de l’intérieur il y a un fort appel à des progrès rapides ?
le plan d’action privilégie cet aspect il faut une plus grande proximité.
Nous serons présents dans les régions. Notre démarche est locale régionale
et enfin centrale. Nous nous déplacerons et serons à l’écoute.
On aurait vu votre mission confiée à une autorité indépendante comme c’était
le cas pour la consultation nationale sur l’emploi. Votre avis ?
Loger notre unité au sein du premier ministère est un choix idéal car il
nous permet de travailler en transversalité avec tous les autres
départements sans exception.
Après réflexion on se dit que l’administration électronique pourrait
résoudre le problème. Votre avis ?
A coup sûr, grâce à la dématérialisation l’e-gov serait le stade suprême de
notre mission.