émantelement d’un réseau pédophile sur Internet en mai 2003 à Orléans (Photo : Alain Jocard) |
[27/05/2009 10:14:13] PARIS (AFP) Face à l’explosion de la cybercriminalité, le projet de loi sur la sécurité intérieure (Loppsi) devrait permettre aux forces de l’ordre de capter directement, à distance, les données informatiques des truands ou des terroristes en installant sur leurs ordinateurs des mouchards.
L’article 23 de la Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi), présentée mercredi en conseil des ministres par la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie et auquel l’AFP a eu accès, est intitulé “captation de données informatiques en matière de criminalité organisée”.
Il vise, sous le contrôle d’un juge d’instruction, à mettre en place un dispositif technique permettant “une captation à distance, à toute heure, en n’importe quel lieu, et à l’insu du détenteur du matériel, d’éléments informatiques (…) quel qu’en soit le support ou le vecteur”.
Cela constitue, de l’aveu des policiers et des gendarmes, une “révolution” devant “faciliter notre travail”. En clair, selon eux, ils pourront poser une sorte de mouchard à distance, grâce à un logiciel par exemple, sur les ordinateurs de suspects où qu’ils soient.
Jusqu’à présent, il fallait, pour y accéder, demander une autorisation à des fournisseurs d’accès à internet et les enquêteurs ne pouvaient en outre pas capter les conversations cryptées de truands.
“Certains périphériques ne laissent actuellement aucune trace des données dans les unités centrales, c’est anormal”, a en outre précisé un de ces enquêteurs.
Ils le faisaient déjà pour des enquêtes liées à la criminalité organisée mais ne pouvaient avoir accès aux données informatiques que lors des perquisitions. Cet article de loi devrait lever “de nombreux obstacles”, selon eux.
Ce nouveau dispositif sera réservé aux cas de “criminalité les plus graves” : enlèvements, pédophilie, terrorisme, trafics de stupéfiants ou d’armes. En sont exclus avocats, médecins, notaires ou “personnes bénéficiant d’immunité”, stipule l’article, et “l’opération ne peut excéder quatre mois”, renouvelable une fois.
Un logiciel de recoupements informatiques existant actuellement pour les affaires criminelles – quand il y a notamment plusieurs crimes imputés à un même suspect – sera étendu à la moyenne délinquance comme les cambriolages, prévoit par ailleurs la Loppsi.
Selon le ministère de l’Intérieur, il s’agit de “s’adapter à la délinquance qui évolue”. De créer aussi un “délit d’usurpation d’identité sur internet” qui n’existe pas, sauf s’il y a des dommages financiers, ou de bloquer plus rapidement les sites pédophiles si besoin.
Pour Eric Filiol, directeur du laboratoire de cryptologie et virologie opérationnelles, cela correspond à une “évolution normale aux motifs légitimes”, d’autres pays “ayant adopté ce dispositif”.
Mais “il y a de quoi s’inquiéter en tant que citoyen”, a-t-il nuancé: “dans un Etat de droit, démocratique, il y aura des garanties mais imagine-t-on ce que d’autres en feraient ?”
“Nous n’en serions pas là si les opérateurs” de téléphonie et d’internet “avaient joué le jeu”, a-t-il ajouté, pour “faciliter l’accès aux données informatiques”.
Pour Pascal Lointier, président du Club de la sécurité de l’information français (Clusif), cela “ne posera pas de problème si c’est bien encadré” et “s’il y a une traçabilité pour éviter des dérives”.