Mieux vaut le prendre en mains. On peut vivre avec son stress
si on apprend à alterner les moments de détente et le plan de charge. Mieux vaut
s’en prémunir pour bien le gérer.
Ça va du simple coup de barre au burning out quand la personne disjoncte.
Il est à ajouter à la longue liste des fameuses maladies du siècle qui ne
finissent pas de proliférer. Le stress, ça n’a l’air de rien mais c’est au
moins un état de dysfonctionnement et c’est déjà assez pour être pris au
sérieux. Au pire il va jusqu’à la dépression et là bonjour les dégâts. C’est
naturellement catastrophique pour l’individu et ça l’est tout autant pour la
collectivité. Cela lui pose un coût de traitement outre qu’il révèle ses
excès.
Le stress, les spécialistes vous le diront, il faut lui faire face avec du
nerf. C’est la digue qui permet de contenir le fléau. Si cette protection
cède, on bascule dans une aire de pathologie. A l’instar des «tueurs
silencieux» métaboliques, tel le sucre ou le sel; le stress s’installe
sournoisement. Les alertes ne manquent pas. Elles sont émotives. Et c’est là
qu’il faut sévir. Se rendre compte de la situation est impératif. Il s’agit
ni plus ni moins que de contrôler la situation.
Il y a d’abord à se protéger, se prémunir contre les causes qui s’installent
et se manifestent par des symptômes qui ne trompent pas, telles
l’irritabilité, la fatigue. Ensuite, mettre en place un plan de lutte.
Respirer, s’entourer. Aller vers les siens ou les laisser venir vers soi.
Bouger, rire, changer son environnement. Au-delà si on se laisse prendre à
contre-pied, au-delà de l’affect, c’est le mental qui est shooté et même
l’organisme. L’infarctus n’est pas loin.
C’est vrai que c’est un cas extrême mais à ne pas négliger. En tous cas, un
dérèglement psycho-somatique est garanti sur facture. Et là, il faut gérer.
C’est vrai de l’individu, de l’entreprise et enfin de tout le corps social.
C’est de cela qu’il a été question à l’atelier de travail organisé à Tunis,
samedi 23 mai, à l’initiative de la Coopération allemande GTZ, et à
l’adresse des cabinets de consultants spécialisés dans la gestion du stress.
A l’issue de cet atelier animé par deux experts en la matière, MM. Nizar Ben
Salem et Ahmed Bahri, nous avons dressé le suivant round up sur la question.
Nizar
Ben Salem, DG de ACT com
Le stress est multiple, il n’est pas qu’un ?
En effet, il varie et cela fait que ses facteurs, ses réactions ainsi que
ses symptômes diffèrent. Il peut provenir de l’inquiétude, de l’angoisse du
passé vécu qui resurgit mais de la surcharge de responsabilité.
Il déstabilise fatalement ?
Quand on parle des effets du stress, il faut tenir compte des conditions
personnelles du sujet concerné, de son entourage affectif de sa résistance.
Certains sujets peuvent surmonter les symptômes du stress et d’autres pas,
et dans ce cas, on est dans le versant pathologique du phénomène, le sujet
déprime. C’est selon la personnalité de chacun et l’intensité de la
pression.
Qu’est-ce qu’on appelle la mauvaise étoile du stress ?
Ce sont cinq types d’expression du stress que l’on peut dénombrer. Vous
avez, par exemple, le stress sournois qui part du vécu et des mauvaises
expériences passées.
Comment dès lors lutter contre le stress ?
Il faut, au préalable, garder son calme et ne pas perdre ses moyens. Il y a
ensuite à découvrir les causes et les circonstances du stress pour maîtriser
la situation.
Demander du stressé d’avoir un comportement rationnel, est-ce bien
raisonnable ?
Rationnel n’est peut-être pas le mot, mais pragmatique. Une démarche
systématique est nécessaire. Poser les bonnes questions pour trouver les
vraies causes.
Ahmed Bahri, expert és qualité
Vous appelez le stressé à se prendre en mains. On peut s’autosoigner ?
C’est comme pour arrêter de fumer, le sujet doit s’assumer. En situation de
stress, il faut se prendre en mains. L’initiative doit émaner du sujet. Et
d’ailleurs, j’ai recommandé des outils autonomes que tout individu peut
utiliser afin de maîtriser son stress.
L’automédication suffit-elle ?
Le sujet peut se prendre en charge tout seul ou ce qui est mieux intégrer un
groupe pour une thérapie conviviale d’ensemble. De même, je recommanderais
des centres de remise en forme, enfin de l’exercice sous toutes ses formes
relaxantes et bienfaisantes.
La thérapie par le divertissement. Est-ce bien sérieux ?
Je recommande les solutions de thérapie douce en premier lieu. Faute de
résultats probants ou si la situation devient pathologique, il faut
consulter le «psy».
Pourquoi supprimer les thérapies de l’affect de celle du physique ?
