L’aide aux pays pauvres pourrait faire les frais de la récession mondiale

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Logo de la Banque mondiale (Photo : Brendan Smialowski)

[20/05/2009 06:57:14] PARIS (AFP) Frappés à leur tour par la récession mondiale, les pays pauvres pourraient faire face à une autre difficulté: la réduction de l’aide des pays riches touchés par l’explosion des déficits publics.

La crise a déjà fait basculer 50 millions de personnes dans l’extrême pauvreté, selon la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, qui ont exhorté les pays riches à “faire plus” en matière d’aide publique au développement (APD), conformément à leurs engagements réaffirmés lors du G20 début avril.

“Il y a des risques que ces promesses ne soient pas tenues si la crise s’accentue encore”, admet José Gijon, chef du bureau Afrique-Moyen Orient à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

“Les pays riches sont soumis à une telle pression budgétaire et doivent financer tellement de mesures pour leur propre population qu’il leur sera difficile de justifier le maintien d’aides destinées à d’autres pays”, déclare à l’AFP Shanta Devarajan, chef économiste pour l’Afrique à la Banque mondiale.

L’aide aux pays pauvres est “une cible facile” pour des gouvernements désireux de réduire leurs dépenses, explique Emmanuel Frot, de l’Institut des transitions économiques de Stockholm.

Dans une étude récente, ce chercheur établit que les six pays qui ont été frappés par une crise économique dans les années 90, dont le Japon et les Etats-Unis, ont en moyenne baissé leur budget d’APD de 13% l’année suivante.

“Comparés au produit intérieur brut, les montants de l’APD paraissent négligeables mais il n’y a pas de petites économies pour les Etats”, souligne-t-il.

Après une année 2008 record en terme de volume d’aide au développement, la baisse semble amorcée. Début février, l’Irlande a baissé de 10% son budget d’aide, suivant l’exemple de l’Italie (-56% acté en décembre) et de la Lettonie qui l’a supprimé totalement, selon le Réseau européen sur la dette et le développement.

Au-delà des montants déboursés, Oliver Buston, directeur Europe de l’organisation non gouvernementale ONE, s’inquiète d’un “changement” dans la structure même de l’aide: “Les pays riches délaissent de plus en plus les dons et privilégient les prêts” afin de récupérer une partie des fonds engagés, assure-t-il, craignant “une nouvelle crise de l’endettement” des pays pauvres.

Les annulations de dette, elles aussi intégrées au calcul de l’APD, sont par ailleurs “trompeuses”, relève Katia Herrgott, de l’ONG Coordination Sud: “On ne sait jamais si les dettes effacées seront consacrées au développement.”

Alors que les Etats-Unis ont budgétisé une hausse de 8% de leur aide en 2010, le cas de la France –4e bailleur de fonds mondial en volume– cristallise l’inquiètude des ONG.

“On craint un recul en France et on manque totalement de visibilité”, résume Sébastien Fourmy, d’Oxfam France-Agir ici, qui veut tirer “la sonnette d’alarme”.

Le projet de budget 2009 a attisé les craintes. Il prévoit un niveau d’APD de 0,47% du revenu national brut (RNB) pour 2009 avant un déclin en 2010 (0,41%) et 2011 (0,42%).

Ce chiffre est “une estimation (…) en cours d’actualisation”, répond Eric Chevallier, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, qui assure que “la crise n’a pas entraîné une révision à la baisse des budgets”.

La France est toujours engagée à porter son APD à 0,7% du RNB en 2015, conformément aux Objectifs du millénaire de l’ONU, rappelle M. Chevallier.

La tâche s’annonce compliquée, et pas simplement pour la France.

“Avant la crise, les pays riches ne respectaient déjà pas leurs engagements pour l’Afrique. Alors imaginez maintenant avec la récession…”, remarque Shanta Devarajan.