Elles se rejoignent. Quand on est bien dans sa tête, le corps suit. L’affect
c’est pour se détendre, et le physique c’est pour écarter les accidents de
santé. Cela dit, on peut marcher en écoutant de la musique, c’est-à-dire
décompresser et travailler son corps.
Le stress, il faut le taire ou en parler ?
Et surtout ne pas hésiter d’en parler. On peut le faire en groupe, ce peut
être en famille. Ne jamais hésiter à solliciter l’aide de son entourage ou
offrir la sienne à celui qui la réclame.
Philippe Lotz,
responsable de la composante Innovation
Coopération technique allemande GTZ
Comment prendre la mesure du stress professionnel ?
Selon moi, il trouve son origine dans une absence d’organisation. A tous les
postes de travail, on est dans une situation où on a, et surtout les bons
éléments, de plus en plus de tâches à mener sans être forcément préparés au
management du temps. Les entreprises n’ont pas tout à fait pris la mesure
des méfaits que cela peut avoir et on serait bien inspiré de temps en temps
à faire un recul sur soi et à évaluer la situation.
La précarité et l’accélération des cadences sont-elles à l’origine du stress
professionnel ?
Auparavant, avoir un travail était sécurisant. A l’heure actuelle, c’est un
combat permanent. Il y a une espèce d’insécurité sourde qui s’installe avec
un système américanisé. Mais c’est aussi le contrecoup de l’offre
pléthorique sur le marché du travail. Maintenant, la question qu’on peut se
poser est de savoir si un salarié surprotégé socialement est plus efficace.
Je n’en suis pas convaincu. Il y a un juste milieu à trouver.
Une rémunération insuffisante, une source de stress ?
Je suis dans une organisation qui paie correctement. Malgré cela, certains
éléments saturent et arrivent au bout de leurs compétences. La hiérarchie
exige souvent le plus sans tenir compte de la grille des effectifs. Elle a
toujours tendance à penser que c’est encore faisable, et c’est vrai qu’on a
des cadres qui tournent à 10 et 12 h par jour. Ils sont tellement motivés et
impliqués qu’ils ne vont pas regarder forcément l’horaire. Ils paient
certainement par de la fatigue et un comportement déstabilisant.
Je relève aussi que les gens s’imposent des exigences de qualité en étant
motivés, précis et perfectionnistes, se stressent eux-mêmes. Rien ne nous
oblige à aborder le travail de cette façon là. Pareil avec les consultants
qui sont présents dans cet atelier. Rien ne les oblige à se surpasser, mais
ils le font par souci de bien faire.
Le dépassement d’horaire devient un élément dans la compétition au travail ?
On peut le voir comme ça. Il est clair que de temps en temps cela nous
pousse dans une situation de stress que l’on sait plus ou moins gérer.
Faouzi Belhaj,
consultant BMF
Le stress ?
On ne peut plus ignorer les problèmes causés par le stress dans
l’entreprise, que l’on soit dirigeant ou consultant. Le problème est pris
très au sérieux de par le monde, à l’heure actuelle. Il serait bien
d’étendre les études de l’impact du stress sur le rendement au travail et la
productivité. Il existe des bureaux, sur la place, qui sont spécialisés dans
le traitement du stress. Il existe donc une offre et ce serait bien si la
demande se manifestait de manière un peu plus consistante. Il y a un effort
à faire de la part de l’entreprise pour s’éveiller à l’utilité de lutter
contre le stress et ses méfaits.
La gestion du stress, une expertise ?
Oui, parce que les consultants se spécialisent. Ils acquièrent le profil
adéquat et les compétences nécessaires en psychologie, en communication. Ils
savent diagnostiquer et dessiner les contours d’un plan d’action en vue
d’agir pour amener plus d’ergonomie.
Kamel Ben Ameur,
DG Cabinet Optimax – Partenaire du Programme Innovation –
Qualité.
Quelle relation entre stress et innovation ?
Ils sont liés, je dirais. Le changement véhicule du stress à la fois pour
les travailleurs et les consultants. Et puisque le stress devient
inéluctable, autant s’apprêter à le gérer. Il faut bien se dire qu’un projet
d’innovation comprend des séquences naturellement stressantes avec les
diverses étapes de conception, de faisabilité et enfin de réalisation. La
tension qui accompagne la naissance d’un projet est stressante parce qu’il y
a toujours cette angoisse de l’échec. Cette tension perdure du début à la
fin, et c’est un facteur difficile à écarter.
Le stress, inévitable ?
Il faut nuancer. Le stress peut être positif. Une entreprise qui ne vit pas
une situation de stress ne peut pas avancer. Elle va s’autosuffire et à
terme s’engourdir. Nous avions connu cette situation dans les années 70 avec
le protectionnisme. Quand elles étaient protégées, nos entreprises avaient
un taux de compétitivité très bas. L’ouverture qui est une situation de
stress les a dopées.